Les écrivains amateurs du web
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.
Derniers sujets
» la golfeuse du voilier
Ancienne nouvelle : Le Réveil Icon_minitimeJeu 2 Mar - 21:58 par martin1

» mefiez vous des charlatants
Ancienne nouvelle : Le Réveil Icon_minitimeJeu 3 Oct - 16:28 par Jafou

» Une chanson de geste
Ancienne nouvelle : Le Réveil Icon_minitimeJeu 3 Oct - 16:22 par Jafou

» De retour après quelques années d'absence....
Ancienne nouvelle : Le Réveil Icon_minitimeLun 23 Sep - 21:25 par Le sombre minuit

» 5 et 6 juin...
Ancienne nouvelle : Le Réveil Icon_minitimeJeu 6 Juin - 8:09 par Jafou

» Les Imaginales
Ancienne nouvelle : Le Réveil Icon_minitimeLun 20 Mai - 20:05 par extialis

» Désinscription du forum
Ancienne nouvelle : Le Réveil Icon_minitimeDim 19 Mai - 7:29 par extialis

» Aimez-vous Bach (3è séquence)
Ancienne nouvelle : Le Réveil Icon_minitimeMar 14 Mai - 18:26 par Le sombre minuit

» L'ascension extraordinaire du Maudit
Ancienne nouvelle : Le Réveil Icon_minitimeLun 13 Mai - 19:02 par extialis

Rechercher
 
 

Résultats par :
 


Rechercher Recherche avancée

Partenaires
créer un forum
Mai 2024
LunMarMerJeuVenSamDim
  12345
6789101112
13141516171819
20212223242526
2728293031  

Calendrier Calendrier

Le deal à ne pas rater :
Réassort du coffret Pokémon 151 Électhor-ex : où l’acheter ?
Voir le deal

Ancienne nouvelle : Le Réveil

3 participants

Aller en bas

Ancienne nouvelle : Le Réveil Empty Ancienne nouvelle : Le Réveil

Message par Marcus Edwin Mar 5 Juin - 14:18

Bonjour à tous.

Voici une petite nouvelle que j'ai écrite il y a quelques temps déjà, mais que je souhaite faire partager. Mon style s'est, je pense, grandement amélioré depuis, mais elle fait partie de mes meilleures créations. Bonne lecture à tous!



1

- Va en enfer! lui hurla-t-elle.
Marc venait encore une fois de se disputer avec sa chère épouse, une nouvelle dispute violente à inscrire dans le carnet des querelles, déjà plein à craquer. Il sortit de chez lui, en claquant brutalement la porte, tandis que sa femme prenait ses deux enfants dans ses bras pour les protéger de leur père qui, sous l’effet de l’impulsion, pouvait être capable de toutes les horreurs. Il entra dans sa voiture, un break familial beaucoup trop grand pour lui seul, et partit à toute vitesse, en direction d’une route qu’il connaissait très bien, une route qu’il empruntait plusieurs fois par semaine, lorsqu’il sentait que la tension, chez lui, allait le mener à commettre une atrocité. Pendant que la femme continuait à rassurer les enfants dont les larmes mouillaient le sol fraîchement lavé, Marc commençait à rouler ; la douceur de la conduite le calmait, il se sentait à l’aise, pas heureux, mais calme, serein, et ne pensait plus à rien.
Cette route, il la connaissait bien trop par cœur. Il la prenait pour calmer ses nerfs, lorsque ceux-ci étaient prêts à exploser, à sortir de son corps pour tout détruire sur leur passage, prêts à tuer quiconque croiserait leur chemin. Cette route était une des plus longues lignes droites du pays, une route nationale qui parcourait plusieurs régions jusqu’à une petite ville à l’ambiance jeune et agréable, où il aimait se promener la nuit et observer les belles et frétillantes passantes. Plus Marc s’éloignait de sa maison et se rapprochait de cette ville, plus il se sentait vivant, éveillé, et calme. Il allait, là, encore une fois recommencer cette petite aventure personnelle.
Il arriva à la sortie de sa cité, puis sur sa route. Il fut pris d’une intense émotion, cette route lui avait manqué. Elle était jonchée de part et d’autre de splendides arbres qui s’élevaient vers les cieux, et coupée par moments par de petits chemins, tantôt menant à des rivières, où des pêcheurs se racontaient des histoires de fantômes, tantôt menant à de petits bosquets où poussaient de magnifiques champignons d’une variété rare. Parfois, il empruntait certains de ces chemins, dans le but d’allonger encore plus son voyage.
Il commença à repenser à la dispute qui l’avait fait partir, une dispute banale, après tout. Sa fille n’avait pas fait ses devoirs, il avait commencé à la gronder, puis, se montrant récalcitrante, il l’avait punie, il l’avait enfermée dans sa chambre, après l’avoir frappée. Sa femme avait pris la défense de la petite, déclarant qu’elle en avait assez de le voir frapper les enfants, puis celui-ci avait rétorqué que c’était le seul moyen de leur faire comprendre les choses. Estimant qu’il était impossible de parler avec lui, elle lui avait hurlé dessus, puis des objets avaient volé, des assiettes s'étaient cassées, l’une d’elles manquant de décapiter le fils. La femme avait hurlé d’horreur et de peur, et Marc avait décidé de s’en aller, poussé par cette dernière.
Ce fut une dispute aussi banale que le sommeil, dans cette petite famille sans histoire.
Marc, dans sa voiture frappée par le soleil de l'été, tandis qu’il roulait droit devant lui, fut pris d’une pensée soudaine. Il pensa qu’il allait quitter sa famille, parce qu’elle l’empêchait de vivre et d’écrire. Il n’arrivait plus à trouver le temps pour écrire ses romans, il ne trouvait même plus les idées. Il était trop occupé par cette famille qui, pour lui, l'empêchait d'avoir les idées claires, respirait son propre oxygène, bloquait l'arrivée de l'inspiration dont il avait tant besoin. Alors il décida de les quitter, dès qu’il allait rentrer, si jamais il se décidait à rentrer… Il se vit seul, dans un petit appartement, sans ami, sans famille, seul avec ses feuilles, ses crayons, son ordinateur et son imagination, à écrire, écrire et encore écrire, car sa vie ne se résumait qu’à cela, il n’était fait que pour cela, et rien d’autre ne comptait pour lui. Il souhaita n’avoir jamais fondé de famille avec cette femme qui désormais n’était plus qu’une ombre dans la nuit de son esprit. Car tout n’était plus que ténèbres désormais, et même si le soleil brillait de tous ses majestueux rayons divins, Marc se sentait abandonné dans un tourbillon obscur et triste.
Il imagina la sensation qu’il aurait à être seul, à inventer, perdu dans sa solitude qui le mènerait sans doute à la mort. Il pensa qu’il s’y sentirait agréablement bien, jusqu’au jour de la délivrance.
Le soleil brillait encore et toujours, mais l’âme de Marc était noire à cette heure.
Il prit une décision : il allait écrire sa propre histoire dans son prochain roman. L’histoire d’une vie destructrice et anéantie, une vie d’écrivain malheureux dont le seul bonheur se résumait à un écran d’ordinateur et à un traitement de texte.
Il sentit alors que son cerveau travaillait trop. Il était venu sur cette route pour se calmer, après tout. Alors il alluma la radio.
Mais la malchance était à l’œuvre. Aucune radio ne fut captée. Il poussa un soupir d’agacement. Il frappa son poste de radio, intégré au véhicule, lui hurla des injures, sans succès. Finalement, il abandonna et continua à rouler, observant l’horizon, tentant de distinguer les faibles silhouettes de la ville au loin, mais elle était encore beaucoup trop loin. Son voyage ne faisait que commencer.
Tout en roulant, il espérait que son poste radio capterait enfin un signal, et c’est ce qui arriva…
Il entendit des grésillements, comme une station captée très faiblement, mais aucun nom n’était indiqué sur le petit écran, puis les grésillements se firent de plus en plus intenses et bientôt ils furent presque insupportables à entendre. Il se boucha les oreilles, lâchant le volant et laissant son véhicule à la merci du sort. Mais ce n’était pas terminé, la voiture se mit à trembler. Ce n’était pas le sol qui tremblait, c’était bel et bien la voiture. Marc regarda l'autoradio, les chiffres devinrent fous et tremblèrent eux aussi, et très vite, ce n’était plus des chiffres, mais d’étranges symboles inconnus. La voiture tremblait toujours, le son devint douloureux, Marc crut que ses tympans allaient se briser, et à l’extérieur, le paysage ondulait comme lors d’une trop forte chaleur. Les arbres se déformaient, la route partait en zigzag et les collines au loin avaient l’aspect d’immenses vagues de terre. Voilà alors ma dernière heure, pensa Marc, et alors les couleurs à l’extérieur devinrent floues, elles changèrent, les champs jaunes devinrent rouges, toute la verdure devint bleue, les arbres se transformèrent en immenses colonnes de béton, les collines s’aplatirent et la route ondulante parut être une coulée de lave fluorescente. Marc ferma les yeux et attendit sa mort.
Mais tout s’arrêta.
Lorsqu’il rouvrit les yeux, il avait les mains sur le volant. Tout était redevenu normal, les arbres se dressaient à nouveau vers le ciel bleu azur, les champs jaunes attaquaient les yeux abimés de l’homme, les collines formaient à nouveau des bosses au loin, comme un rappel lointain de la beauté féminine, la route quant à elle, était redevenue droite, belle, grise.
Que m’est-il arrivé? se demanda-t-il. Il crut avoir vécu une immense hallucination, mais c’était terminé. Il faut dire qu’il n’avait pas dormi depuis quelques jours. De puissantes insomnies l’avaient frappé et empêché de fermer l’œil. Il avait longuement réfléchi durant ces nuits, seul avec les ténèbres, aux côtés de sa femme, à demi-nue, belle comme un ange descendu du ciel. Il l’aimait, de tout son cœur, et il aimait ses enfants, il ne voulait pas leur faire de mal, alors il pensait qu’il serait mieux de tous les abandonner…
Marc entendit alors de nouveau des grésillements, puis très vite, une voix sortit des enceintes du véhicule. Enfin une radio! pensa-t-il.
- Marc…
Avait-il bien entendu? Peut-être que sa femme lui faisait une dédicace par le biais d’une émission. Peut-être allait-elle lui demander de vite revenir à la maison.
- Marc…
La voix devint de plus en plus claire et les parasites s’estompèrent. C’était une voix féminine.
- Marc, écoute-moi attentivement…
Oui, c’était une belle voix féminine qui s’échappait de son autoradio, une voix douce et sensuelle qui éveillait en lui quelque désir secret. Mais il ne pouvait croire que cette voix s’adressât à lui. Pourtant, elle insista.
- Marc, écoute-moi.
Marc se demanda s’il n’était pas fou ; après cette hallucination, le monde qui avait ondulé sous ses yeux, et maintenant cette voix féminine qui lui parlait à travers l’autoradio.
- Qu’est-ce que… qui est-ce? se risqua-t-il à demander.
- Marc, tu n’es pas fou, je suis là pour te réveiller, cela fait bien trop longtemps que tu n’as plus conscience de rien…
Il observait la route avec attention, tentant de ne plus entendre cette voix mystérieuse. La route était encore longue, et l’horizon était brumeux, comme si elle était infinie. Il prit une grande inspiration et scruta cet horizon.
- Je connais ta vie, Marc, je connais tes malheurs, ce que tu infliges à ta femme, à tes enfants, ce que tu as subi étant petit. Il est temps de changer, Marc, il n’est jamais trop tard.
La voix, désormais, était très nette, il l’entendait comme si une jeune femme sensuelle était à ses côtés. Paradoxalement, cette voix était à la fois reposante et très angoissante, car sortie de nulle part. mais cette note agréable dans le ton qu'elle prenait lui donnait l’envie de lui faire confiance. Il avait… oui… il avait l’impression qu’elle sortait de lui-même.
- C’est un canular? demanda-t-il.
- Non, Marc, il n’y a rien de vraiment irréel, les choses sont vraies si tu les fais devenir vraies.
- C’est une blague de mauvais goût! Bien foutue, mais de mauvais goût.
- Tu te rendras vite compte de ton erreur, Marc, mais ça ne sera pas la première, n’est-ce pas?
Il crut un instant que le paysage ondulait à nouveau, mais ce n’était que son esprit qui lui jouait encore des tours, sans doute. Il arriva alors au niveau d’un champ labouré, dont la terre retournée faisait songer à un paysage apocalyptique. Au milieu de ce champ, au loin, il aperçut une camionnette équipée d’une parabole. Il freina brutalement, fit marche arrière et emprunta un petit chemin de terre rocailleux. Ça secouait, ça tremblait violemment. Arrivé à peu près au milieu du champ, un autre chemin à gauche, plus petit, plus boueux, menait à la camionnette. Il emprunta ce chemin, l’adrénaline montait en flèche dans son corps ; il allait s'occuper du voyou qui lui faisait cette plaisanterie mal pensée. Il arriva à la hauteur de la camionnette, vieille, rongée par la rouille, sans doute transformée en chambre à coucher mobile. Il sortit de sa voiture et claqua la porte, mais à l’extérieur il fut pris d’un faible vertige qui le fit tituber. Le ciel sembla clignoter de plusieurs couleurs et il crut entendre, au loin, résonnant comme dans une vallée, une voix familière, il crut distinguer ces quelques mots : « Je t’aime… te réveiller… » Puis le vertige disparut, tout redevint calme et stable, il fonça, coléreux, vers l’arrière de la camionnette et entra à l’intérieur, animé d’une force destructrice, et hurla.
- Ça vous amuse de faire des blagues comme ça?
À l’intérieur, un homme, seul, pas plus vieux que la quarantaine, mangeait, assis sur une chaise de jardin, devant un bureau tapissé de documents. En observant rapidement, Marc put distinguer, sur de petites étagères, des livres traitant des sciences occultes, des OVNI, mais aussi des ouvrages sur le sommeil, les Expériences de Mort Imminente, le coma, etc. Il vit également des romans de divers auteurs, dont Stephen King, Aldous Huxley, Emile Zola, Baudelaire, Chrétien de Troyes, etc. Tous étaient des auteurs qu’il adorait, qu’il avait lu et qu’il avait beaucoup apprécié.
- Je peux vous aider monsieur? demanda l’homme très amicalement.
Marc eut un instant de réflexion, remarqua d’autres ouvrages qu'il avait lus, puis dit alors :
- Je… c’est vous qui émettez avec votre parabole?
- Oui j’émets des fréquences, pourquoi?
- Je… j’ai reçu quelque chose sur mon autoradio… une voix qui me parlait, une voix féminine. C’est vous?
- Ai-je vraiment l’air d’être une femme?
Marc eut un petit sourire. Cet homme avait l’air sympathique, il se retrouvait en lui, dans son physique, dans sa façon de parler, dans sa manière de se retirer du monde, dans ses livres…
- Non, bien sûr, répondit-t-il, mais est-ce que ça vient d’ici?
- Ecoutez monsieur, je ne suis pas intéressé par les humains, voyez-vous… les seuls signaux que j’envoie sont destinés à eux.
Il pointa son doigt en direction du ciel.
- Ils sont là et tentent de nous parler, vous le savez aussi n’est-ce pas? Nous sommes comme un peuple endormi qui attend de se réveiller.
Après quelques secondes de réflexion, Marc s’excusa puis laissa l’homme à ses occupations. Dehors, il jeta un regard vers le ciel, magnifiquement bleu, sans aucun nuage, et se surprit à penser qu’on pouvait l’observer, de là haut. Cela lui procura un soulagement, et même un peu d’espoir.
Il retourna dans sa voiture, parcourut à nouveau le chemin de boue, puis fut secoué dans tous les sens par le chemin rocailleux, et reprit sa route, la route qu’il aimait, oubliant presque pourquoi il s’était arrêté.
Mais alors, d’où ça venait? pensa-t-il. Cette voix féminine qui lui parlait à travers les enceintes de son véhicule, cette fréquence captée par l’autoradio…
La route continuait droit vers l’infini, et tout se confondait. Les arbres semblaient identiques, les bandes blanches sur le bitume avaient un aspect hypnotique. Marc pensa soudain a une chose anodine : il n’avait vu aucune voiture sur sa route depuis qu’il y était entré. Mais qu’importe, il était mieux seul.
- Marc…
La voix… non, il ne pouvait pas être fou… qu’importe de toute façon, il était seul, dans sa voiture, personne ne le verrait. Alors il se risqua à entamer un véritable dialogue.
- Qui es-tu?
- Cela n’a aucune importance, qui je suis. C’est pourquoi je suis là qui est important.
- Alors pourquoi es-tu là?
- Je dois te faire prendre conscience du mal que tu as fait autour de toi, Marc… pour te libérer, tu dois avoir conscience.
- J’en ai conscience. Je refuse qu’on en parle. Je suis parti pour oublier.
- Mais non, Marc, car tu vas recommencer, et jamais ça ne changera. Tu dois te rappeler, tu dois te faire violence, car tu dois changer ça.
- Mais qui es-tu pour me dire ce que je dois faire?
- La voix qui te permettra de te réveiller, Marc.
- Epargne-moi les métaphores. Je suis tout à fait conscient.
- C’est ce que tu crois.
Une biche traversa la route au loin, légère et souple.
- Mais que veux-tu que je fasse? Je suis tout à fait conscient de qui je suis!
- Je ne crois pas, Marc.
Il y eut un bref silence, puis la voix reprit.
- Ton caractère est fort, difficile à vivre, tu t’énerves très vite et tes crises de nerfs font souffrir ta famille, qui pourtant t’aime plus que tu ne le crois. Quand ta femme et tes enfants ont besoin de toi, tu les maltraites, tu les frappes, tu les insultes, et à chaque fois, tu te réfugies sur cette route, qui pourtant ne te mène nulle part.
- Qu’attends-tu de moi?
- Je veux te réveiller, je veux te rappeler les pires évènements de ta vie, pour te purger de tous tes vices, de toutes les horreurs qui ont pourri ta vie et celle de tes proches. Tu n’as conscience de rien.
Marc ne répondit pas. Il regardait droit devant lui, écoutant attentivement cette voix mystérieuse mais dont le ton mélodieux lui procurait une sensation agréable. Son voyage ne faisait que commencer, il le sentait. Devenait-il fou? Inventait-il tout cela? C’était possible, mais quelle importance? Il était seul, sur une route déserte, qui semblait de nouveau onduler légèrement. Il sentit une légère secousse, puis plus rien. La voix le rassurait, finalement.



2

- Te rappelles-tu, Marc, fit la voix, ces nombreuses erreurs que tu as faites au cours de ta vie? En as-tu pris conscience? En as-tu tiré des leçons?
Marc ne répondit pas, la réponse était déjà dans les questions…
- Je vais te rafraîchir la mémoire, Marc. Ta vie a été un ramassis de souffrances infligées aux autres, comme pour la naissance de ta fille, où tu n’étais pas présent pour ta femme, occupé à d’autres folies…
Marc fut impressionné. Qui parlait? Comment cette personne, si c’en était une, pouvait-elle connaître sa vie à ce point? Il avait pourtant brouillé toutes les pistes, personne n’avait jamais su ce qu’il avait fait ce soir-là…
- Te rappelles-tu la mort de ta belle-mère? Ta femme était détruite, triste comme jamais. Elle avait besoin de toi plus que de n’importe qui d’autre, mais tu ne la soutenais pas, tes nerfs prenaient le dessus…
Son attention était toujours centrée sur la route, mais il écoutait la voix, troublé.
- Il est temps de changer, il est temps d’ouvrir les yeux et de faire des efforts.
La route semblait infinie devant lui. Marc avait envie de s’arrêter, il trouvait la situation trop étrange. Il se risqua à demander pourquoi il ne pouvait pas s’arrêter, pourquoi il devait continuer à rouler, vers l’infini.
- Tu es engagé sur le chemin du Réveil, lui dit la voix, tu ne peux t’arrêter, car c’est une étape nécessaire. Ne pose plus de question, et écoute-moi, simplement.
- Je… je veux m’arrêter! s’écria-t-il.
Marc freina brusquement et sa voiture s’arrêta en plein milieu de la route, toujours aussi déserte. Il fut pris d’un vertige au moment de l’arrêt, et mit cela sur le compte du freinage, trop brusque. Il jeta un regard de défi à l’autoradio et se dit qu’il devenait complètement dingue. Puis il porta la main à la porte et l’ouvrit. Il huma l’air comme pour vérifier qu’il était encore respirable, puis il sortit. Une fois debout, un violent vertige le frappa brutalement, et il se cramponna à la portière, en se tenant la tête d’une main. Le monde se retournait, la gravité s‘inversait dans son esprit. Il put observer quelques instants le ciel, devenu rouge vif, puis les arbres qui s’étaient démesurément allongés, qui semblaient culminer loin dans le ciel. Le paysage ondulait, comme si Marc se trouvait dans un rêve. Un sifflement strident le fit se cambrer, il tomba à terre, se tenant la tête des deux mains cette fois. Il était à genoux, les coudes à terre. Il entendit comme une voix lointaine qui semblait vouloir le rassurer. Ce n’était pas le son de la voix de l’autoradio…
Tout s’arrêta, d’un seul coup.
Marc reprit ses esprits lentement, encore secoué par ce qui venait de se passer, puis il se leva, ouvrit grand les yeux et s’éloigna de son véhicule, en direction d’un champ de blé, droit devant lui. Sa frayeur fut portée à son paroxysme, lorsqu’il se cogna contre un mur invisible, à quelques mètres de sa voiture. Cela lui avait fait la sensation d’un mur de coton, doux mais infranchissable. Il retenta, pensant que son esprit lui avait joué des tours, mais cela recommença. Il pointa la main en avant, lentement. Son cœur battait si fort qu’il était comme secoué à chaque pulsation. La main toucha alors quelque chose d’invisible, et une ondulation, semblable à celle que provoque un caillou jeté à l’eau, se propagea dans l’image du paysage et s’estompa lentement. Il était coincé. Il était… dans une bulle…
Il retourna alors à sa voiture, ferma sa portière et se prit la tête entre les mains, espérant qu’il avait imaginé tout cela. Soudain, il s’énerva, il se mit à hurler dans la voiture, des injures atroces, inhumaines. Il fut pris d’une colère quasi démoniaque, il perdit totalement le contrôle sur lui-même, frappa le volant, se tordit dans tous les sens en hurlant. Puis il leva la main en direction de l’autoradio, pour la briser en mille morceaux ; pour faire cesser tout cela. Il en avait marre, il en avait assez.
Mais une force en lui s’éveilla… ses nerfs se calmèrent tout d’un coup, il respira calmement, profondément, démarra sa voiture, et continua son voyage, un léger sourire aux lèvres.
Après un petit moment de silence, Marc interpella la voix.
- Bon… que veux-tu que je fasse?
Il était déterminé à lui obéir, sans trop savoir pourquoi. C’était comme si cette voix qui sortait de l’autoradio était une duplication de sa petite voix intérieure, qu’il n’avait pas entendue depuis très longtemps.
- Ecoute-moi, simplement. Regarde devant toi, et écoute-moi. Je vais te guider, je vais te purger, pour te réveiller. Tu es coincé dans un monde que tu ne peux contrôler que si tu en prends conscience.
Toujours aucun autre véhicule à l’horizon, ni devant, ni derrière. Marc concentra son regard sur les bandes blanches qui défilaient, l’hypnotisant presque, et concentra son ouïe sur la voix.
- Prépare-toi, Marc, inspire profondément. Le voyage va commencer.
Sans chercher à comprendre, Marc prit une grande inspiration, puis souffla lentement. Alors il se sentit à l’aise, serein, prêt à tout accepter. Il écouta.

Lors de la naissance de sa fille, cet évènement unique dont il avait toujours rêvé intérieurement, il n’était pas présent à l’hôpital, pour soutenir sa femme souffrante qui se préparait à mettre au monde une nouvelle vie.
Elle était là, allongée sur son lit d’hôpital, seule, souffrante, presque mourante. L’accouchement s’apprêtait à être très difficile, tout comme la grossesse, mais elle allait devoir affronter tout cela seule ; son mari lui avait promis d’être là, d’être à son chevet, de la soutenir moralement pour l’aider à expulser ce petit bout de chair humaine, mais il n’avait pas tenu sa promesse. Au moment de l’accouchement, il n’était pas très loin, en train de commettre une atrocité dont sa femme n’a jamais eu conscience.
Il était dans une chambre d’hôtel, accompagné d’une petite amie d’enfance qu’il venait juste de retrouver. Ils avaient pas mal bu, puis étaient montés. Là, leurs corps déjà à demi nus se chauffaient l’un contre l’autre, et ils sirotaient une dernière coupe de champagne en évoquant de vieux souvenirs de maternelle. Tandis que le soleil se couchait et que sa femme accouchait douloureusement à quelques kilomètres, il était là, en train de briser trois promesses… oui, car il avait promis à sa femme d’être là pour l’accouchement, il lui avait promis de ne jamais la tromper, et il lui avait promis de ne jamais revoir cette fille, même si l’occasion se présentait, cette fille dont il avait été follement amoureux jusqu’au collège.
Ils s’embrassèrent à la lumière du soleil couchant. Leurs pensées torrides s’entremêlèrent et ils se déshabillèrent mutuellement, rageusement, comme deux adolescents en rut. Avec sa femme, ça n’avait jamais été aussi torride, c’était devenu plat, sans saveur, le sexe avait presque disparu, supplanté comme le reste par la banalité quotidienne, mais avait laissé place à une nouvelle forme de bonheur : la famille.
Mais il s’apprêtait à tout gâcher. Lorsqu’ils furent nus, il fut émerveillé et très excité par ce splendide corps qui respirait encore la jeunesse. Leur ébat fut rapide, mais agréable.
Pendant que sa femme souffrait, hurlait de douleur et de déception, Marc couchait avec une autre, sans aucun remord, sans aucune pensée envers son amour et sa fille qui naissait.
Le lendemain, il prétexta qu’il avait été retardé, qu’il avait dû faire quelque chose d’important. Sa femme ne lui en voulut pas, car elle avait confiance en lui. Ils s’enthousiasmèrent à la vision de cette petite merveille de la nature qu’ils avaient créée. Ils s’embrassèrent, alors que Marc portait encore le goût du sexe de son amie d’enfance sur les lèvres.

Marc, toujours au volant, fut pris d’une sensation d’étouffement. C’était la peur, il fut soudain effrayé par tant de vérité. Comment pouvait-elle savoir? Comment…
- Tu n’as pas à avoir peur, Marc. Je ne suis pas là pour te juger, mais pour t’aider. Je veux simplement te montrer le chemin de la lumière.
Il eut soudain l’impression de ne pas être lui-même, comme s’il n’habitait pas son propre corps, sa propre vie. Il demanda alors, croyant qu’il ne l’avait pas déjà fait, qui était cette voix mystérieuse.
- Je ne donne pas de réponse, Marc, je ne fais que t’aiguiller pour que tu les trouves toi-même.
- Mais dis-moi qui tu es! Dis-moi ce que je dois faire! Où est-ce que je trouverai les réponses?
Un silence surnaturel, puis la voix répondit.
- Les réponses sont en toi, Marc.



3

Tout en continuant à rouler, Marc réfléchissait à sa propre vie ; cette voix lui avait fait comprendre certaines choses, l’avait mis sur la voie de sa guérison. Il avait souvent fait du mal à ses proches, à sa famille, mais sans réellement s’en rendre compte. Sous l’effet d’une impulsion nerveuse, il était capable de tout, il frappait ses enfants, sa femme, leur hurlait des injures atroces dont il n’avait même pas conscience…
Il voulut faire confiance à cette voix…
Il sentait qu’elle était bénéfique, mais ne savait pas pourquoi. C’était quelque chose qui était enfoui en lui, il le sentait, il le savait, mais ne pouvait en résoudre le mystère lui-même.
Il ne voyait désormais plus la route, il était focalisé sur la voix, et uniquement sur elle. La voiture roulait seule, de façon quasi autonome.
La voix décida de rappeler à Marc les pires évènements dont il avait été le coupable.

Quelques années auparavant, sa belle-mère était décédée des suites d’un grave cancer de la gorge. Sa femme, totalement anéantie, avait eu besoin de soutien, de la présence d’une personne qui l’aurait aidé à survivre, à reprendre goût au désastre de la vie. Marc, qui aurait dû être cette personne, avait fait preuve d’un égoïsme surhumain, et s’était éloigné de sa femme, la laissant seule avec son désespoir, sa tristesse, et ses enfants. Il avait déclaré que c’était bien trop dur pour lui, qu’il ne pouvait pas supporter ce malheur, qu’il était profondément anéanti. Il avait refusé d’écouter sa femme, de la consoler, de lui dire que la vie n’est qu’une étape, que la mort n’est qu’une porte. Bien évidemment, ce n’était pas lui qui en souffrait le plus, ce n’était pas sa mère qui était morte. Néanmoins, il avait tout pris sur lui et avait laissé sa femme déchoir petit à petit. Elle ne s’occupait plus de ses enfants, pas même de la maison et encore moins de leur chien, qu’elle laissa mourir de soif. Lorsque Marc était revenu pour de bon à la maison, après avoir fait une cure d’alcool avec des amis proches, il avait trouvé sa femme noyée dans son vomi, entourée des deux enfants qui la regardaient en pleurant. Le médecin avait expliqué qu’elle avait bu, beaucoup bu, puis qu’elle avait mélangé l’alcool avec tous les médicaments qu’elle avait pu trouver. Elle n’y était pour rien, elle s’était sentie abandonnée, elle avait perdu sa mère, puis son mari. Les enfants furent traumatisés à vie.

Le ciel commençait à s’assombrir légèrement et de petits nuages apparaissaient.

Lorsqu’il s’énervait, lorsque les nerfs devenaient trop incontrôlables, Marc battait sa femme, ses enfants. Il ne buvait pas, il était atteint d’une impulsivité terriblement handicapante et dangereuse. Il n’avait jamais voulu consulter un médecin pour cela, il savait malgré tout qu’il avait un problème, mais souhaitait le régler lui-même. Seulement, il n’était pas assez fort, et tout recommençait à chaque fois, même si Marc promettait toujours le contraire. Lorsque ses nerfs ne lâchaient pas, Marc était fabuleusement gentil, agréable avec tout le monde, drôle, très sociable, et il avait un sens de la famille hors du commun. Lorsqu’il n’était pas en proie à de violentes crises de nerf, il était un père hors normes, un exemple pour tous les enfants dont le père faisait défaut ; mais il devenait un autre homme lors de ses crises. Il était capable de jeter des objets cassants au visage de sa famille, il avait plus d’une fois blessé sa femme, et même ses enfants. Ils avaient fini par en avoir une peur atroce, mais continuaient malgré tout à l’aimer, c’était leur père, après tout. Sa femme restait courageuse et osait lui faire face dans les moments difficiles. Il avait trouvé refuge, un jour, sur cette route silencieuse, toujours déserte, une route qu’il avait pris l’habitude de parcourir le plus longtemps et le plus loin possible, lorsque ça chauffait avec sa petite famille. Il était à l’aise sur cette route, c’était comme s’il l’avait toujours connue. Il avait la sensation d’être dans un rêve, cette sensation que cette route n’était qu’une pure création de son esprit endormi.

De plus en plus de nuages assombrissaient le ciel, ils semblaient venir de nulle part. le ciel devenait de plus en plus noir. Faisait-il déjà nuit?

Marc n’avait pas mauvais fond. C’était quelqu’un de bon, d’attentionné, une crème d’être humain. Mais ces qualités s’étaient frayées un chemin jusqu’au fond de l’abîme de son âme, et elles ne parvenaient pas à remonter.
Il n’y était pour rien dans ses problèmes, même s’il faisait souffrir les autres.
Son problème était la conséquence d’une enfance triste et douloureuse, sombre et morbide. Il avait été élevé par une famille totalement irresponsable, dont la plus grosse erreur avait sans doute été de procréer. Son père l’avait battu, à de nombreuses reprises, mais pas comme Marc battait sa famille, non ; lui, c’étaient des coups de batte de baseball, des tirs de carabine à plombs, des coups de marteau dans les reins. Le pire, c’est que son père n’avait jamais été alcoolique, c’était inné chez lui, et il a transmis cet énorme défaut à son fils, qui reproduisait, dans une version allégée, la violence de son géniteur. Celui-là éprouvait une satisfaction quasi sexuelle à battre son fils à mort, à le voir hurler de douleur et de chagrin en recevant des coups de batte ou des plombs dans les jambes. La mère de Marc, quant à elle, n’avait jamais pu l’aider, elle était tout aussi décalée. C’était une femme alcoolique comme on n’en fait plus, elle buvait comme un mineur qui ne tire satisfaction de sa vie qu’en se saoulant en ressortant de son trou, tous les jours. Si ce n’était que ça… c’était également une mère folle, qui était atteinte d’une pathologie mentale terrible, celle de voir constamment des démons qui, pour elle, lui voulaient du mal, voulaient la tuer, la mettre enceinte ou juste s’amuser avec. Quant aux grands-parents de Marc, ils étaient tout simplement satanistes. Chaque semaine, ils faisaient des rituels et des invocations diaboliques, sacrifiaient des animaux et parfois même des humains, pour ensuite copuler avec. C'est en tout cas ce qu'il avait fini par imaginer.
Au final, le père de Marc avait été tué par sa propre femme, après qu'elle eut ingéré une trop forte dose d’alcool, et elle avait été internée, puis était morte dans l’hôpital.
Marc avait recommencé une vie loin de tout, et avait totalement oublié cette histoire, l’avait refoulée au fond de son esprit, et elle créait en lui des déséquilibres qui le faisait devenir comme son propre père.

Désormais le ciel était totalement sombre. Il prenait des couleurs inquiétantes. Il y avait du noir, du rouge sang, du pourpre, et tout tournoyait comme une tornade psychédélique.

La famille de Marc était malheureuse, et particulièrement ses enfants, qui auraient aimé avoir un véritable père, toujours à l’écoute. À la place, ils avaient un père seulement de temps en temps, qui se transformait en créature infernale la plupart du temps.
Pourtant, Marc passait aussi de bons moments avec sa famille.
Il emmenait sa femme à de nombreux concerts, en tout genre, passant du blues au metal, se plongeant dans un océan musical pour ensuite s’extasier l’un avec l’autre dans le lit conjugal, ou bien dans la voiture. Il l’emmenait au restaurant, quand elle ne s’y attendait pas, il choisissait toujours les meilleurs, les plus chers, les plus exquis, les plus raffinés, pour sa tendre adorée. Chaque moment intime bien mené était toujours un paradis sur terre, l’accomplissement d’un bonheur surréel et métaphysique. Le couple adorait les choses simples, qui faisaient de la vie un véritable éden, quand Marc était calme. Il passait aussi de fabuleux moments avec ses enfants. Il les emmenait aux jeux, et les regardait pendant des heures s’amuser au toboggan ou au tourniquet. Il les chatouillait, leur apprenait des choses. Eux lui disaient leurs secrets qu’il gardait toujours pour lui. La petite famille, lorsqu’elle était réunie et qu’elle avait du temps à tuer, passait des moments fantastiques, elle allait dans des parcs d’attractions, faisait des sorties, et profitait des instants formidables qui font aimer la vie. Marc avait un groupe de musique avec lequel il s’entendait à merveille, il composait des chansons magnifiques, il avait sorti plusieurs livres qui avaient tous eu un grand succès, il commençait à se faire une renommée dans la littérature.

Il sentit soudain une sensation agréable en lui, comme une lente extase qui remonterait de son esprit, enfermée depuis longtemps dans une prison sombre. Le ciel se mit soudain à redevenir d’un magnifique bleu azur, et Marc se sentit bien. Le soleil dominait de nouveau les cieux, il semblait de ne pas avoir bougé.
Pour la première fois, Marc se sentit véritablement heureux et serein, il sentit en lui l’amour profond qu’il portait à sa famille.
Mais les pulsions humaines sont toujours difficilement contrôlables.




4

Il aperçut une magnifique créature, au loin, sur le bord de la route, qui attendait, le pouce levé en direction de l’horizon. Au fur et à mesure que Marc se rapprochait, la silhouette se dessinait de plus en plus, et se précisait, telle une apparition divine. Son teint pâle brillait comme une étoile perdue sur un trottoir boueux, au bord d’un bois. Elle semblait venir de nulle part, et Marc se souvint d’une légende urbaine qu’on lui avait racontée ; une femme, au bord de la route, qui fait du stop… et alors?
Marc s’arrêta devant la jeune femme et l’observa avec attention. Elle se tenait droit et son regard de félin l’attirait vers le vice interdit. Elle avait les cheveux mi-longs dont le blond presque blanc semblait comme un deuxième soleil dans le ciel, elle portait des vêtements courts, un profond décolleté qui laissait entrevoir sa poitrine affriolante et pulpeuse, comme deux gros fruits mûrs attendant d’être dévorés ; son mini-short gris laissait voir ses cuisses blanches et musclées, douces et aguichantes, et entre les deux, son nombril prenait des aspects érotiques et un désir charnel s’éveillait en Marc, comme une volonté de revenir au commencement des temps, de tout reconstruire, de tout recommencer à zéro, d’annihiler ce monde horrible et de réveiller enfin son véritable esprit d’être humain ; une nouvelle genèse pour l’humanité.
- Bonjour mademoiselle, lui lança-t-il, ayant totalement laissé de côté la voix.
Elle s’approcha de la fenêtre qu’il avait ouverte, puis se pencha vers lui, s’appuyant sur le rebord et laissant voir son magnifique décolleté dans lequel il aurait aimé plonger la main. Il l’invita à entrer après avoir déverrouillé la portière. Elle s’installa dans la voiture et une atmosphère torride s’éleva soudainement. Marc put observer de plus près ce fantastique corps qui lui faisait tant envie. Il lui demanda où elle allait, elle répondit qu’il pouvait la déposer à la ville prochaine, là où il comptait faire justement demi-tour.
La voix s’était tue, le soleil flambait dans le ciel et son ardente chaleur incitait Marc et la splendide inconnue à une partie de plaisirs extrêmes. Désormais, Marc n’était plus humain, ce n’était plus qu’une bête dont le seul instinct était l’envie, une envie folle de commettre un acte irréparable, mais tellement agréable…
Un silence de plomb régna pendant quelques minutes, tandis que la route chauffait et ondulait comme une rivière bouillonnante s’apprêtant à déchainer sa colère.
Et alors Marc rompit le silence.
- Comment vous appelez-vous ma chère?
- Clara, répondit-t-elle en tournant son regard azuré vers lui.
- C’est un joli prénom, il va bien avec votre teint.
Marc observait la route, et du coin de l’œil, il lorgnait sur les douces jambes alléchantes de Clara.
- Mais dîtes-moi, pourquoi étiez-vous seule au milieu de nulle part? demanda-t-il.
Clara ne répondit pas et le dévisagea. Il lui faisait envie, tout comme elle lui faisait envie. Après tout, personne ne saurait…
- J’aime marcher, répondit-elle enfin.
Marcher? Cela faisait une sacré trotte, si elle venait du même endroit que lui. Peut-être même qu’elle venait de bien plus loin.
- Et vous? rétorqua-t-elle. Que faîtes-vous sur cette route?
- Oh… je… je roule. J’aime rouler.
Clara esquissa un magnifique sourire en coin et Marc tomba alors véritablement sous le charme de cette créature presque divine. Il se dit qu’il ne pouvait pas laisser passer une occasion pareille.
- Vous êtes marié?
- Non, et c’est bien mieux comme ça. Je suis un solitaire, j’écris des romans et des nouvelles, et je ne vis que de petites aventures par-ci par-là.
Clara sourit, satisfaite de la réponse.
- Des romans? Vous êtes un poète?
- Pas un poète, non. Je n’aime pas la poésie, elle est beaucoup trop pure pour représenter la mélancolie de mon cœur.
Clara retira ses chaussures et étendit ses jambes exquises au-dessus de la boîte à gants. Elles étaient longues et bronzées, et le verni de ses pieds brillait au soleil comme des perles d’argent. Marc s’imagina soudain le plaisir qu’il aurait à être entre ces deux cuisses musclées.
- Cela ne vous dérange pas? demanda-t-elle.
- Pas du tout.
Il s’efforça de ne pas loucher sur ce corps parfait, mais la tentation était trop forte.
- J’ai rarement vu un aussi beau corps, se risqua-t-il à dire.
Le silence se fit. Marc fixa la route, attendant la réaction de l’autostoppeuse.
- Arrêtez-vous.
Avait-il été trop loin? Avait-il regardé ce corps comme s’il avait été tenté par un morceau de viande? Il avait pourtant pris garde de rester tout à fait respectueux.
- Très bien, dit-il sans dévoiler sa profonde déception.
Marc s’arrêta sur le bord de la route. Le ciel commençait à devenir sombre. Des nuages s’approchaient.
- Coupez le moteur.
Il s’exécuta. Qu’avait-elle en tête?
- Ecoute-moi, dit-elle en se penchant vers lui, laissant voir son profond décolleté, je ne vais pas y aller par quatre chemins. Je suis là parce que je veux réaliser mon fantasme. J’ai toujours voulu baiser avec un inconnu dans une voiture. Alors, tu me prends là, maintenant, ou tu me laisses sur la route.
Marc eut un réflexe d’hésitation. Après cette réaction totalement inattendue, il ne savait lui-même comment réagir. Était-ce un rêve? Tandis que les nuages s’avançaient et se regroupaient en une gigantesque cellule orageuse, Marc ne pouvait plus réfléchir. Son esprit était paralysé. Il croyait être en train de rêver.
- Alors mon cochon? Tu décides quoi?
Il succomba à la tentation. Il attrapa la tête de Clara et l’embrassa fougueusement. L’orage éclata alors. Les corps se déshabillèrent et la chaleur augmenta, la voiture fut secouée par la puissance à la fois des éclairs et des ébats. Les corps s’entremêlèrent et s’emboîtèrent. Ils le firent comme s’ils étaient les derniers survivants d’un monde mort. L’orage était alors juste au-dessus, et la foudre déchirait le ciel, des impacts si nombreux qu’on aurait cru à un bombardement. Les deux amants se livraient une bataille torride, et aucun ne dominait l’autre, c’était comme deux puissantes bêtes, deux monstres sanguinaires dont l’instinct sexuel était plus fort que tous les autres. Cela ne dura pas longtemps, mais le plaisir qu’il y prirent était intensément divin. L’orage grondait de plus en plus, au fur et à mesure que la jouissance approchait. Puis les deux amants partirent tous deux au septième ciel, tandis qu’un éclair enflamma le ciel, comme si quelqu’un les observait d’ailleurs, de très loin, d’un monde inaccessible. Marc sentait quelqu’un l’appeler, comme si de cet éclair jaillissait de vieux souvenirs, morts et enterrés.
Les corps nus et en sueur, les deux amants s’endormirent, au bord de la route, sans mot dire. La satisfaction était telle qu’aucun mot n’aurait pu la décrire. Avant de plonger dans un profond sommeil, ils s’échangèrent un regard complice, elle pour le remercier, lui pour vérifier s‘il avait vraiment assuré.
Leur sieste ne dura pas bien longtemps, mais fut suffisante pour requinquer Marc. Lorsqu’il ouvrit les yeux, la sensation que le ciel tournoyait et ondulait le reprit quelques instants, puis disparut. Un réveil trop brusque, sans doute. Il était encore nu comme un ver et regarda la belle Clara, à côté de lui. Elle dormait encore, et son corps nu éveillait en lui un nouveau désir. Mais non, il ne faut pas abuser des bonnes choses. Elle se réveilla et lui lança un sourire ravageur, puis, sans se toucher, sans se parler, ils se rhabillèrent, et reprirent la route. L’orage avait disparu depuis longtemps, et la longue traversée monotone pouvait reprendre. Marc en avait totalement oublié la voix…
Ils arrivèrent peu de temps après à la fameuse ville qu‘il convoitait tant. Dans cette ville il aurait fait des sacrés folies, il aurait pu vivre une vie fantastique, avec cette jeune Clara, peut-être. Mais sa vie était différente, il était père de famille, les péripéties de la jeunesse étaient loin derrière lui, mais il conservait encore ce besoin si naturel de vouloir tirer son coup, comme il disait. Il déposa Clara au coin d’une rue, l’embrassa longuement et en toute amitié. Lui pensa ne plus jamais la revoir.
- On se reverra sûrement, lui dit-elle.
Elle lui fit un clin d’œil qui lui caressa le bas du ventre comme une langue de feu prête à tout détruire.
- Bonne nuit, finit-elle.
Bonne nuit? se demanda-t-il. Il observa autour de lui. Un soleil de plomb frappait la cité, la nuit était encore bien loin. Il observa la jeune femme qui s’en allait au loin, et repensait aux ébats torrides qu’ils avaient partagés.
Mais pourquoi lui avait-elle dit bonne nuit? Avait-elle perdu toute notion du temps? Il ne connaissait pas l’heure, mais il était certain que la nuit n’arriverait pas de sitôt. Finalement, malgré sa beauté angélique et son coup de rein monumentalement savoureux, il trouvait cette femme quelque peu étrange, comme si, au fond, elle n’était pas totalement réelle, comme s’il l’avait simplement imaginée pour échapper à l’oppression de la voix.
Il se rappela soudain… cette voix… était-ce un rêve? Une hallucination auditive?
Il s’extirpa de sa réflexion, et décida d’aller prendre un café. Cette pause, il l’avait bien méritée. Il sortit de la voiture et se dirigea vers le café d’en face, mais à peine eut-il marché quelques mètres, qu’ils se retrouva contre un mur invisible.
Cette bulle…
Il toucha devant lui et une ondulation se forma.
Cette bulle!
Il se retourna, le regard furieux, les yeux exorbités et ensanglantés, il marcha d’un pas sûr vers son véhicule, y entra, s’installa sur le siège et fixa longuement l’autoradio, en guise de défi.
- Tu ne me lâcheras donc jamais?
Aucune réponse.
- Je sais que tu m’entends!
Les passants observaient Marc avec inquiétude. Alors il se calma, démarra la voiture et fit demi-tour. Il sortit de la ville aussi vite qu’il y était entré, repensant encore un peu à Clara. Que pouvait-elle faire à présent?
Mais ce n’était pas le plus important…
Il emprunta sa route en sens inverse, et la voix réapparut.
- Je suis déçue, Marc.
- Quand me laisseras-tu tranquille? s’énerva-t-il.
- Calme-toi Marc. Respire, nous allons reprendre notre réflexion où nous l’avions laissée. Rappelle-toi, Marc.
- Je me rappelle.
Il s’était calmé. Il se rappela à quel point cette voix l’apaisait. Il voulait s’y soumettre corps et âme.
- Bien Marc. On continue. Je ne veux que te réveiller. Cela fait trop longtemps que tu es endormi.
Endormi? pensa-t-il.



5

La voix commença à lui évoquer à nouveau ses vieux souvenirs. Le ciel s’assombrissait. Voilà, la nuit allait tomber, enfin. Les ombres s’abattaient lentement sur le monde. Tout changeait, tout évoluait, mais pas Marc. Il continuait à rouler, il retournait chez lui, il retournait à la source.
- Je t’écoute ; lança-t-il à la voix, tout en observant attentivement la route qui devenait de plus en plus sombre.
- Tu peux te racheter pour toutes tes fautes, Marc, même pour celle que tu viens de commettre. Mais je dois continuer à te rappeler.
Il tendit l’oreille et écouta. Il était prêt à se plonger de nouveau dans ses souvenirs.

Depuis son adolescence, Marc avait toujours été malhonnête, injuste et violent envers les femmes ; mais paradoxalement, il avait un charme irrésistible et parvenait à obtenir n’importe qui, et ses proies se prenaient toujours dans ses filets, et en ressortaient toujours blessées, portant des cicatrices morales et physiques qui leur resteraient jusqu’à la fin. Il le savait, il s’en rendait compte, mais profitait de cette situation, car personne ne lui disait que c’était mal, personne ne le contredisait, on en avait peur, car il était le meilleur, c’était le tombeur du lycée, puis de la fac, et toutes les filles qui avaient le malheur de croiser son chemin finissaient incontestablement dans son lit. Pourtant il était aussi capable d’aimer.
Lorsqu’il était au lycée, il avait fait la connaissance d’une fille fantastique. Il en était tombé fou amoureux, elle aussi, et ils s’étaient promis de passer le restant de leurs jours ensemble. Tout allait bien, dans le meilleur des mondes. Marc était heureux comme jamais il n’avait imaginé l’être. Ils vivaient ensemble, et ils parlaient déjà de se marier, d’avoir des enfants. Seulement, avec le temps, il était devenu agressif et violent. Il la frappait, pour rien, il l’insultait et lui hurlait dessus. Très vite, l’amour profond qu’elle lui portait se transforma en haine, et elle le quitta, lâchement, un jour, le laissant seul dans la crasse grandissante de l’appartement dont il ne s’occupait plus.
Il avait fait beaucoup de mal dans sa vie. Il s’en était rendu compte mainte fois, mais continuait, c’était une pulsion destructrice qu’il ne pouvait contrôler, et cette pulsion lui rongeait la vie, l’âme, elle le torturait de l’intérieur, comme une scie qui vous coupe lentement l’esprit, que vous entendez dans votre tête, ce sifflement strident constant dans l’esprit, qui se finit toujours en explosion douloureusement atroce.
Marc avait besoin de revoir le jour, ses yeux étaient restés fermés depuis trop longtemps. Il était temps, désormais, il était temps de sortir de sa bulle de ténèbres.

Soudain, la voiture s’arrêta en plein milieu de la route.
- Mais qu’est-ce que…
- Il est temps Marc…
Il fut pris d’une soudaine somnolence, le monde autour de lui tournait, se retournait. Il était comme au beau milieu d’une spirale géante, il se sentait comme aspiré par un trou noir. Mais ce n’était pas un trou noir, c’était une lumière intense, féérique, d’une beauté astrale. Allait-il droit vers la mort? Les ténèbres de la nuit naissante se transformaient en une étoile d’une beauté immaculée. Alors il entra dans la lumière, pure et douce comme un univers naissant.
Il revécut tous les moments difficiles de sa vie dans ce spectacle onirique lumineux qui s’offrait à lui. Il était avec sa femme au moment de la naissance de sa fille, il l’embrassait, complimentait son couple d’avoir réussi à concevoir une telle merveille. Il avait sa fille dans ses bras, et ne pensait à rien d’autre. Il était heureux. À la mort de sa belle-mère, il était près de sa femme et l’encourageait à continuer sa vie, lui disant que sa mère serait fière d’elle. Il s’occupait de ses enfants. Il ne battait plus personne, c’était le père idéal, le père dont tous les enfants rêvent, et cette route, ce chemin spirituel, il ne l’avait jamais connue, il ignorait totalement son existence, car sa vie était parfaite, et lui aussi. Il avait la plus fantastique famille du monde, et lui était l’homme qui comblait cette famille, il était celui qui rendait ces personnes heureuses, et qui aurait contribué à faire de leur vie un rêve éveillé. Il se rendit compte, dans ce rêve quasi-lucide, que sa vie aurait pu être magnifiquement merveilleuse, s’il s’était forgé un autre caractère. Il se vit alors dans un avenir proche, changé, comme dans ce rêve où il était l’homme le plus bon de la Terre. Il se rendit alors compte que rien n’était perdu.





6

Il se réveilla dans la voiture. Son rêve avait duré plus longtemps que prévu, car il faisait jour. Mais la route était toujours déserte. Une sensation nouvelle l’habitait progressivement, au fur et à mesure qu’il se réveillait. Il avait l’impression de ne pas être dans le monde réel. Il se sentait flotter, il se sentait léger. Il n’était pas dans son monde, il en était certain. Il observa autour de lui, ses yeux s’habituèrent de nouveau à la lumière, et il vit le paysage onduler légèrement. Il était dans une bulle géante, comme à l’intérieur d’un bain chimérique créé par son propre esprit lésé.
Il cligna plusieurs fois des yeux, et l’ondulation prit fin.
- C’est la dernière ligne droite, Marc.
La dernière ligne droite?
- Retourne chez toi. Tu n’as besoin que du choc ultime pour te réveiller.
Marc interpella la voix. Le choc ultime? De quoi parlait-elle? Mais c’était trop tard, elle s’était tue. Il démarra sa voiture, et retourna chez lui. En chemin, il fut frappé par d’étranges hallucinations ; il vit des brancards dans les champs, il croisa des fauteuils roulants vides, il sentit des piqûres sur son corps. Que lui arrivait-il? Ce n’était sans doute pas aussi grave. Il ne se sentait plus dans le même monde, il se sentait comme coincé entre deux mondes. Il continuait néanmoins à rouler.
Et le paysage se remit à onduler.
Tout paraissait moins droit. Tout ondulait légèrement…
Marc fut pris de vertiges.
Son esprit était désormais plongé dans une épaisse brume.
Il arriva enfin chez lui. Il eut peine à reconnaître sa demeure. Elle semblait vieille, comme s’il avait passé des années sur cette maudite route. Les murs étaient gris, tristes, sans beauté. Peut-être qu’après tout ce temps passé dans sa voiture, il avait oublié la couleur, la forme, l’atmosphère de sa maison. Cette voix lui avait peut-être complètement fait perdre la notion du temps, des couleurs, de la vie. Il ressentit une légère pression sur la poitrine, du côté du cœur. Ce n’était rien. De nouveau serein, il s’avança. Il allait retrouver sa famille, il allait l’aimer et la chérir, jusqu’à ce que la mort les sépare…
Il entra.
À l’intérieur, tout était saccagé. Un cambriolage avait-il eu lieu? Tout était ravagé, mais rien n’avait été volé. Il sentit alors une odeur forte provenant de la cuisine. Une odeur de pourriture, comme de la chair moisie qui croupissait lentement et silencieusement. Il s’avança avec une dangereuse curiosité, entra dans la cuisine.
Choc.
Il vit là, allongés sur le sol, les corps de ses deux enfants, noyés dans une mare de sang frais. Ils étaient égorgés, cela avait été si violent que les têtes se détachaient du reste. Il s’avança, évitant la mare, et vit, dans le placard de la cuisine, le corps de sa femme, pendu, les yeux exorbités. Elle avait une légère entaille sur le cou, et sur le sol gisait un couteau de boucher maculé de sang. Le corps pendait comme un gros morceau de viande. Elle avait enfilé la robe préférée de Marc, la transparente, derrière laquelle il pouvait voir ses petits seins qui pointaient quand elle avait froid. Elle n’avait que sa robe, et un filet de sang coulait jusqu’à sa poitrine.
Marc hurla de toute son âme… il se mit à genoux devant le corps mort de son amour et pleura, en s’excusant, en demandant son pardon, en promettant que rien ne serait plus comme avant, qu’il les avait toujours aimé, elle et les petits, qu’il n’avait jamais voulu leur faire de mal, mais que c’était plus fort que lui. Les larmes se mélangèrent à la mare rouge. Ils étaient bel et bien morts.
Il sentit une force en lui, terriblement puissante, qui fit battre son cœur à une vitesse ahurissante. Il crut un instant que cette force était la colère, mais il se rendit vite compte, en voyant les corps décédés des personnes qu’il aimait le plus au monde, qu’il avait juré, intérieurement, de protéger éternellement, il se rendit compte que cette force n’était autre que l’amour qu’il leur portait. Un amour si pur et si profond que sa vie comptait beaucoup moins que les leurs. Il avait tout gâché, il avait tout perdu.
- Marc?
C’était la voix. Un poste-radio était installé dans la cuisine. Lorsqu’il entendit la voix, cette fois, la colère se déchaina en lui comme un orage intérieur qui n’attendait que d’exploser. Son visage devint rouge, ses lèvres se pincèrent, il se mit à respirer fort, fixant, encore à genoux, le corps de sa femme d’un regard enragé.
- Marc?
C’en était trop. Il se leva d’un bon brusque et se rua comme un puissant prédateur sur le poste-radio. Il hurla, maudissant la voix, maudissant le monde et lui-même. Il brailla des injures atroces, terribles, inhumaines, tandis qu’elle tentait de le raisonner, de lui parler. Il finit par frapper sauvagement le poste-radio, d’un poing ferme et solide comme une pierre. Ensuite il l’attrapa et le jeta contre le mur avec une violence bestiale. L'appareil explosa en plusieurs petits morceaux qui se répandirent dans la pièce. Il s’en était débarrassé.
- Marc?
Il l’entendit à l’intérieur de sa tête, puis il entendit un sifflement strident, insupportable, et tout se mit à onduler autour de lui. De nouveau, cette sensation désagréable le rongeait à l’intérieur. Il avait l’impression de s’envoler, de partir ailleurs, dans un monde où il se sentirait mieux. Tout s’arrêta soudain, et tandis qu’il était accroupi, les mains sur les oreilles, les yeux fermés, la voix lui parla une dernière fois :
- Tu t’es peut-être rendu compte du mal que tu as fait, et voilà la conséquence de tes actes. Tu n’as jamais été vraiment là pour eux. Maintenant, tu peux tout changer, tu peux les rejoindre. Tu sais ce qu’il te reste à faire.
Il pleura toutes les larmes de son corps, puis dans un élan de courage, se leva, défia du regard le corps de ses proches puis, d’un pas déterminé, alla vers celui de sa femme et s’empara du couteau de boucher maculé du sang de ses enfants. Il les regarda et des larmes coulèrent de ses yeux. D’une main tremblante, il approcha la lame de sa gorge, puis la posa fermement. Il ferma les yeux, se remit en mémoire les visages vivant de sa famille, puis d’un geste rapide et ferme, il se trancha la gorge.



7

Il était dans les ténèbres. Ses yeux s’ouvrirent dans le noir. Il était perdu, entre deux mondes, dans un trou sombre. Il entendait des voix autour de lui, des voix familières, qu’il connaissait depuis très longtemps, qu’il entendait tous les jours, mais le monde était sombre autour. Il sentait ses yeux légèrement ouverts et distingua une silhouette, comme un fantôme dans la brume, il vit cette silhouette grise et translucide bouger dans une pièce totalement noire. Les voix devinrent de plus en plus claires. Il entendait qu’on lui parlait, d’une voix douce et calme, puis il se mit à entendre d’autres bruits, des bips, des sonnettes, et… une télévision? Progressivement, sa vue s’éclaircit, il se rendit compte alors qu’il n’était pas dans les ténèbres. Non, il était dans une pièce, une pièce blanche, légèrement éclairée. Il était allongé, sur un lit? C’était confortable en tout cas, il était bien. Il sentit une pression sur son cou, et il se rappela son dernier souvenir…
Sa vision s’éclaircit de plus en plus, et il vit où il était. C’était une chambre, il était dans un hôpital, et la voix qu’il entendait était celle d’une charmante infirmière qui l’encourageait à ouvrir les yeux lentement. Il la regarda, elle le regardait, puis il observa autour de lui. Des appareils étaient branchés à son corps, il était allongé dans un lit d’hôpital, dans une pièce partiellement éclairée par de petites lampes discrètes.
- Où… que…
- Chut… lui murmura doucement l’infirmière ; vous devez rester calme, vous sortez d’un très long coma, monsieur.
Un coma?
- Je…
- Votre parole reviendra petit à petit, ne vous en faites pas. Reposez-vous et faites les choses lentement. Je vais appeler votre famille.
Ma famille? se dit-il. Son esprit était désormais très clair, il parvenait à penser parfaitement, mais ses cordes vocales lui semblaient atrophiées, comme tranchées.
Tout ce que j’ai vécu… se dit-il, c’était… un rêve?
Après quelques minutes… ou bien quelques heures, il n’en savait trop rien, l’infirmière reparut, souriante, pleine de vie, accompagnée de sa femme.
- Doucement, il vient juste de se réveiller, lui dit-elle.
Elle était bien vivante. Elle était belle, et son visage respirait la vie. Un sourire se dessina sur son visage, et Marc sentit qu’il souriait également. Elle l’embrassa, heureuse de retrouver l’amour de sa vie. Lui, encore tout secoué par ce rêve qui lui avait paru si réel, regarda le visage de sa femme, et fut pris d’une joie intense. Il crut un instant qu’une puissance divine avait décidé de transformer sa vie, pour qu’il pût tout recommencer.
- Mon amour… lui dit-elle.
- Je… comment…
- Tu as eu un grave accident de voiture. On s’était disputé, il y a quelques mois, à cause des devoirs du petit, et tu étais parti avec ta voiture, sur cette route maudite. Tu as eu un grave accident. Une camionnette t’a percuté.
Une camionnette…
- Mais mon amour, tu es de retour, j’ai cru que j’allais te perdre…
Marc ne put parler, mais il esquissa un sourire heureux. Il était en vie. Il sentit de nouveau son cœur battre, et il savait que ce rêve l’avait changé. Il avait appris des choses grâce à cette mystérieuse voix, et il allait changer. Il voulut la remercier, mais comment aurait-il pu?
Il revit, quelques heures plus tard, ses enfants, vieillis de quelques mois. Il réussit à les prendre dans ses bras et à les embrasser. Ce fut une embrassade d’amour pur, comme le monde en a besoin. Les larmes coulèrent, des larmes d’amour, de joie. Ils rirent, ils pleurèrent, ils jouèrent, tandis que Marc se réveillait doucement, réapprit très vite à bouger les bras, les jambes. Il réussit, quelque jours plus tard, à marcher. Quelques semaines passèrent, puis il sortit de l’hôpital. Il rentra chez lui. Sur la route, sa femme alluma la radio. Le cœur de Marc se chamboula, mais lorsqu’il entendit la dernière chanson de Michael Jackson, il fut rassuré, et se surprit à chanter dans la voiture.
Sa maison était telle qu’il l’avait quittée au début de son rêve, et à l’intérieur, rien n’était déplacé. Il put enfin recommencer à vivre sa vie, mais il changea de mode de vie et de caractère. Il comprit la leçon que la voix lui avait donnée. Il eut bien quelques crises de nerf, de temps en temps, mais la guérison ne pouvait se faire en une journée. Sa famille vit un homme changé, c’était alors une famille comblée, les enfants étaient heureux d’avoir le plus gentil de tous les papas, peut-être même trop gentil. Désormais, c’est la mère qui faisait la loi, qui criait. Marc, lui, s’amusait avec eux, et les rendait heureux. La vie reprit son cours, dans un sens nouveau.
Marc ne retourna plus jamais sur cette route maudite. Il en avait fini avec elle, et elle avec lui. La voix l’avait entraîné là où elle avait voulu, et grâce à elle, il avait changé. Jamais il ne pourrait la remercier, mais après tout, ce n’était qu’une voix… Dans son sommeil, pourtant, il croyait l’entendre, parfois, mais c’était lointain, et il préférait ne pas se souvenir de ses rêves, il voulait vivre comme personne ne vit, profiter de la vie du mieux possible.
Avec sa femme, tout allait pour le mieux, il l’avait séduite à nouveau, ils avaient retrouvé une seconde jeunesse de couple. C’était magique, magnifique, c’était de l’amour à l’état pur. Il avait réussi à donner tout son amour à sa femme et ses enfants, et sa haine, sa colère, avaient totalement disparu. Il se sentait bien et prenait tout du bon côté, à tel point que c’était sa femme qui se mettait en colère, le jugeant beaucoup trop optimiste. Elle lui disait qu’il avait la tête dans les nuages, qu’il vivait comme dans un rêve ; et quand elle disait ça, il lui répondait : « Mais qu’est-ce qui te fait croire que nous ne sommes pas dans un rêve? »
Un soir, ils se décidèrent à sortir. Un dîner entre amoureux, comme lorsqu’ils flirtaient, étant plus jeunes. Il avait réservé une table dans le meilleur restaurant de la région. Ils avaient hâte. Sa femme avait engagé une baby-sitter, une jeune fille très bien qu’elle connaissait, c’était la sœur d’une amie. Elle était à la fac et adorait les enfants. Ils étaient prêts à partir pour leur dîner. On sonna à la porte et sa femme s’écria :
- Voilà Clara! On va pouvoir y aller.
Marc était en train de se chausser lorsqu’il entendit le prénom sortir de la bouche de sa femme. Son cœur se mit à battre plus vite. Il fut prit d’un énorme doute, et crut un léger instant que le sol ondulait.
Clara… ce n’est pas possible, ça ne peut pas être elle…
- Va ouvrir chéri! Je ne suis pas prête.
Il se leva lentement et tituba légèrement. Il inspira, puis expira, puis inspira, puis expira, car son cœur battait beaucoup trop vite. On sonna une deuxième fois, il marcha lentement vers la porte d’entrée.
Un pas.
Deux pas.
Trois pas.
On sonna une troisième fois.
- Va ouvrir chéri!
- J’y vais, murmura-t-il, fixant la porte avec des yeux vigilants.
Il était devant la porte, il inspira une dernière fois puis expulsa tout l’air d’un coup. Il posa la main contre la poignée et tourna lentement. Il ouvrit d’abord légèrement la porte, puis d’un coup, il l’ouvrit complètement.
- Bonsoir, dit Clara.
C’était elle, c’était la même. Sortie de ses rêves, de ses cauchemars, elle était là devant lui, et réveilla des pulsions qu’il avait oubliées. Il ne put y croire, mais lorsqu’il lui rendit son bonsoir et qu’elle lui sourit, il fut troublé. Elle paraissait si réelle.
- Je t’avais dit qu’on se reverr
Marcus Edwin
Marcus Edwin

Date d'inscription : 18/05/2012
Age : 34
Localisation : Dijon

Revenir en haut Aller en bas

Ancienne nouvelle : Le Réveil Empty Re: Ancienne nouvelle : Le Réveil

Message par extialis Mar 12 Juin - 6:48

ouah! très long le post. vais lire peu à peu
extialis
extialis
Admin

Date d'inscription : 31/05/2011
Age : 57
Localisation : nord de la france

http://fantasy666.jimdo.com/

Revenir en haut Aller en bas

Ancienne nouvelle : Le Réveil Empty Re: Ancienne nouvelle : Le Réveil

Message par Marcus Edwin Mer 13 Juin - 11:45

Oui. Prends ton temps, tu savoureras mieux Smile
Marcus Edwin
Marcus Edwin

Date d'inscription : 18/05/2012
Age : 34
Localisation : Dijon

Revenir en haut Aller en bas

Ancienne nouvelle : Le Réveil Empty Re: Ancienne nouvelle : Le Réveil

Message par Oorgan Lun 9 Juil - 19:48

J'ai commencé aussi - comme extialis, je prends mon temps.
J'aime assez le début - avec un peu un côté "Poète Maudit" -, même si je me suis arrêté à HPL et ces quelques survivants (CAS, FBL) pour le fantastique - après, c'est moyen, souvent. (Mais pas toujours, apparemment ! Wink)
Oorgan
Oorgan

Date d'inscription : 23/01/2012
Age : 26

Revenir en haut Aller en bas

Ancienne nouvelle : Le Réveil Empty Re: Ancienne nouvelle : Le Réveil

Message par Contenu sponsorisé


Contenu sponsorisé


Revenir en haut Aller en bas

Revenir en haut

- Sujets similaires

 
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum