Comme un vol d'éphémères, roman ; extrait 2 ) Pages 12 à 21
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Comme un vol d'éphémères, roman ; extrait 2 ) Pages 12 à 21
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C’était pendant l’été 1939. Juste avant que ne déferle l’ouragan de toutes les ignominies. Petit garçon de neuf ans, il passait d’insouciantes vacances de gamin privilégié en un lieu impossible, inconnu et perdu comme en recèlent tant les côtes bretonnes.
C’était un bout du monde couvert de landes d’ajoncs agrippées au granit affleurant. La côte était basse et se prolongeait en mer de tout un glacis de rochers goémoneux découvrant à marée basse ; paradis des moules, crabes, crevettes et arapèdes, donc des enfants !
De petites criques de sable s’inscrivaient entre les murs rocheux favorisant des baignades paisibles indemnes de tous risques. Une route tortueuse cloutée de bosses, percée de nids de poule et dépourvue par endroits de bitume conduisait à la côte et s’arrêtait brutalement au-dessus des rochers dans un éffilochement effondré de sa structure qui servait de cale à bateaux pour la mise à l’eau des “plates” du lieu.
Deux, trois villas et autant de maisonnettes de pêcheurs, une ferme, un hôtel inattendu et son inévitable annexe s’éparpillaient sur la lande au plus près de la mer. Cela s’appelait la Pointe de Mousterlin ; un désert, un Éden, une autre planète... A sa gauche Beg-Meil ; à sa droite Bénodet, captaient les touristes vacanciers que ces temps de clivage social important recrutaient dans les rangs d’une bourgeoisie aisée, garantissant à la Pointe de Mousterlin un bienheureux oubli... A six kilomètres, en retrait dans les terres, la bourgade de Fouesnant, chef lieu de canton, tous commerces et services, où l’on parlait plus breton que français, constituait le passage obligé pour la “Pointe” et lui tenait lieu de tuteur administratif. On y trouvait une église du Xllème siècle, somptueuse, que précédait un naïf calvaire. S’y croisait une multitude de femmes de tous âge vêtues en tous temps de la robe de velours noir et du tablier de satin brodé qui avec la coiffe aérienne en aile double de papillon et le grand col de dentelle assorti constituaient l’un des costumes nationaux les plus beaux et les plus aboutis de tout le Finistère.
Cet été là huit familles, toutes avec enfants, occupaient les vingt cinq chambres de l’hôtel et de l’annexe ! Le patron présidait aux approvisionnements et à la logistique et son épouse du fond de sa cuisine dirigeait avec fermeté et gentillesse les trois jeunes filles assurant le service. Tous étaient en costumes.
Parmi les familles clientes un professeur réputé de médecine pédiatrique, un écrivain alors célebre, deux couples d’ingénieurs, une famille anglaise aux goûts gastronomiques surprenants, un architecte en vue, la maisonnée d’un officier supérieur, cavalier fringuant et un peu cavaleur (sic), et la très nombreuse famille d’un industriel hobereau tourangeau qui se déplaçait dans une étincelante Renault décapotable “Viva- grand-sport”.
Les parents de cette micro société de reclus volontaires paressaient sous les parasols de la terrasse, jouaient au bridge, se baignaient un peu, organisaient des randonnées aux alentours et jusqu’à Quimper ou Concarneau, allaient vagabonder en vedette sur l’Odet pour achever leur journée en dansant au salon de l’hôtel qu’un phonographe à pavillon alimentait en airs à la mode !
Dans ce lieu béni, livrés à eux-mêmes, les enfants, hors les heures de repas qui les exigeaient civilisés, se baignaient énormément, inventoriaient patiemment les creux des rochers emplis de fucus, gigantesque et alléchant terrain d’investigations et de découvertes, pêchaient au filet des crevettes grises dans les passes de mer libre et des bouquets roses dans les flaques libérées par le jusant. Ils portaient avec allégresse les produits de leur pêche aux cuisines, chaleureusement remerciés par la patronne attendrie (et amusée) par leur fierté à exhiber crabes verts et étrilles (ils disaient tourteaux !) soles et limandes minuscules, coques sableuses arrachées à leur farniente sous trois centimètres d’eau près des dunes toutes proches de la "Mer Blanche" C’était un temps d’insouciance et de bonheur sans questions, vibrant au diapason des vacances enfantines et du soleil
bienveillant...
Jacques était un garçonnet actif et pétri de curiosité ; il voulait tout savoir du domaine qui l’accueillait. Rapidement il avait tracé dans les dunes et par le travers des rochers les sentes secrètes que lui seul parcourrait ne détestant pas un peu de solitude. Il savait où s’embusquaient les plus gros crabes, connaissait les plus vastes cuvettes découvrant en dernier où les bouquets se faisaient le plus souvent piéger. Il pouvait nommer toutes les variétés d’oiseaux se nourrissant sur les grèves et chaque sorte de poissons servis à table.
Fils d’officier, Jacques était prudent, courtois et réservé dans ses rapports avec les adultes rarement prévisibles. Il s’astreignait à avoir toujours une conduite, une tenue, un comportement irréprochable à table témoignant d’une éducation durement acquise dont le respect lui garantissait l’absence de sanctions, privations et autre injustices facilement immanentes !
Il savait participer avec complaisance aux jeux et bains collectifs de ses compagnons d’âge mais sans les rechercher exagérément. Ses convoitises le portaient plutôt vers la mer, l’horizon rond, l’immensité des grèves désertes et les pêcheurs locaux......
Regarder un marin barbu, tanné et rubicond goudronnant la quille d’une plate ou en calfatant le bordé à l’étoupe et à la poix était un spectacle d’une rare qualité tout comme celui de la fusette passant et repassant avec dextérité dans les mailles déchirées des filets. Observer comment ils faisaient manœuvrer et progresser leurs esquifs à la godille dans les chenaux étroits menant à la mer libre était un autre riche et passionnant enseignement. Bref, Jacques était très occupé !
Parfois, fatigué de nager, bronzé, recuit, il s’allongeait pour un petit somme reconstituant dans l’ombre d’une plate dressée sur son côté et solidement étayée d’une vigoureuse godille en bordure d’un grand aplat rocheux luisant et visqueux.
Un jour que sortant de l’eau, il se dirigeait vers son abri d’élection, il le trouva occupé ; déplaisant ! Il allait revendiquer sans ménagement son droit de primo- occupation quand il reconnu l’importune téméraire qui squattait son refuge. La courtoisie l’emportant il s’assit près d’elle avec son plus aimable sourire . Aimable mais un peu forcé !
Elle avait huit ans, répondait au joli nom de Martine de Mauroy et était toute de grâce et d’élégance frêle. Plutôt grande, cheveux longs, noirs, ondulés ; yeux noirs à l’amande allongée, pommettes hautes dans un visage un peu étroit et triangulaire, lèvres minces mais bien ourlées, sa silhouette n’avait bien sûr encore aucune féminité subjective mais laissait deviner un futur séduisant sinon séducteur ! Un sage maillot ras du cou, ras des cuisses la moulait, bleu foncé soulignant l’extrême matité de sa peau, naturellement brune que dorait un hâle de soleil. Par delà le sang breton de sa mère, elle devait cette morphologie à un bisaïeul paternel de souche austro- hongroise. Elle était la plus jeune des filles de cet industriel à la décapotable prestigieuse.
On a pas à cet âge de minauderies aguicheuses. Elle lui déclara donc tout de go qu’elle souhaitait son amitié, qu’elle avait observé ses longues et actives prospections sur l’estran, ses plaisirs d’eau et de soleil et ses yeux toujours à l’affût d’une richesse nouvelle à engranger et s’excitait d’un désir de complicité partagée. Elle dit aussi simplement, parce que c’était vrai sans doute, qu’elle trouvait qu’il était beau !
Elle exprima cela dans son langage de petite fille à qui les adultes n’ont pas encore enseigné ce qui se dit, ce qui se fait et à l’opposé tout ce qui est proscrit ! Il était flatté, Jacques ; quand même ! Flatté et gêné. Son commerce des filles était plus qu’embryonnaire et sans ostracisme particulier, sans apriorisme prémédité, il recherchait plutôt d’instinct le compagnonnage des garçons de son âge. Tout comme sans nourrir de mépris pour les poupées de ses sœurs il préférait et de loin ses patins à roulettes !
Avec cette affabilité qui signait si profondément sa personnalité, il affirma à Martine qu’il partagerait volontiers, si ses parents en étaient d’accord, ses excursions, découvertes, baignades et autres jeux avec elle et se sentirait flatté de sa présence, à condition bien sûr qu’elle ne refusa pas l’obstacle comme une jument rétive à la première difficulté rencontrée.
L’accord complice fut scellé d’un baiser sur la joue et vogue l’aventure...
Un mois déjà s’était écoulé ; août s’affirmait. Conforté par Martine, Jacques s’était convaincu qu’il était beau, intelligent, téméraire, curieux et savant ; l’un n’allant pas sans l’autre. Quand bien même ce n’étaient là que des propos d’amabilité, son ego s’en satisfaisait et lui insufflait une assurance nouvelle. Il se sentait attendri et protecteur ! Au reste il était grand, bien découplé avec un corps musclé bien parti pour une stature future d’athlète, sauf à s’abandonner trop tôt à des mollesses de vie débilitante ! Il avait un visage aux angles aiguës, des yeux verts, des cheveux châtains raides, courts car peu disciplinés, des dents de pirate pour réclame de pâte dentifrice, un nez solide, une grande bouche et des épaules déjà larges. Sans parler encore de culture il pouvait prétendre détenir un vrai bagage de connaissances diversifiées pour ses neuf ans. Il avait des notions de musique, d’escrime, d’équitation et de tennis et déjà avait assimilé les rudiments essentiels du bridge... Bien élevé, quoi ! Étonnant pour son âge, tout en aimant marcher, nager, grimper aux arbres et construire des cabanes fastueuses, il goûtait le plaisir de lire et savourait sensiblement la poésie classique. Brillant en classe (il entrait déjà en sixième ; son père n’eut pas admis qu’il en soit autrement) chacun lui reconnaissait intelligence et précocité et sa mère, parfois, se troublait devant cette personnalité qui émergeait avec exigence...
Août fut caniculaire. La nature et les hommes s’affaissaient dans des besoins de liquides salvateurs, de paresses rédemptrices, d’impérieuses inactivités. Martine et Jacques partageaient leur temps libre entre les bains émollients procurés par l’eau devenue trop chaude des "vasques" de la plage et les siestes interminables et régénératrices dans l’ombre tutélaire et rassurante de "leur" plate. Ils demeuraient des heures allongés côte à côte à mi chemin entre veille et sommeil, se tenant la main, échangeant sans vrai raison des propos décousus pour la joie d’affirmer leur connivence complice et quelques rares et chastes baisers quand une émotion particulière ne trouvait pas à s’exprimer. Sans périphrases inutiles et sans questionnements abscons, ils avaient rapidement conclu qu’ils constituaient un couple harmonieux que cimentaient une entente et une communauté de goûts solide et qu’il faudrait en conséquence, plus tard, beaucoup plus tard, quand ils seraient vieux, songer à régulariser leur situation en s’épousant. Amusés, depuis longtemps les parent avaient détecté leur manège mais avaient eu l’intelligence de ne pas tenter de contrarier une aussi charmante relation bénie des dieux de l’innocence !
Des orages qui n’éclataient pas sculptaient rudement les nuages assombris conférant à la “Pointe” des reliefs inattendu ; et Septembre vint. Une dernière remontée de l’Odet en vedette réunit toutes les familles du “Clan Mousterlin”, puis les départs s’échelonnèrent très vite dans la dernière semaine du mois, chacun regagnant son école, son lycée, son labeur et courant sans encore le savoir vers cet autre orage latent qui allait éclater.
Seul le père de Jacques connaissait la nature du typhon qui amorçait ses tourbillons aux frontières austro-polonaises !
Longtemps le petit garçon demeura sur la route raboteuse contemplant le nuage de poussière soulevé par la Viva- Quatre ; Martine retournée le visage au-dessus de la capote baissée regardait, une boule au fond de la gorge la silhouette qui s’amenuisait sous l’horizon de mer !
C’était pendant l’été 1939. Juste avant que ne déferle l’ouragan de toutes les ignominies. Petit garçon de neuf ans, il passait d’insouciantes vacances de gamin privilégié en un lieu impossible, inconnu et perdu comme en recèlent tant les côtes bretonnes.
C’était un bout du monde couvert de landes d’ajoncs agrippées au granit affleurant. La côte était basse et se prolongeait en mer de tout un glacis de rochers goémoneux découvrant à marée basse ; paradis des moules, crabes, crevettes et arapèdes, donc des enfants !
De petites criques de sable s’inscrivaient entre les murs rocheux favorisant des baignades paisibles indemnes de tous risques. Une route tortueuse cloutée de bosses, percée de nids de poule et dépourvue par endroits de bitume conduisait à la côte et s’arrêtait brutalement au-dessus des rochers dans un éffilochement effondré de sa structure qui servait de cale à bateaux pour la mise à l’eau des “plates” du lieu.
Deux, trois villas et autant de maisonnettes de pêcheurs, une ferme, un hôtel inattendu et son inévitable annexe s’éparpillaient sur la lande au plus près de la mer. Cela s’appelait la Pointe de Mousterlin ; un désert, un Éden, une autre planète... A sa gauche Beg-Meil ; à sa droite Bénodet, captaient les touristes vacanciers que ces temps de clivage social important recrutaient dans les rangs d’une bourgeoisie aisée, garantissant à la Pointe de Mousterlin un bienheureux oubli... A six kilomètres, en retrait dans les terres, la bourgade de Fouesnant, chef lieu de canton, tous commerces et services, où l’on parlait plus breton que français, constituait le passage obligé pour la “Pointe” et lui tenait lieu de tuteur administratif. On y trouvait une église du Xllème siècle, somptueuse, que précédait un naïf calvaire. S’y croisait une multitude de femmes de tous âge vêtues en tous temps de la robe de velours noir et du tablier de satin brodé qui avec la coiffe aérienne en aile double de papillon et le grand col de dentelle assorti constituaient l’un des costumes nationaux les plus beaux et les plus aboutis de tout le Finistère.
Cet été là huit familles, toutes avec enfants, occupaient les vingt cinq chambres de l’hôtel et de l’annexe ! Le patron présidait aux approvisionnements et à la logistique et son épouse du fond de sa cuisine dirigeait avec fermeté et gentillesse les trois jeunes filles assurant le service. Tous étaient en costumes.
Parmi les familles clientes un professeur réputé de médecine pédiatrique, un écrivain alors célebre, deux couples d’ingénieurs, une famille anglaise aux goûts gastronomiques surprenants, un architecte en vue, la maisonnée d’un officier supérieur, cavalier fringuant et un peu cavaleur (sic), et la très nombreuse famille d’un industriel hobereau tourangeau qui se déplaçait dans une étincelante Renault décapotable “Viva- grand-sport”.
Les parents de cette micro société de reclus volontaires paressaient sous les parasols de la terrasse, jouaient au bridge, se baignaient un peu, organisaient des randonnées aux alentours et jusqu’à Quimper ou Concarneau, allaient vagabonder en vedette sur l’Odet pour achever leur journée en dansant au salon de l’hôtel qu’un phonographe à pavillon alimentait en airs à la mode !
Dans ce lieu béni, livrés à eux-mêmes, les enfants, hors les heures de repas qui les exigeaient civilisés, se baignaient énormément, inventoriaient patiemment les creux des rochers emplis de fucus, gigantesque et alléchant terrain d’investigations et de découvertes, pêchaient au filet des crevettes grises dans les passes de mer libre et des bouquets roses dans les flaques libérées par le jusant. Ils portaient avec allégresse les produits de leur pêche aux cuisines, chaleureusement remerciés par la patronne attendrie (et amusée) par leur fierté à exhiber crabes verts et étrilles (ils disaient tourteaux !) soles et limandes minuscules, coques sableuses arrachées à leur farniente sous trois centimètres d’eau près des dunes toutes proches de la "Mer Blanche" C’était un temps d’insouciance et de bonheur sans questions, vibrant au diapason des vacances enfantines et du soleil
bienveillant...
Jacques était un garçonnet actif et pétri de curiosité ; il voulait tout savoir du domaine qui l’accueillait. Rapidement il avait tracé dans les dunes et par le travers des rochers les sentes secrètes que lui seul parcourrait ne détestant pas un peu de solitude. Il savait où s’embusquaient les plus gros crabes, connaissait les plus vastes cuvettes découvrant en dernier où les bouquets se faisaient le plus souvent piéger. Il pouvait nommer toutes les variétés d’oiseaux se nourrissant sur les grèves et chaque sorte de poissons servis à table.
Fils d’officier, Jacques était prudent, courtois et réservé dans ses rapports avec les adultes rarement prévisibles. Il s’astreignait à avoir toujours une conduite, une tenue, un comportement irréprochable à table témoignant d’une éducation durement acquise dont le respect lui garantissait l’absence de sanctions, privations et autre injustices facilement immanentes !
Il savait participer avec complaisance aux jeux et bains collectifs de ses compagnons d’âge mais sans les rechercher exagérément. Ses convoitises le portaient plutôt vers la mer, l’horizon rond, l’immensité des grèves désertes et les pêcheurs locaux......
Regarder un marin barbu, tanné et rubicond goudronnant la quille d’une plate ou en calfatant le bordé à l’étoupe et à la poix était un spectacle d’une rare qualité tout comme celui de la fusette passant et repassant avec dextérité dans les mailles déchirées des filets. Observer comment ils faisaient manœuvrer et progresser leurs esquifs à la godille dans les chenaux étroits menant à la mer libre était un autre riche et passionnant enseignement. Bref, Jacques était très occupé !
Parfois, fatigué de nager, bronzé, recuit, il s’allongeait pour un petit somme reconstituant dans l’ombre d’une plate dressée sur son côté et solidement étayée d’une vigoureuse godille en bordure d’un grand aplat rocheux luisant et visqueux.
Un jour que sortant de l’eau, il se dirigeait vers son abri d’élection, il le trouva occupé ; déplaisant ! Il allait revendiquer sans ménagement son droit de primo- occupation quand il reconnu l’importune téméraire qui squattait son refuge. La courtoisie l’emportant il s’assit près d’elle avec son plus aimable sourire . Aimable mais un peu forcé !
Elle avait huit ans, répondait au joli nom de Martine de Mauroy et était toute de grâce et d’élégance frêle. Plutôt grande, cheveux longs, noirs, ondulés ; yeux noirs à l’amande allongée, pommettes hautes dans un visage un peu étroit et triangulaire, lèvres minces mais bien ourlées, sa silhouette n’avait bien sûr encore aucune féminité subjective mais laissait deviner un futur séduisant sinon séducteur ! Un sage maillot ras du cou, ras des cuisses la moulait, bleu foncé soulignant l’extrême matité de sa peau, naturellement brune que dorait un hâle de soleil. Par delà le sang breton de sa mère, elle devait cette morphologie à un bisaïeul paternel de souche austro- hongroise. Elle était la plus jeune des filles de cet industriel à la décapotable prestigieuse.
On a pas à cet âge de minauderies aguicheuses. Elle lui déclara donc tout de go qu’elle souhaitait son amitié, qu’elle avait observé ses longues et actives prospections sur l’estran, ses plaisirs d’eau et de soleil et ses yeux toujours à l’affût d’une richesse nouvelle à engranger et s’excitait d’un désir de complicité partagée. Elle dit aussi simplement, parce que c’était vrai sans doute, qu’elle trouvait qu’il était beau !
Elle exprima cela dans son langage de petite fille à qui les adultes n’ont pas encore enseigné ce qui se dit, ce qui se fait et à l’opposé tout ce qui est proscrit ! Il était flatté, Jacques ; quand même ! Flatté et gêné. Son commerce des filles était plus qu’embryonnaire et sans ostracisme particulier, sans apriorisme prémédité, il recherchait plutôt d’instinct le compagnonnage des garçons de son âge. Tout comme sans nourrir de mépris pour les poupées de ses sœurs il préférait et de loin ses patins à roulettes !
Avec cette affabilité qui signait si profondément sa personnalité, il affirma à Martine qu’il partagerait volontiers, si ses parents en étaient d’accord, ses excursions, découvertes, baignades et autres jeux avec elle et se sentirait flatté de sa présence, à condition bien sûr qu’elle ne refusa pas l’obstacle comme une jument rétive à la première difficulté rencontrée.
L’accord complice fut scellé d’un baiser sur la joue et vogue l’aventure...
Un mois déjà s’était écoulé ; août s’affirmait. Conforté par Martine, Jacques s’était convaincu qu’il était beau, intelligent, téméraire, curieux et savant ; l’un n’allant pas sans l’autre. Quand bien même ce n’étaient là que des propos d’amabilité, son ego s’en satisfaisait et lui insufflait une assurance nouvelle. Il se sentait attendri et protecteur ! Au reste il était grand, bien découplé avec un corps musclé bien parti pour une stature future d’athlète, sauf à s’abandonner trop tôt à des mollesses de vie débilitante ! Il avait un visage aux angles aiguës, des yeux verts, des cheveux châtains raides, courts car peu disciplinés, des dents de pirate pour réclame de pâte dentifrice, un nez solide, une grande bouche et des épaules déjà larges. Sans parler encore de culture il pouvait prétendre détenir un vrai bagage de connaissances diversifiées pour ses neuf ans. Il avait des notions de musique, d’escrime, d’équitation et de tennis et déjà avait assimilé les rudiments essentiels du bridge... Bien élevé, quoi ! Étonnant pour son âge, tout en aimant marcher, nager, grimper aux arbres et construire des cabanes fastueuses, il goûtait le plaisir de lire et savourait sensiblement la poésie classique. Brillant en classe (il entrait déjà en sixième ; son père n’eut pas admis qu’il en soit autrement) chacun lui reconnaissait intelligence et précocité et sa mère, parfois, se troublait devant cette personnalité qui émergeait avec exigence...
Août fut caniculaire. La nature et les hommes s’affaissaient dans des besoins de liquides salvateurs, de paresses rédemptrices, d’impérieuses inactivités. Martine et Jacques partageaient leur temps libre entre les bains émollients procurés par l’eau devenue trop chaude des "vasques" de la plage et les siestes interminables et régénératrices dans l’ombre tutélaire et rassurante de "leur" plate. Ils demeuraient des heures allongés côte à côte à mi chemin entre veille et sommeil, se tenant la main, échangeant sans vrai raison des propos décousus pour la joie d’affirmer leur connivence complice et quelques rares et chastes baisers quand une émotion particulière ne trouvait pas à s’exprimer. Sans périphrases inutiles et sans questionnements abscons, ils avaient rapidement conclu qu’ils constituaient un couple harmonieux que cimentaient une entente et une communauté de goûts solide et qu’il faudrait en conséquence, plus tard, beaucoup plus tard, quand ils seraient vieux, songer à régulariser leur situation en s’épousant. Amusés, depuis longtemps les parent avaient détecté leur manège mais avaient eu l’intelligence de ne pas tenter de contrarier une aussi charmante relation bénie des dieux de l’innocence !
Des orages qui n’éclataient pas sculptaient rudement les nuages assombris conférant à la “Pointe” des reliefs inattendu ; et Septembre vint. Une dernière remontée de l’Odet en vedette réunit toutes les familles du “Clan Mousterlin”, puis les départs s’échelonnèrent très vite dans la dernière semaine du mois, chacun regagnant son école, son lycée, son labeur et courant sans encore le savoir vers cet autre orage latent qui allait éclater.
Seul le père de Jacques connaissait la nature du typhon qui amorçait ses tourbillons aux frontières austro-polonaises !
Longtemps le petit garçon demeura sur la route raboteuse contemplant le nuage de poussière soulevé par la Viva- Quatre ; Martine retournée le visage au-dessus de la capote baissée regardait, une boule au fond de la gorge la silhouette qui s’amenuisait sous l’horizon de mer !
Re: Comme un vol d'éphémères, roman ; extrait 2 ) Pages 12 à 21
c'est vrai que l'émotion est là, bien présente. je reconnais là ta "patte".
je ne suis pas étonnée que tu en ais vendu beaucoup
je ne suis pas étonnée que tu en ais vendu beaucoup
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