Attention texte méchant 2- le destromicon
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Attention texte méchant 2- le destromicon
Le Destromicon
ou Livre des Cons
Avertissement : âmes sensibles s'abstenir
« Rien de rien chez le notaire. Où l'a t'il laissé le vieux radin ? » Antoine pestait, râlait, rien ne semblait apaiser sa colère. Il jeta sa veste de tweed noir sur le fauteuil plus qu'il ne la déposa.
« Papa, mais papa... » Protesta timidement Carina.
« La ferme ! Ton pépé était un radin, tu le sais comme moi. Il ne reste plus qu'à fouiller la maison »
Carina -encore éplorée par le décès brutal de son grand-père- ne trouva pas la force de se révolter contre le comportement outrancier de son père contre son propre père, comment pouvait-on détester quelqu’un à ce point pour de l'argent se demandait-elle. Mais finalement elle n'était pas surprise par ses débordements qui avaient commencé à peine sorti de l'office notarial. C'était son tempérament pour le meilleur, enfin surtout pour le pire.
« On va commencer par le grenier, je n'y suis pas allé depuis que j'ai quitté la maison » Carina traduisit « depuis que je me suis fâché avec mon père » Ils avaient beau habiter en face de chez lui, les deux générations de Girardot ne se parlaient plus. Seule elle était admise à voir pépé, son pépé.
« Un sac, un sac d'or, voilà ce qu'on cherche... Hmm peut-être que c'est dans un coffre ou une boîte, faut chercher. »
Carina avait eu beau dire qu'elle n'avait jamais vu de pièces d'or chez pépé, Antoine n'en démordait pas : dans sa jeunesse il y en avait eu beaucoup, des kilos précisait-il en rajoutant qu'il se rappelait le voir les comptant -des piles alignées sur la table.
Sur ce, il força le cadenas de l'entrée du grenier avec une barre à mine trouvée dans l'appentis. Elle n'était jamais montée là-haut et était presque aussi curieuse que son père de découvrir l'endroit.
« Tiens, regarde la poussière, personne n'est venu ici depuis des lustres ! » Ils arrivèrent dans la soupente éclairée par deux lucarnes. Tout y était gris, terni par le temps ou comme recouvert d'un voile laissé par le temps. Il n'y avait pas d'ampoule électrique.
« C'est vieux, c'est vieux ici. Ça, ça doit être la robe de mariage de ta grand-mère » Une robe ou un hommage des araignées aux formes féminines, elle n'aurait su le dire tant la dentelle ressemblait à une toile géante recouvrant un mannequin. Tout ici sentait le vieux et même la mort.
« Là ! Là ! Ce coffre, je m'en rappelle maintenant ! C'était le coffre interdit, je n'avais même pas le droit d'en parler ! Comment ai-je pu oublier ? ! »
Il tira vers lui un bloc qui avait la forme de ces vieux coffres de pirates. Carina pensait que ça n'existait que dans les films. Mais non, celui-là était bien vrai. Un coffre, une malle aux trésors sûrement très ancienne. De facture sobre, peu de ferrures apparentes, si ce n'est aux angles et la penture de la serrure encadrée de fines moulures en archivolte. Elle passa la main sur le bois pour le dépoussiérer. Il était rouge sombre et évoquait un bois précieux comme l'acajou.
« Il est beau et très vieux. Peut être qu'il vaut cher. » Hasarda t'elle.
« C'est ce qui est à l'intérieur qui vaut cher ! Inutile de chercher la clé, j'ai ça ! » lui répondit son père. « Recule ! » Il n'attendit pas qu'elle fit un pas en arrière que déjà il fracassait la serrure d'un coup de barre à mine. Elle eut peur de sa violence, il aurait pu la blesser. Au lieu de cela, il venait d'esquinter les moulures.
Il s'acharna encore et encore sur la serrure jusqu'à ce qu'elle cédât. comment pouvait-il montrer autant de rapacité se demandait elle ? Elle regrettait que ce chef d’œuvre de l'ébénisterie fut déjà démoli mais elle était elle-aussi très curieuse de savoir ce qu'il contenait.
Il l'ouvrit. Il n'y avait rien, ah si au fond un livre, juste un vieux livre rien d'autre dans ce grand coffre.
« C'est quoi ça ? » Dit-il d'un ton où perçait la déception.
« Le Deftromicon ? Mais y'a rien dedans regarde ! Le mec a juste écrit sur les premières pages et il s'est arrêté là ! Même pas de carte au trésor ! »
« Montre le moi! » Elle n'avait pas achevé sa phrase que le livre se trouva jeté rageusement dans le fond de la malle par son père.
« Je vais à la cave, ça doit être là-bas. Ça fait trop longtemps que personne n'est venu ici pour que ça soit là. Eh, abîme pas le bouquin, je le montrerai à Patrick le brocanteur» Disant cela, il disparu dans l'escalier et sans doute continuait-il de pester contre son paternel car des jurons se faisaient encore entendre.
Carina était maintenant seule dans le grenier. Le silence reprit ses droits, un silence qui semblait éternel. Elle regarda autour d'elle : un vieux fauteuil, une pile de brochures d'un autre âge, une penderie aux vêtements démodés, c'était comme si elle avait changé d'époque. Mais même comme ça, le coffre semblait un anachronisme, beaucoup plus ancien que tout le reste. Peut-être le moyen-âge... Elle ramassa le livre et aussitôt ce mot lui vint en mémoire : 'grimoire'. C'était un vieux grimoire sûrement. Il n'y avait qu'à voir la texture des feuilles, et la couverture, quelle épaisseur ! C'était du cuir, elle en était sûre, vraisemblablement teinté car il était vert clair. Il avait été travaillé pour former comme un sceau sur la reliure où était écrit le titre du livre. Celui-ci se retrouvait aussi sur la 1ère page à l'intérieur :
'Le Deftromicon par le difciple Kafbyamus pour fon maistre révéré'
'Tain ! C'est du vieux français !' Ne put-elle s'empêcher de s'exclamer. Et tout de suite de regretter de ne pas avoir écouté ses cours de français où on lisait des poèmes du XVieme siecle.
'Exemplere numero deux'
Fascinée par ce qu'elle avait entre les mains, elle se plongea dans son déchiffrage. La graphie en gothique la dérouta d'abord avant qu'elle ne s'y habitue et reconstitue les mots. Elle prit ensuite le temps de lire et relire les premières phrases pour enfin en comprendre le sens... un sens déroutant qui allait contre tout ce en quoi elle croyait.
'Un livre de sorcellerie ! Porte nawak !' S'exclama t'elle. 'Qui pourrait croire à ça ? Et plusieurs personnes l'ont utilisé !' Elle reconnaissait sur la dernière page remplie différents styles d'écriture, différentes encres. La dernière ligne, à l'écriture déliée, était au stylo bille et semblait relativement récente. Qui avait pu ?
Terribilis est cona iste Roberte Girardot. Roberte Girardot... C'était sa propre grand-mère, elle avait mystérieusement disparu après la naissance d'Antoine. Qui avait écrit son nom ? Carina ne reconnaissait pas l'écriture de son pépé... Plus elle y réfléchissait et plus elle était curieuse de savoir si la formule fonctionnait. Cette curiosité lui semblait irrationnelle mais la disparition de Roberte Girardot ne l'était-elle pas ?
' Pourquoi ne pas essayer après tout ?' Se dit-elle. Ça ne lui coûterait rien de tenter l'expérience et elle avait sur elle un crayon papier, ainsi elle pourrait effacer le nom pour ne pas laisser de trace de son forfait. Elle voyait en cela une victoire de l'esprit scientifique sur l'irrationalité et non la place prééminente qu'occupait la superstition en son for intérieur. Pourtant, les vendredis 13, les chats noirs... elle les fuyait !
La formule semblait simple, il suffisait d'écrire le prénom et le nom de la personne en la faisant précéder d'une formule latine : 'Terribilis est cona iste' pour les femmes et 'Terribilis est conus iste' pour les hommes. Pas de pentacle à tracer, pas d’élixir ou de décoction au crapaud.
Sur qui pourrait-elle expérimenter la formule ?
En levant le nez, elle vit à travers la lucarne, l'immeuble d'en face où elle résidait et plus précisément le deuxième étage, celui occupé par Mme Maliki-Campion et ses enfants. Voilà un nom tout désigné : Léo Maliki-Campion, le fils aîné de la famille, celui qui crachait sur la rampe de l'escalier quand il descendait, qui rotait bruyamment dans les parties communes, qui lui courrait après et lui mettait la main aux fesses.
'Oui, toi tu le mérites !'
Elle prit son crayon et écrivit soigneusement sans trop appuyer : Terribilis est conus iste Léo Maliki-Campion. Elle irait voir plus tard ce qui lui serait arrivé. Sûrement serait-elle déçu, mais au moins aurait-elle essayé. Même une poussée de boutons bien purulents serait une victoire, il y aurait une justice en ce bas monde, si en plus il avait de la fièvre...
Elle regarda de nouveau l'appartement et vit que la fenêtre de la cuisine des Maliki était maintenant recouverte de confiture de groseilles ou de quelque autre fruit rouge.
'Les porcs !' Pensa-t'elle. 'Ils profitent que leur mère soit partie faire des ménages (c'était son métier) pour tout dégueulasser. Ils n'en manquent pas une. Dans la famille, y'en a aucun pour rattraper l'autre.' Elle vit d'ailleurs la fille (Sandra) courir dans tous les sens à travers les vitres de l'appartement.
'Encore la sambaboula !' La nuit dernière, comme tous les jeudis soir quand celle-ci rentrait de nouba, elle en avait fait profiter tout l'immeuble. Ses frères se réveillaient et ça jacassait, criait, jusqu'à 3 heures du mat'. La mère était complètement dépassée comme à son habitude et de père, il n'y en avait pas. Parfois en ces moments-là elle rêvait d'être un super-héros et de prendre Sandra par son chignon pour l'accrocher à la hampe du drapeau de la mairie et la voir ainsi suspendue dans le vide en train de s'agiter et gueuler devant tout le monde. Mais elle n'était pas Super-Carina ! Peut-être qu'avec le livre ?
Elle écrivit la formule en même temps qu'elle voyait Sandra au téléphone composer un numéro, probablement pour une prochaine soirée. A peine eut-elle terminé de former la dernière lettre de Campion que -sous ses yeux- la fille disparut ou plutôt se désintégra en une explosion rouge.
Carina n'en crut pas ses yeux et resta bouche bée. Elle avait vu le téléphone tomber dans le vide, et tout ce rouge qui avait peint les vitres de leur entrée. Les coulures étaient épaisses, épaissies par quoi... elle n'osait l'imaginer.
'Mais qu'est-ce que j'ai fait ?' Articula t'elle au bout de quelques secondes...
Puis elle vit une tâche noire glisser le long d'une fenêtre, elle la prit d'abord pour araignée géante -ce qui lui glaça les sangs dans la fantasmagorie qu'elle vivait- avant de comprendre que c'était le reste du cuir chevelu, dont le chignon de Sandra, qui adhérait au verre en même temps qu'il obéissait à la loi de la gravité.
'Lol' se dit elle machinalement en se rappelant son fantasme et rassurée par le fait que l'altération de la réalité qu'elle avait créée était limitée.
Elle regardait maintenant les autres enfants de la famille sans pouvoir les entendre : ils sautaient dans l'appartement comme des fous. Il n'y en avait aucun pour rattraper l'autre se dit-elle : Mahmoud 'Bouboule' le mini-caïd, de la graine de dealer en puissance, Abbas la teigne, le petit monstre.
'Eh, vous allez faire boum, vous aussi !' Un sourire retroussa ses lèvres où les incisives semblaient ressortir, probablement un effet de la lumière qui tombait de la lucarne.
'Mahmoud, désolé mais t'as pas trouvé ta place dans la société : 0/20'. Carina attendit que le garçon soit bien en vue pour terminer le n de Campion.
Il n'y eut aucun bruit, juste un peu plus de rouge sur les carreaux du salon. Elle eut le temps de voir les miettes de chair traverser l'espace, une image fugitive qu'elle avait présente à l'esprit quand elle s'esclaffa : 'Et boum la couscoussière !'
'Et au tour d'Abbas ! Toujours à taper les petits, c'est fini la récré. Allez tu vas donner du travail à ta maman une dernière fois'
Abbas venait de se mettre à la fenêtre et frappait les carreaux pour attirer l'attention quand son nom de famille fut achevé d'écrire. De la fenêtre où il se tenait, il n'y avait plus qu'une bouillie rouge et une double rangée de points blancs qui se détachait sur la vitre et descendait lentement... ses dents.
Carina avait ses yeux injectés de sang à avoir lu dans une demi pénombre, ses cheveux blonds étaient mêlés de poussière grise à chaque passage de ses doigts sur son cuir chevelu, ce qu'elle faisait quand elle était sous le coup d'une émotion. Elle était pâle, d'une pâleur marmoréenne qui laissait voire ses veines temporales. Elle contemplait son œuvre, immobile, vide mais se remplissant des images du carnage, de son pouvoir.
Son père était dans la cour, près de la voiture de pépé. Elle ne l'avait pas vu arriver. Il regardait lui aussi les fenêtres écarlates, se demandant quelle mauvaise blague avait encore pu faire les enfants Maliki-Campion. Puis, il se rappela qu'il était venu pour fouiller la 404 de son père.
Ce fut quand il ouvrit la portière que Carina décela sa présence.
'Ah papa !'
'Tu ne respectes décidément rien.'
'L'argent, ya que ça !'
Terribilis
'Tu fumes en bagnole, tu m'obliges à supporter l'odeur'
Est
'Tu conduis en téléphonant avec ton portable, tant pis si on a un accident'
Conus
'Tu bois trop'
Iste
'Et puis tu ne m'a jamais aimé !'
Antoine Girardot
Ce fut un spectacle pyrotechnique de premier ordre : coincé entre deux voitures, ses éclaboussures allèrent haut dans le ciel tandis que sa tête fut comme au sommet d'un geyser de sang l'espace d'un instant avant d'éclater elle aussi projetant les yeux hors de leur orbite. Quelques secondes plus tard, elle les entendit retomber dans la gouttière et rouler jusqu'à la descente d'eau pluviale. De son père, il ne restait plus, à présent, qu'un nuage rosé se dissipant.
Un rire nerveux la secoua, la plia puis se rendant compte de sa nouvelle puissance, son rire devint plus profond, plus maîtrisé. Elle se redressa, ses lèvres humectées n'avaient jamais paru d'un tel éclat, ses yeux brillaient d'une lueur nouvelle.
'Maintenant à moi les cons !' Jubila t'elle.
En refermant le grimoire, elle vit une inscription sur la tranche qu'elle lut à haute voix :
« Iceluy qui écrist dedans eft un con car toust un chacun eft le con d'un austre »
Dans une explosion, le grenier blanchâtre de poussière devint moucheté de rouge ; le manuscrit chuta lourdement au contraire de la culotte rubis qui voleta un temps dans la soupente avant de venir coiffer un mannequin habillé d'une robe de mariage... à pois.
Si vous ne souhaitez pas laisser un commentaire, mettez juste +1 ou -1
ou Livre des Cons
Avertissement : âmes sensibles s'abstenir
« Rien de rien chez le notaire. Où l'a t'il laissé le vieux radin ? » Antoine pestait, râlait, rien ne semblait apaiser sa colère. Il jeta sa veste de tweed noir sur le fauteuil plus qu'il ne la déposa.
« Papa, mais papa... » Protesta timidement Carina.
« La ferme ! Ton pépé était un radin, tu le sais comme moi. Il ne reste plus qu'à fouiller la maison »
Carina -encore éplorée par le décès brutal de son grand-père- ne trouva pas la force de se révolter contre le comportement outrancier de son père contre son propre père, comment pouvait-on détester quelqu’un à ce point pour de l'argent se demandait-elle. Mais finalement elle n'était pas surprise par ses débordements qui avaient commencé à peine sorti de l'office notarial. C'était son tempérament pour le meilleur, enfin surtout pour le pire.
« On va commencer par le grenier, je n'y suis pas allé depuis que j'ai quitté la maison » Carina traduisit « depuis que je me suis fâché avec mon père » Ils avaient beau habiter en face de chez lui, les deux générations de Girardot ne se parlaient plus. Seule elle était admise à voir pépé, son pépé.
« Un sac, un sac d'or, voilà ce qu'on cherche... Hmm peut-être que c'est dans un coffre ou une boîte, faut chercher. »
Carina avait eu beau dire qu'elle n'avait jamais vu de pièces d'or chez pépé, Antoine n'en démordait pas : dans sa jeunesse il y en avait eu beaucoup, des kilos précisait-il en rajoutant qu'il se rappelait le voir les comptant -des piles alignées sur la table.
Sur ce, il força le cadenas de l'entrée du grenier avec une barre à mine trouvée dans l'appentis. Elle n'était jamais montée là-haut et était presque aussi curieuse que son père de découvrir l'endroit.
« Tiens, regarde la poussière, personne n'est venu ici depuis des lustres ! » Ils arrivèrent dans la soupente éclairée par deux lucarnes. Tout y était gris, terni par le temps ou comme recouvert d'un voile laissé par le temps. Il n'y avait pas d'ampoule électrique.
« C'est vieux, c'est vieux ici. Ça, ça doit être la robe de mariage de ta grand-mère » Une robe ou un hommage des araignées aux formes féminines, elle n'aurait su le dire tant la dentelle ressemblait à une toile géante recouvrant un mannequin. Tout ici sentait le vieux et même la mort.
« Là ! Là ! Ce coffre, je m'en rappelle maintenant ! C'était le coffre interdit, je n'avais même pas le droit d'en parler ! Comment ai-je pu oublier ? ! »
Il tira vers lui un bloc qui avait la forme de ces vieux coffres de pirates. Carina pensait que ça n'existait que dans les films. Mais non, celui-là était bien vrai. Un coffre, une malle aux trésors sûrement très ancienne. De facture sobre, peu de ferrures apparentes, si ce n'est aux angles et la penture de la serrure encadrée de fines moulures en archivolte. Elle passa la main sur le bois pour le dépoussiérer. Il était rouge sombre et évoquait un bois précieux comme l'acajou.
« Il est beau et très vieux. Peut être qu'il vaut cher. » Hasarda t'elle.
« C'est ce qui est à l'intérieur qui vaut cher ! Inutile de chercher la clé, j'ai ça ! » lui répondit son père. « Recule ! » Il n'attendit pas qu'elle fit un pas en arrière que déjà il fracassait la serrure d'un coup de barre à mine. Elle eut peur de sa violence, il aurait pu la blesser. Au lieu de cela, il venait d'esquinter les moulures.
Il s'acharna encore et encore sur la serrure jusqu'à ce qu'elle cédât. comment pouvait-il montrer autant de rapacité se demandait elle ? Elle regrettait que ce chef d’œuvre de l'ébénisterie fut déjà démoli mais elle était elle-aussi très curieuse de savoir ce qu'il contenait.
Il l'ouvrit. Il n'y avait rien, ah si au fond un livre, juste un vieux livre rien d'autre dans ce grand coffre.
« C'est quoi ça ? » Dit-il d'un ton où perçait la déception.
« Le Deftromicon ? Mais y'a rien dedans regarde ! Le mec a juste écrit sur les premières pages et il s'est arrêté là ! Même pas de carte au trésor ! »
« Montre le moi! » Elle n'avait pas achevé sa phrase que le livre se trouva jeté rageusement dans le fond de la malle par son père.
« Je vais à la cave, ça doit être là-bas. Ça fait trop longtemps que personne n'est venu ici pour que ça soit là. Eh, abîme pas le bouquin, je le montrerai à Patrick le brocanteur» Disant cela, il disparu dans l'escalier et sans doute continuait-il de pester contre son paternel car des jurons se faisaient encore entendre.
Carina était maintenant seule dans le grenier. Le silence reprit ses droits, un silence qui semblait éternel. Elle regarda autour d'elle : un vieux fauteuil, une pile de brochures d'un autre âge, une penderie aux vêtements démodés, c'était comme si elle avait changé d'époque. Mais même comme ça, le coffre semblait un anachronisme, beaucoup plus ancien que tout le reste. Peut-être le moyen-âge... Elle ramassa le livre et aussitôt ce mot lui vint en mémoire : 'grimoire'. C'était un vieux grimoire sûrement. Il n'y avait qu'à voir la texture des feuilles, et la couverture, quelle épaisseur ! C'était du cuir, elle en était sûre, vraisemblablement teinté car il était vert clair. Il avait été travaillé pour former comme un sceau sur la reliure où était écrit le titre du livre. Celui-ci se retrouvait aussi sur la 1ère page à l'intérieur :
'Le Deftromicon par le difciple Kafbyamus pour fon maistre révéré'
'Tain ! C'est du vieux français !' Ne put-elle s'empêcher de s'exclamer. Et tout de suite de regretter de ne pas avoir écouté ses cours de français où on lisait des poèmes du XVieme siecle.
'Exemplere numero deux'
Fascinée par ce qu'elle avait entre les mains, elle se plongea dans son déchiffrage. La graphie en gothique la dérouta d'abord avant qu'elle ne s'y habitue et reconstitue les mots. Elle prit ensuite le temps de lire et relire les premières phrases pour enfin en comprendre le sens... un sens déroutant qui allait contre tout ce en quoi elle croyait.
'Un livre de sorcellerie ! Porte nawak !' S'exclama t'elle. 'Qui pourrait croire à ça ? Et plusieurs personnes l'ont utilisé !' Elle reconnaissait sur la dernière page remplie différents styles d'écriture, différentes encres. La dernière ligne, à l'écriture déliée, était au stylo bille et semblait relativement récente. Qui avait pu ?
Terribilis est cona iste Roberte Girardot. Roberte Girardot... C'était sa propre grand-mère, elle avait mystérieusement disparu après la naissance d'Antoine. Qui avait écrit son nom ? Carina ne reconnaissait pas l'écriture de son pépé... Plus elle y réfléchissait et plus elle était curieuse de savoir si la formule fonctionnait. Cette curiosité lui semblait irrationnelle mais la disparition de Roberte Girardot ne l'était-elle pas ?
' Pourquoi ne pas essayer après tout ?' Se dit-elle. Ça ne lui coûterait rien de tenter l'expérience et elle avait sur elle un crayon papier, ainsi elle pourrait effacer le nom pour ne pas laisser de trace de son forfait. Elle voyait en cela une victoire de l'esprit scientifique sur l'irrationalité et non la place prééminente qu'occupait la superstition en son for intérieur. Pourtant, les vendredis 13, les chats noirs... elle les fuyait !
La formule semblait simple, il suffisait d'écrire le prénom et le nom de la personne en la faisant précéder d'une formule latine : 'Terribilis est cona iste' pour les femmes et 'Terribilis est conus iste' pour les hommes. Pas de pentacle à tracer, pas d’élixir ou de décoction au crapaud.
Sur qui pourrait-elle expérimenter la formule ?
En levant le nez, elle vit à travers la lucarne, l'immeuble d'en face où elle résidait et plus précisément le deuxième étage, celui occupé par Mme Maliki-Campion et ses enfants. Voilà un nom tout désigné : Léo Maliki-Campion, le fils aîné de la famille, celui qui crachait sur la rampe de l'escalier quand il descendait, qui rotait bruyamment dans les parties communes, qui lui courrait après et lui mettait la main aux fesses.
'Oui, toi tu le mérites !'
Elle prit son crayon et écrivit soigneusement sans trop appuyer : Terribilis est conus iste Léo Maliki-Campion. Elle irait voir plus tard ce qui lui serait arrivé. Sûrement serait-elle déçu, mais au moins aurait-elle essayé. Même une poussée de boutons bien purulents serait une victoire, il y aurait une justice en ce bas monde, si en plus il avait de la fièvre...
Elle regarda de nouveau l'appartement et vit que la fenêtre de la cuisine des Maliki était maintenant recouverte de confiture de groseilles ou de quelque autre fruit rouge.
'Les porcs !' Pensa-t'elle. 'Ils profitent que leur mère soit partie faire des ménages (c'était son métier) pour tout dégueulasser. Ils n'en manquent pas une. Dans la famille, y'en a aucun pour rattraper l'autre.' Elle vit d'ailleurs la fille (Sandra) courir dans tous les sens à travers les vitres de l'appartement.
'Encore la sambaboula !' La nuit dernière, comme tous les jeudis soir quand celle-ci rentrait de nouba, elle en avait fait profiter tout l'immeuble. Ses frères se réveillaient et ça jacassait, criait, jusqu'à 3 heures du mat'. La mère était complètement dépassée comme à son habitude et de père, il n'y en avait pas. Parfois en ces moments-là elle rêvait d'être un super-héros et de prendre Sandra par son chignon pour l'accrocher à la hampe du drapeau de la mairie et la voir ainsi suspendue dans le vide en train de s'agiter et gueuler devant tout le monde. Mais elle n'était pas Super-Carina ! Peut-être qu'avec le livre ?
Elle écrivit la formule en même temps qu'elle voyait Sandra au téléphone composer un numéro, probablement pour une prochaine soirée. A peine eut-elle terminé de former la dernière lettre de Campion que -sous ses yeux- la fille disparut ou plutôt se désintégra en une explosion rouge.
Carina n'en crut pas ses yeux et resta bouche bée. Elle avait vu le téléphone tomber dans le vide, et tout ce rouge qui avait peint les vitres de leur entrée. Les coulures étaient épaisses, épaissies par quoi... elle n'osait l'imaginer.
'Mais qu'est-ce que j'ai fait ?' Articula t'elle au bout de quelques secondes...
Puis elle vit une tâche noire glisser le long d'une fenêtre, elle la prit d'abord pour araignée géante -ce qui lui glaça les sangs dans la fantasmagorie qu'elle vivait- avant de comprendre que c'était le reste du cuir chevelu, dont le chignon de Sandra, qui adhérait au verre en même temps qu'il obéissait à la loi de la gravité.
'Lol' se dit elle machinalement en se rappelant son fantasme et rassurée par le fait que l'altération de la réalité qu'elle avait créée était limitée.
Elle regardait maintenant les autres enfants de la famille sans pouvoir les entendre : ils sautaient dans l'appartement comme des fous. Il n'y en avait aucun pour rattraper l'autre se dit-elle : Mahmoud 'Bouboule' le mini-caïd, de la graine de dealer en puissance, Abbas la teigne, le petit monstre.
'Eh, vous allez faire boum, vous aussi !' Un sourire retroussa ses lèvres où les incisives semblaient ressortir, probablement un effet de la lumière qui tombait de la lucarne.
'Mahmoud, désolé mais t'as pas trouvé ta place dans la société : 0/20'. Carina attendit que le garçon soit bien en vue pour terminer le n de Campion.
Il n'y eut aucun bruit, juste un peu plus de rouge sur les carreaux du salon. Elle eut le temps de voir les miettes de chair traverser l'espace, une image fugitive qu'elle avait présente à l'esprit quand elle s'esclaffa : 'Et boum la couscoussière !'
'Et au tour d'Abbas ! Toujours à taper les petits, c'est fini la récré. Allez tu vas donner du travail à ta maman une dernière fois'
Abbas venait de se mettre à la fenêtre et frappait les carreaux pour attirer l'attention quand son nom de famille fut achevé d'écrire. De la fenêtre où il se tenait, il n'y avait plus qu'une bouillie rouge et une double rangée de points blancs qui se détachait sur la vitre et descendait lentement... ses dents.
Carina avait ses yeux injectés de sang à avoir lu dans une demi pénombre, ses cheveux blonds étaient mêlés de poussière grise à chaque passage de ses doigts sur son cuir chevelu, ce qu'elle faisait quand elle était sous le coup d'une émotion. Elle était pâle, d'une pâleur marmoréenne qui laissait voire ses veines temporales. Elle contemplait son œuvre, immobile, vide mais se remplissant des images du carnage, de son pouvoir.
Son père était dans la cour, près de la voiture de pépé. Elle ne l'avait pas vu arriver. Il regardait lui aussi les fenêtres écarlates, se demandant quelle mauvaise blague avait encore pu faire les enfants Maliki-Campion. Puis, il se rappela qu'il était venu pour fouiller la 404 de son père.
Ce fut quand il ouvrit la portière que Carina décela sa présence.
'Ah papa !'
'Tu ne respectes décidément rien.'
'L'argent, ya que ça !'
Terribilis
'Tu fumes en bagnole, tu m'obliges à supporter l'odeur'
Est
'Tu conduis en téléphonant avec ton portable, tant pis si on a un accident'
Conus
'Tu bois trop'
Iste
'Et puis tu ne m'a jamais aimé !'
Antoine Girardot
Ce fut un spectacle pyrotechnique de premier ordre : coincé entre deux voitures, ses éclaboussures allèrent haut dans le ciel tandis que sa tête fut comme au sommet d'un geyser de sang l'espace d'un instant avant d'éclater elle aussi projetant les yeux hors de leur orbite. Quelques secondes plus tard, elle les entendit retomber dans la gouttière et rouler jusqu'à la descente d'eau pluviale. De son père, il ne restait plus, à présent, qu'un nuage rosé se dissipant.
Un rire nerveux la secoua, la plia puis se rendant compte de sa nouvelle puissance, son rire devint plus profond, plus maîtrisé. Elle se redressa, ses lèvres humectées n'avaient jamais paru d'un tel éclat, ses yeux brillaient d'une lueur nouvelle.
'Maintenant à moi les cons !' Jubila t'elle.
En refermant le grimoire, elle vit une inscription sur la tranche qu'elle lut à haute voix :
« Iceluy qui écrist dedans eft un con car toust un chacun eft le con d'un austre »
Dans une explosion, le grenier blanchâtre de poussière devint moucheté de rouge ; le manuscrit chuta lourdement au contraire de la culotte rubis qui voleta un temps dans la soupente avant de venir coiffer un mannequin habillé d'une robe de mariage... à pois.
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Dernière édition par Kasby le Dim 9 Fév - 20:48, édité 4 fois
Kasby- Date d'inscription : 22/12/2013
Re: Attention texte méchant 2- le destromicon
Je trouve ce texte beaucoup mieux que le précédent texte méchant. C'est plus long, tu t'attardes plus sur le récit. J'ai préféré l'ambiance, aussi, ça fait moins "exubérant". En revanche je n'ai pas aimé la chute, mais c'est juste une question de goût.
Il y a juste une phrase que j'ai trouvé un peu laborieuse : "Ils arrivèrent en haut dans la soupente, heureusement que 2 lucarnes éclairaient bien la pièce car tout était gris, terni par le temps ou comme recouvert d'un voile laissé par le temps". En plus, les chiffres ça ne s'utilise que pour l'âge et les dates.
C'était bien sympa, surtout la référence au Necronomicon^^
Il y a juste une phrase que j'ai trouvé un peu laborieuse : "Ils arrivèrent en haut dans la soupente, heureusement que 2 lucarnes éclairaient bien la pièce car tout était gris, terni par le temps ou comme recouvert d'un voile laissé par le temps". En plus, les chiffres ça ne s'utilise que pour l'âge et les dates.
C'était bien sympa, surtout la référence au Necronomicon^^
Le Boiteux- Date d'inscription : 15/11/2013
Age : 33
Localisation : Picardie
Re: Attention texte méchant 2- le destromicon
J'ai modifié la phrase que tu citais, la fin est aussi légèrement remaniée.
Comme quoi je tiens compte des commentaires...
Comme quoi je tiens compte des commentaires...
Kasby- Date d'inscription : 22/12/2013
Re: Attention texte méchant 2- le destromicon
Oui, la phrase est beaucoup plus claire maintenant ! Mais les commentaires ne sont que des avis, et ce que je pense n'engage que moi. Je pointe juste ce qui me dérange, après à toi de voir si tu es d'accord ou pas.
Le Boiteux- Date d'inscription : 15/11/2013
Age : 33
Localisation : Picardie
Re: Attention texte méchant 2- le destromicon
C'est trop sanguinaire pour mon jeune esprit je pense ... *la tête qui tourne*
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Re: Attention texte méchant 2- le destromicon
lu
'C'est trop sanguinaire'
Sanglant aurait été plus exact?
En fait c'est même gore
'C'est trop sanguinaire'
Sanglant aurait été plus exact?
En fait c'est même gore
Kasby- Date d'inscription : 22/12/2013
Re: Attention texte méchant 2- le destromicon
Peut être que sanglant aurait été plus exacte... Mais j'adore le mot sanguinaire :-) Gore c'est sûre que ça l'est !
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