Quelques extraits de mon roman en cours "La valse des petits rôles"
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Quelques extraits de mon roman en cours "La valse des petits rôles"
- Spoiler:
- Au début, ce roman devait s'appeler "Le copinaute"... Et puis l'histoire s'est mise à n'en faire qu'à sa tête. Elle a débordé largement de ce que j'avais initialement prévu. Elle s'est même trouvé un autre titre ! Vous vous rendez compte ? Mais bien sûr, que vous vous en rendez compte, vous savez tous comment sont les histoires Les extraits sont séparés par des [...] Le roman est du type saga familiale, et se déroule sur quatre générations...
Il a garé sa vieille Clio grise sur le parking du funérarium, en plein soleil. Aucun arbre sous lequel s’abriter de l’incandescence de ce mois de juin. Le tout-venant presque blanc qui recouvre le sol en réverbère encore plus la luminosité. Il cligne des yeux, se reproche d’avoir oublié ses lunettes noires. Il avance lentement, sous le plomb en fusion de l’après-midi caniculaire. Les graviers crissent sous ses pas. Pour retarder l’instant fatidique qu’il appréhende, il s’arrête un instant, lève les yeux au firmament. Pas un seul nuage sur la toile céleste d’un bleu intense, vibrant, lumineux. Ce bleu du sud à la transparence si unique, qui inspire tant les peintres, attire tous les touristes fuyant la grisaille. Pas un brin d’air non plus. Le Mistral se tient coi depuis plusieurs jours. Celui-là, quand il se met à souffler on le maudit, ses rafales rendent fou. Mais quand il se calme, on étouffe lamentablement et l’on se surprend alors à souhaiter un regain de sa folie furieuse. Luc se rappelle cette légende typique du sud de la Vallée du Rhône, qui raconte que c’est ce vent diabolique qui a rendu le peintre Vincent Van Gogh maboul au point de s’amputer d’une oreille. Pour le supporter, il faut être né, il faut s’être profondément enraciné sur ces terres labourées par sa fougue depuis des millénaires.
A quelques pas de là, sur la Départementale 6086 qui relie Bagnols-sur-Cèze à Pont-Saint-Esprit, le flot ininterrompu de la circulation estivale parasite l’atmosphère d’un ronronnement sourd. Mais Luc ne l’entend pas. Il reprend sa marche. Arrivé enfin sous l’auvent qui fait le tour du funérarium, il remercie l’ombre apaisante de l’accueillir. Puis sans perdre plus de temps, il rase le mur, à la recherche de la salle Lavande. C’est la troisième sur sa droite, tout au bout de ce bâtiment de plain-pied, rectangulaire, au toit recouvert de tuiles vieux mas. Il y a deux bancs en fonte noire et lamelles de bois foncé de part et d’autre de l’entrée. Le cœur affolé, bondissant, tapant furieusement dans sa poitrine comme s’il voulait s’en échapper, il pousse la porte d’une main moite et pénètre à l’intérieur. Une fraîche pénombre se saisit de lui : l’endroit est agréablement climatisé.
Il laisse ses yeux s’accoutumer à la différence de luminosité avec l’extérieur. La première chose qu’il remarque, c’est son reflet dans la glace du fond, sa sempiternelle face de lune. Puis son regard tombe sur le lit sans dosseret qui trône, incongru, au milieu de la pièce. Avec un corps immobile étendu dessus. Luc perd alors le contrôle, son esprit s’enfuit hors de lui-même. Très loin de là, il se voit poser les yeux sur le tout premier cadavre de sa vie.
Il laisse ses yeux s’accoutumer à la différence de luminosité avec l’extérieur. La première chose qu’il remarque, c’est son reflet dans la glace du fond, sa sempiternelle face de lune. Puis son regard tombe sur le lit sans dosseret qui trône, incongru, au milieu de la pièce. Avec un corps immobile étendu dessus. Luc perd alors le contrôle, son esprit s’enfuit hors de lui-même. Très loin de là, il se voit poser les yeux sur le tout premier cadavre de sa vie.
[...]
La porte s’ouvre soudain et la lumière aveuglante du dehors illumine la pièce provençale. Deux silhouettes noires, l’une grande et l’autre plus petite, se découpent dans l’embrasure. Elles entrent et referment derrière elles. « Qu’est-ce qu’il fait bon ici ! » s’exclame une voix de femme. Luc et sa mère se sont levés pour saluer les visiteurs : Jérémy et son épouse Nathalie. Embrassades. Condoléances. Larmes. Court recueillement autour du catafalque. On s’assoit. On soupire. On regrette. Oui, toute vie qui s’éteint mérite le regret. Comme par enchantement, on oublie tous ses mauvais côtés, s’il y en a eu. Le défunt devient presque un saint, digne d’adoration. Nathalie gigote sur sa chaise, mal à l’aise. Elle ne sait comment se mettre. Son dos lui fait mal, son gros ventre de femme enceinte la gêne. Luc se lève : « Je vais un peu dehors… Quelqu’un veut venir avec moi ? » Sa belle-sœur saute sur l’occasion : « Oui ! Moi ! » Ils sortent.
« Merci Luc, d’avoir proposé de sortir… J’en pouvais plus ! Les morts, ça n’a jamais été mon fort.
– Je comprends… Moi, c’est mon premier, mais je sens que ça va pas être mon fort non plus.
– Même s’il fait horriblement chaud, on est quand même mieux dehors. Dans la vie, je veux dire… C’est plus respirable. »
Il lui sourit. Lui propose de prendre place sur l’un des bancs. Il voudrait un instant oublier le pantin inerte enfermé dans la pièce Lavande. Discrètement, il lorgne sur le ventre de Nathalie.
– Je comprends… Moi, c’est mon premier, mais je sens que ça va pas être mon fort non plus.
– Même s’il fait horriblement chaud, on est quand même mieux dehors. Dans la vie, je veux dire… C’est plus respirable. »
Il lui sourit. Lui propose de prendre place sur l’un des bancs. Il voudrait un instant oublier le pantin inerte enfermé dans la pièce Lavande. Discrètement, il lorgne sur le ventre de Nathalie.
[...]
« Ça va ? lui demande Nathalie.
– Te fais pas de bile ! C’est juste la chaleur. J’ai du mal à la supporter.
– Je te comprends ! Moi aussi j’ai du mal. Surtout avec lui ! Vivement la fin du mois prochain, que j’aie enfin accouché ! »
Elle caresse son énorme ballon de chair. Tressaille brusquement. « Oh ! Il vient de m’envoyer un bon coup de pied ! » Ça rosit joliment ses joues, la rend béate d’émotion maternelle. Une vraie madone blonde, aux longs cheveux coulant en une mante de lumière divine sur ses épaules rondes et dénudées. Son regard gris-sel cherche celui de son beau-frère. Elle lui sourit, lui prend la main et la dépose à plat sur son ventre rebondi. Il sent contre sa paume humide la brûlure de sa peau, sous son débardeur moulant rouge tomate. L’alien se manifeste, une fois, deux fois… Avec force, comme s’il voulait repousser la main de cet intrus qui pèse si lourdement sur le dôme de sa propriété privée fœtale. « Sacré petit cogneur ! Ma parole, c’est un violent ! » s’exclame Luc. Il regrette aussitôt ses paroles. Mais la future mère les prend pour un compliment, n’y voit aucune allusion malsaine. Elle ne se départit pas de son extase obstétrique, lance même dans un sourire épanoui : « Oui, déjà un vrai petit mec ! » La porte s’ouvre à ce moment-là, et Jérémy apparaît. « Vous voulez peut-être que je vous aide ? » s’indigne-t-il. Il n’apprécie pas la vision de la main de son frère sur le ventre de sa femme.
« Ben quoi ? s’étonne Nathalie. On fait rien de mal !
– Mon père est raide mort, dans la pièce à côté et toi, tu trouves rien de mieux à faire que de te laisser palper la couenne ! proteste son mari. C’est d’une indécence ! Tu te rends pas compte ?
– Arrête ! intervient Luc. Elle était juste trop contente de me faire sentir les coups de pieds de ton môme. C’est la vie qui continue, quoi !
– Oui ! approuve Nathalie. Ton père est parti, c’est malheureux, j’en suis vraiment très triste, désolée… mais la vie continue.
– Vous êtes deux gros pervers ! J’en reviens pas ! » souffle Jérémy, puis s’adressant à son épouse : « Lâche un peu mon frère et viens avec moi à l’intérieur, vite ! »
La jeune femme lance un regard éteint à son beau-frère. Les roses de l’émotion se sont retirées de ses joues, elle ne brille plus de la conscience aiguë de cette vie en prélude qui cogne dans ses entrailles. Attrapant la main que lui tend son mari, elle pousse son ventre en avant et se lève péniblement, puis elle le suit d’un pas traînant dans la salle Lavande.
– Te fais pas de bile ! C’est juste la chaleur. J’ai du mal à la supporter.
– Je te comprends ! Moi aussi j’ai du mal. Surtout avec lui ! Vivement la fin du mois prochain, que j’aie enfin accouché ! »
Elle caresse son énorme ballon de chair. Tressaille brusquement. « Oh ! Il vient de m’envoyer un bon coup de pied ! » Ça rosit joliment ses joues, la rend béate d’émotion maternelle. Une vraie madone blonde, aux longs cheveux coulant en une mante de lumière divine sur ses épaules rondes et dénudées. Son regard gris-sel cherche celui de son beau-frère. Elle lui sourit, lui prend la main et la dépose à plat sur son ventre rebondi. Il sent contre sa paume humide la brûlure de sa peau, sous son débardeur moulant rouge tomate. L’alien se manifeste, une fois, deux fois… Avec force, comme s’il voulait repousser la main de cet intrus qui pèse si lourdement sur le dôme de sa propriété privée fœtale. « Sacré petit cogneur ! Ma parole, c’est un violent ! » s’exclame Luc. Il regrette aussitôt ses paroles. Mais la future mère les prend pour un compliment, n’y voit aucune allusion malsaine. Elle ne se départit pas de son extase obstétrique, lance même dans un sourire épanoui : « Oui, déjà un vrai petit mec ! » La porte s’ouvre à ce moment-là, et Jérémy apparaît. « Vous voulez peut-être que je vous aide ? » s’indigne-t-il. Il n’apprécie pas la vision de la main de son frère sur le ventre de sa femme.
« Ben quoi ? s’étonne Nathalie. On fait rien de mal !
– Mon père est raide mort, dans la pièce à côté et toi, tu trouves rien de mieux à faire que de te laisser palper la couenne ! proteste son mari. C’est d’une indécence ! Tu te rends pas compte ?
– Arrête ! intervient Luc. Elle était juste trop contente de me faire sentir les coups de pieds de ton môme. C’est la vie qui continue, quoi !
– Oui ! approuve Nathalie. Ton père est parti, c’est malheureux, j’en suis vraiment très triste, désolée… mais la vie continue.
– Vous êtes deux gros pervers ! J’en reviens pas ! » souffle Jérémy, puis s’adressant à son épouse : « Lâche un peu mon frère et viens avec moi à l’intérieur, vite ! »
La jeune femme lance un regard éteint à son beau-frère. Les roses de l’émotion se sont retirées de ses joues, elle ne brille plus de la conscience aiguë de cette vie en prélude qui cogne dans ses entrailles. Attrapant la main que lui tend son mari, elle pousse son ventre en avant et se lève péniblement, puis elle le suit d’un pas traînant dans la salle Lavande.
Dernière édition par Marie Fontaine le Jeu 23 Juin - 21:16, édité 1 fois
Re: Quelques extraits de mon roman en cours "La valse des petits rôles"
ohoh... je sens que ça va pas être drôle... à moins que tu nous ait posté là le pire de ton futur roman
Re: Quelques extraits de mon roman en cours "La valse des petits rôles"
"La valse des petits rôles" ne sera pas comme "Gemini", Baboue, j'explore tous les genres
Re: Quelques extraits de mon roman en cours "La valse des petits rôles"
la valse des petits rôles... intéressant comme titre. tu vas explorer la vie de tous les jours?
Re: Quelques extraits de mon roman en cours "La valse des petits rôles"
excellent! J'en avais lu un morceau, et là, l'incipit complet.
juste une petite question de curiosité: qu'est- ce qu'un "tout-venant? "
juste une petite question de curiosité: qu'est- ce qu'un "tout-venant? "
Re: Quelques extraits de mon roman en cours "La valse des petits rôles"
@ Baboue : "explorer la vie de tous les jours", oui ça me va ! c'est ce que j'aimerais faire avec ce nouveau roman : montrer que cette vie de tous les jours peut être passionnante, et que les gens ordinaires peuvent aussi avoir une histoire digne d'être racontée.
@ Alissa : en fait, ce n'est pas du tout l'incipit, mais trois extraits piochés dans le deuxième chapitre... Je pense que le début serait trop dérangeant pour les membres les plus jeunes du forum, donc je ne le posterai pas ici.
Le tout-venant, ce sont des roches de couleur claire concassées, des gravillons. On les utilise pour faire des allées, des parkings...
Merci pour vos lectures !
@ Alissa : en fait, ce n'est pas du tout l'incipit, mais trois extraits piochés dans le deuxième chapitre... Je pense que le début serait trop dérangeant pour les membres les plus jeunes du forum, donc je ne le posterai pas ici.
Le tout-venant, ce sont des roches de couleur claire concassées, des gravillons. On les utilise pour faire des allées, des parkings...
Merci pour vos lectures !
Re: Quelques extraits de mon roman en cours "La valse des petits rôles"
merci je me coucherais moins bête ce soir!
Re: Quelques extraits de mon roman en cours "La valse des petits rôles"
J"'ai adoré
8.25/10
8.25/10
Margaux1999- Date d'inscription : 01/06/2011
Age : 25
Localisation : Poudlard.
Re: Quelques extraits de mon roman en cours "La valse des petits rôles"
Coucou Marie!!
Honte à moi de n'avoir pas trouvé le temps de venir plus tôt lire les extraits. J'aime beaucoup ton écriture toujours aussi fluide. Et je suis curieuse de ce nouveau roman, que j'ai envie de lire.
Où en es-tu dans l'écriture? Je sais que tu es pas mal occupée ces derniers temps, mais trouves-tu le temps d'écrire?
Honte à moi de n'avoir pas trouvé le temps de venir plus tôt lire les extraits. J'aime beaucoup ton écriture toujours aussi fluide. Et je suis curieuse de ce nouveau roman, que j'ai envie de lire.
Où en es-tu dans l'écriture? Je sais que tu es pas mal occupée ces derniers temps, mais trouves-tu le temps d'écrire?
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