la grande glaciation
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mathmatha
Le sombre minuit
extialis
7 participants
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la grande glaciation
bonjour, j'ai écrit et amélioré ce texte pour un concours de nouvelle. je sais qu'il est loin d'être parfait, c'est pourquoi je vous le soumets pour appréciation. merci d'avance
La grande glaciation
– Bon, récapitulons. Le brûlot, les dernières buches de papier, la graisse pour la luge, les trois conserves, les deux casseroles, le duvet, la boussole…
Ne rien oublier, question de survie.
Pause, concentration sur la liste inscrite au tableau de plastique… malgré moi, mon esprit s’envole vers le passé.
*
– Nadia ! Il neige !
Je file à la fenêtre. J’ai 13 ans et je vois, je touche pour la première fois des flocons. Jusqu’alors, je n’avais connu que les hivers doux et les étés pluvieux typiques du nord de la France.
Je suis née avec l’inquiétude des météorologues, le désespoir des vignerons et autres travailleurs de la terre. Les bribes de colère qui me parvenaient à travers ce carré noir que l’on nommait téléviseur ont bercé mon enfance.
Le jour des premiers flocons, je vivais au chaud avec ma famille au troisième étage d’un HLM. Mon grand frère et moi allions à l’école à côté de la gare.
La couche s’épaissit et pour fêter ça, notre père nous a offert une luge à deux places puis nous a emmenés sur les terrils. On s’est fait de ces descentes !
Ces petits nuages glacés ont continué de tomber, le soleil ne s’est pas montré durant des mois et ce traineau n’a servi qu’une fois pour jouer.
Il faut avoir vécu cette pagaille pour se l’imaginer. Écoles fermées, pompes à essence non ravitaillées, trains à l’arrêt, aéroports engloutis sous des mètres de neige…
J’étais trop jeune pour comprendre l’ampleur du désastre, mais je me souviens du soulagement de mes parents d’avoir accès facilement à un hypermarché. Même de moins en moins achalandé, nous trouvions toujours de quoi manger.
On n’a pas revu le soleil avant avril, cette année-là. Et l’été suivant ne nous a offert que 15° maxi au plus fort des journées. La neige a fondu et, de mai à septembre, la vie a repris son cours.
Les premiers flocons d’octobre ont jeté la population dans les magasins qui se sont vidés en un clin d’œil.
Nous les avons imités, nos armoires, débarrassées du linge, se sont remplies de boites de conserve, duvets et autres accessoires hivernaux. Hors de question de se laisser engourdir !
Je crois que tout le monde a senti venir le changement, à ce moment-là. Beaucoup de gens se sont exilés au sud pour éviter froid et bagarres de rue pour un pain ou un peu de pétrole. Trois morceaux de bois. Car les tuyaux d’eau et de gaz ont gelé, l’électricité a été coupée. Blizzards et autres tempêtes ont bouleversé notre quotidien. Plus d’ordi, ni de télé et surtout, plus de chauffage.
La vie en suspend, nous avons attendu le printemps… qui n’est pas venu.
Cet été-là, la température n’a pas dépassé zéro degré. Entre les halls des immeubles, les habitants avaient repoussé la neige, on marchait dans des couloirs blancs, un vrai labyrinthe !
Vers midi, le ciel se chargeait de sifflements, des centaines d’hélicoptères noircissaient notre horizon et larguaient des caisses de nourriture dans tous les coins de la ville. Ponctuels, les hommes se rendaient au point de contact du quartier qui se trouvait à l’hypermarché.
Nous vivions en apnée. Au centre du salon, mon père avait installé une cuve dans laquelle nous brûlions divers combustibles récupérés ici et là.
Les gens parlaient de grande glaciation, certains disaient que ça durerait cent ans. Cent ans !
L’immeuble s’est vidé peu à peu. Ils ont presque tous choisi de s’entasser au sud du pays. Les hélicoptères ont évacués les hôpitaux et les maisons de retraite en priorité, bien sûr. Beaucoup sont morts aussi.
La troisième année, le blizzard s’est présenté fin août. Et dire qu’avant on faisait la rentrée des classes en tee-shirt !
Plus question d’école depuis longtemps de toute façon, et fini la navette maison-boulot pour mes parents. Leurs journées se résumaient à gérer le quotidien. Trouver de quoi se chauffer, manger, coudre les vêtements entre eux, car si le feu adoucissait un peu notre routine, nous étions obligés de laisser une fenêtre ouverte pour évacuer la fumée.
– On ne peut plus vivre comme ça ! a décrété un jour mon père.
Il faut dire qu’entre les clans qui s’étaient créés, la violence prenait le pas sur l’entraide. Dans notre immeuble, le noyau solidaire des débuts avait fondu comme neige au soleil, mes parents et deux autres familles seulement restaient soudés. Partout dans le complexe, les bandes se battaient pour des futilités et les adultes qui nous protégeaient, nous les six enfants, commençaient à craindre pour notre sécurité.
Nous ne sortions presque plus.
Alors, les trois hommes nous laissèrent à la garde de mon grand frère, de Paul et Nathan, âgés respectivement de dix-huit, seize et quinze ans pour partir en expédition.
Ils sont revenus trois jours plus tard avec une bonne nouvelle. Une école vide, munie d’un âtre accueillerait nos trois familles.
Je la contemple cette cheminée où pas une braise ne me réchauffe. Nous avons flambé jusqu’aux lambris vernis. Rien qu’en y pensant, ma gorge me gratte, je tousse.
Nous avons survécu deux ans dans cette bâtisse.
Dans les caisses de victuailles qui nous parvenaient encore trois mois auparavant, il y avait chaque fois un journal qui décrivait les conditions de vie des expatriés et ça ne nous donnait pas envie de partir malgré le froid et les privations. Nous préférions lutter en paix plutôt que de subir la surpopulation avec ses guerres civiles, ses viols et ses meurtres.
Nous nous entendions tous très bien. Mon frère se mit en couple avec Lucinda et moi j’aimai Paul.
À l’évocation de nos nuits de folie sous les couettes, mon cœur se serre, je ne retiens pas mes larmes.
Les hommes ne sont jamais revenus de leur dernière expédition. Leur disparition a coïncidé avec l’arrêt du ravitaillement par hélicoptère.
Nous avons donc creusé les couloirs de glace à la recherche d’entrepôts oubliés, de magasin quelconque… une maison non pillée. Et nous avons trouvé. À partir de ce moment, nous nous sommes rendues dans nos cavernes d’Ali Baba en binômes. Puis les greniers se sont vidés et notre peur a augmenté, car depuis une vingtaine de jours, nous nous sentons épiées.
Il y a dix jours, le couple maman-Marie a disparu. Nous avons tenu cinq jours avant de céder à notre corps qui réclamait plus que de l’eau. Finalement, Lucinda et sa mère se sont décidées à affronter cette sourde terreur qui nous rongeait. Elles n’ont pas voulu que je les accompagne, dans mon état…
Cinq jours déjà. Je sais que je ne les reverrai plus.
*
Avec tendresse, je tâte mon ventre qui s’arrondit en embrassant du regard la pièce où nous avons nagé dans un bonheur presque parfait.
L’aube pâlit la nuit, il est temps.
J’endosse mon sac et sors de l’école. La lumière vive me brûle les yeux, il va faire beau aujourd’hui, tant mieux. La luge, garnie de mes trouvailles de la veille, m’attend sagement devant la pente qu’ont fabriquée les garçons pour parvenir au sommet de la mer de Glace. Je saisis la corde et j’entame ma montée lentement. Docile, le traineau glisse derrière moi.
Au bout de quelques instants, j’arrive aux portes de ce désert. Éclatant d’une blancheur immuable. Seul le clocher de l’église, dernier témoin d’une civilisation engloutie, perce son manteau.
Re: la grande glaciation
Je trouve cela très beau, et étrangement, très poétique. Malgré la froideur de la situation malgré la mort imminente, je n'arrive pas à me dire qu'il y a réellement de la tristesse. Certes il est triste de voir comment les choses se passent, dans ce que tu penses comme futur glacial, mais je trouve cela plutôt beau, et un témoignage d'humanité exemplaire.
Et la fin n'est pas sans espoir, même si on doute de tout.
C'est court, comme une nouvelle l'exige, et c'est vraiment beau.
Quel est le thème du concours ?
Et la fin n'est pas sans espoir, même si on doute de tout.
C'est court, comme une nouvelle l'exige, et c'est vraiment beau.
Quel est le thème du concours ?
Re: la grande glaciation
le thème : la neige et c'est tout. tu veux le lien? (au fait, merci pour ton retour )
Re: la grande glaciation
Moi j'ai beaucoup aimé, et pour une fois je me suis laisser aller à apprécier tes phrases qui ne sont pas longues et alambiquées, la simplicité (du fait qu'elles soient plutôt courtes) concorde très bien avec la neige je trouve et j'ai plus particulièrement aimé celles-ci :
"Et moi j'aimais Paul"
"Le jour pâlit la nuit, il est Temps"
En revanche, je suis d'accord avec Le Sombre, je ne décèle pas de tristesse véritable dans ton texte, mais plutôt une sorte de présence désabusée qui me plait bien !
Enfin bref, je ne saurais pas te dire vraiment pourquoi, mais j'aime beaucoup !
"Et moi j'aimais Paul"
"Le jour pâlit la nuit, il est Temps"
En revanche, je suis d'accord avec Le Sombre, je ne décèle pas de tristesse véritable dans ton texte, mais plutôt une sorte de présence désabusée qui me plait bien !
Enfin bref, je ne saurais pas te dire vraiment pourquoi, mais j'aime beaucoup !
mathmatha- Date d'inscription : 30/05/2011
Age : 28
Re: la grande glaciation
merci j'ai pas eu de tristesse à écrire cette nouvelle au contraire. toute cette neige, c'était comme... un renouveau mais en vrai, ça doit pas être drôle de vivre ça
Re: la grande glaciation
Mon retour se fait par intermittence, à cause des travaux que je dois réaliser cette année. Mais je n'oublie pas ce site, j'ai même publié deux petites choses il n'y a pas si longtemps. Pas eu beaucoup de retours, mais je ne peux pas dire que j'en fais beaucoup non plus ; j'aimerai commenter bien plus de textes, comme je le faisais il y a deux ans.
La tristesse n'est pas le désir premier, on le comprend bien.
Mais cela donne une sensation de... détachement. Un détachement assez inquiétant.
La neige semble en tout cas tenir un grand rôle dans cette nouvelle, c'est certain. Mais je ne la vois pas comme un personnage principal, juste comme une toile de fond. Elle est tout aussi belle que mortelle, et c'est ce qui la rend si intéressant.
Merci à tous, en tout cas, de rester avec ces petits mondes de littérature, ça me sort de mon quotidien littéraire un peu trop cloisonné.
PS : le concours m'intéresse bien, oui.
La tristesse n'est pas le désir premier, on le comprend bien.
Mais cela donne une sensation de... détachement. Un détachement assez inquiétant.
La neige semble en tout cas tenir un grand rôle dans cette nouvelle, c'est certain. Mais je ne la vois pas comme un personnage principal, juste comme une toile de fond. Elle est tout aussi belle que mortelle, et c'est ce qui la rend si intéressant.
Merci à tous, en tout cas, de rester avec ces petits mondes de littérature, ça me sort de mon quotidien littéraire un peu trop cloisonné.
PS : le concours m'intéresse bien, oui.
Re: la grande glaciation
http://www.nouvelle-donne.net/concours-de-nouvelles/article/notre-concours
y a pas de soucis, tu viens quand tu veux. moi-même, accaparée par le taf et la correction de ma suite (et ma vie de famille), je ne peux venir que très peu
y a pas de soucis, tu viens quand tu veux. moi-même, accaparée par le taf et la correction de ma suite (et ma vie de famille), je ne peux venir que très peu
Re: la grande glaciation
J'espère que tu n'as pas trop de problèmes.
Ah, nous avons tous nos empêchements et nos obligations. Le tout est de savoir les gérer.
Courage !
En tout cas, ta nouvelle est vraiment intéressante. Attends une semaine avant de l'envoyer - voire deux semaines - relie-la, fais tes dernières corrections, et je pense qu'elle sera bien. Enfin, je dis ça, mais c'est à toi de t'organiser. ^^
Bonne chance pour le concours.
Ah, nous avons tous nos empêchements et nos obligations. Le tout est de savoir les gérer.
Courage !
En tout cas, ta nouvelle est vraiment intéressante. Attends une semaine avant de l'envoyer - voire deux semaines - relie-la, fais tes dernières corrections, et je pense qu'elle sera bien. Enfin, je dis ça, mais c'est à toi de t'organiser. ^^
Bonne chance pour le concours.
Re: la grande glaciation
Prenant. Une fois commencée, il n'est question ni d'arrêter, ni de s'en décrocher. La plupart des nouvelles laisse un goût de manque, on voudrait tant connaitre la suite. Pourtant, ici, je me sens satisfait de ta fin. L'histoire fût belle et sa fin nous laisse en contemplation devant l'aperçu de ce petit univers que tu nous as dévoilé.
Pour un thème assez froid (c'est le cas de le dire), tu as su y mêler joie et peine bien dosée. La narration venant de la bouche d'un grand enfant, elle nous charme. On sent les émotions comme si l'on y était.
Merci !
PS; j'avoue avoir été charmé, tous comme "Mathmatha" par certaine phrase, si petite et pourtant si grande.
Bon j'arrête, je vois ta tête enfler d'ici !
Pour un thème assez froid (c'est le cas de le dire), tu as su y mêler joie et peine bien dosée. La narration venant de la bouche d'un grand enfant, elle nous charme. On sent les émotions comme si l'on y était.
Merci !
PS; j'avoue avoir été charmé, tous comme "Mathmatha" par certaine phrase, si petite et pourtant si grande.
Bon j'arrête, je vois ta tête enfler d'ici !
Thomas.R- Date d'inscription : 09/11/2013
Localisation : Belgique
Re: la grande glaciation
J'aime beaucoup cette histoire. J'aime surtout cette vision détachée de ce monde qui se dégrade, de la violence qui s'installe et de toutes les difficultés. Le ton est tendre malgré la situation, et je trouve que le style d'écriture est très bien adapté : phrases courtes, peu de fioriture, juste l'énoncé du temps qui passe.
Juste une petite chose qui m'a gêné, c'est au niveau des temps (conjugaisons). Tout au début on a l'utilisation du présent quand le personnage parle : "malgré moi, mon esprit s’envole vers le passé."
Ensuite, lorsqu'elle redevient une petite fille, elle parle encore au présent, et puis presque aussitôt l'histoire passe au passé. "Je file à la fenêtre. J’ai 13 ans et je vois, je touche pour la première fois des flocons.", et quelques lignes en dessous : "Le jour des premiers flocons, je vivais au chaud avec ma famille au troisième étage d’un HLM."
Par ailleurs, tout à la fin le personnage parle de nouveau au présent. Je trouve qu'il serait plus clair de mettre "l'encadré" tout au passé pour ne garder que le tout début et la toute fin au présent. Je trouve que niveau concordance ça se tiendrait mieux, mais après ce n'est que mon impression.
Ce n'est qu'un conseil qui ne vaut pas grand chose d'autre, mais en tout cas merci, c'est une jolie nouvelle qui a été grandement appréciée.
Juste une petite chose qui m'a gêné, c'est au niveau des temps (conjugaisons). Tout au début on a l'utilisation du présent quand le personnage parle : "malgré moi, mon esprit s’envole vers le passé."
Ensuite, lorsqu'elle redevient une petite fille, elle parle encore au présent, et puis presque aussitôt l'histoire passe au passé. "Je file à la fenêtre. J’ai 13 ans et je vois, je touche pour la première fois des flocons.", et quelques lignes en dessous : "Le jour des premiers flocons, je vivais au chaud avec ma famille au troisième étage d’un HLM."
Par ailleurs, tout à la fin le personnage parle de nouveau au présent. Je trouve qu'il serait plus clair de mettre "l'encadré" tout au passé pour ne garder que le tout début et la toute fin au présent. Je trouve que niveau concordance ça se tiendrait mieux, mais après ce n'est que mon impression.
Ce n'est qu'un conseil qui ne vaut pas grand chose d'autre, mais en tout cas merci, c'est une jolie nouvelle qui a été grandement appréciée.
Le Boiteux- Date d'inscription : 15/11/2013
Age : 33
Localisation : Picardie
Re: la grande glaciation
Je passais en courant...
Toujours une belle écriture ! Belle sensibilité. J'aime beaucoup ce texte qui me laisse un peu frustré à la fin et donne envie de crier "la suite !"
Toujours une belle écriture ! Belle sensibilité. J'aime beaucoup ce texte qui me laisse un peu frustré à la fin et donne envie de crier "la suite !"
Re: la grande glaciation
Superbe nouvelle. Bravo:)
Margaux1999- Date d'inscription : 01/06/2011
Age : 25
Localisation : Poudlard.
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