Sorcellerie
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Sorcellerie
Allez !! Je me lance !!
Puisqu'il faut bien remettre ses écrits sur ce nouveau forum, j'ajoute ici-même, et la première (si c'est pas la classe ça !! ) mon roman fantaisy, intitulé "Sorcellerie".
Ce roman a gentiment été corrigé par Daniel (que je ne remercierai jamais assez pour ça !!)
Les commentaires, c'est par ici ==> Commentez!!! <==
Genre : Fantasy / Magie
Nombre de pages : 85 pages ordinateur
Nombre de chapitres : 1 prologue, 7 chapitres et 1 épilogue
Nombre de livres : 1er livre fini. J'ai entamé l'écriture du second livre.
Résumé :
Lors d'une soirée étrange, Eva rencontre Bastien alors qu'ils se font attaquer par une magicienne. Dès lors, ils n'auront de cesse d'essayer de fuir pour leur survie. Jusqu'au jour où ils devront faire face à leur destin lié, et affronter un univers étrange, à la fois surnaturel et dangereux...
Ici, les liens menant directement aux textes :
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CORRIGÉ PAR DANIEL ET MOI-MÊME
Éva se réveilla en sursaut, le visage trempé par la sueur. Son cœur battait à un rythme anormalement saccadé, tandis que sa poitrine se soulevait et s'affaissait avec une rapidité incroyable. Le souffle lui manquait ; sa bouche était grande ouverte pour permettre à un flot d’oxygène plus important de pénétrer ses poumons. Elle n’aurait su dire pourquoi cette idée stupide lui avait fait pratiquer un tel exercice respiratoire. Dans un état second, elle porta ses mains à son front brûlant et fiévreux. Leur contact glacé lui fit reprendre momentanément pied dans la réalité.
En regardant le réveil posé sur sa table de chevet, elle réussit à distinguer à travers ses larmes qu’il était près de trois heures du matin. D’ici quelques dizaines de minutes, elle fêterait ses dix-sept ans, et les choses n’avaient pas changé. Elle était toujours la même fille paumée, tiraillée par des fantômes : ceux de son passé.
Elle ferma les yeux et essaya de se concentrer sur la peur qui la rongeait toutes les nuits, suite aux cauchemars qu’elle faisait. Comme toujours, elle la laissa l’envahir, jusqu’à ce qu’elle soit presque palpable – elle avait trouvé cette technique pour affronter ses angoisses et pouvoir ainsi mieux les repousser. Son cauchemar, qui s'emparait de son esprit chaque soir depuis quelques semaines, lui retournait les tripes. Lorsqu’elle se réveillait, c'était chaque fois plus fatiguée que la veille, la tête dans la brume, le cœur en bataille. Depuis que cette fièvre l’habitait, son état s’aggravait de jour en jour et ses cauchemars se faisaient de plus en plus violents. Son cas inquiétait d’ailleurs beaucoup Lucie, sa tante, qui n’avait pourtant pas l’habitude de se laisser surprendre par les soucis.
Éva contempla le plafond, une étrange terreur au fond des yeux. Elle aurait bien crié, si seulement sa voix ne lui avait fait défaut. Cette peur… Toujours la même, toujours aussi prenante, pesante… mais malgré tout si séduisante ! Éva était souvent tentée de se laisser ensevelir par elle et de sombrer peu à peu dans la folie. Mais elle s’était jurée de ne pas succomber, de toujours lutter contre elle. Sa tête était lourde et son corps endolori, un boulet intérieur et extérieur. Son estomac se révulsait de manière indésirable, lui faisant réaliser avec effroi que quelque chose la guettait, une chose qui lui ferait du mal.
Son instinct ne lui avait jamais fait défaut, pourtant, elle aurait aimé oublier, ne jamais savoir. Car c’était bien pire, maintenant qu’elle sentait le danger rôder autour d’elle, guettant le moment propice pour l'abattre. Pourquoi diable fallait-il qu’elle ait ces pressentiments, comme des ressentis qui la prévenaient au moindre danger ? Ces avertissements qui l'empêchaient de vivre comme n'importe quelle fille de son âge, la préservant encore et toujours, comme à l'affût du moindre souci, tel un sixième sens. Mais était-elle réellement comme les autres ? Parfois, elle en
doutait. Lucie appelait ses pressentiments l'intuition féminine, mais Éva pressentait que ce n'était pas que cela.
Incapable de demeurer plus longtemps face à ses peurs les plus primitives, Éva se mit sur ses pieds, chancelante. La tête lui tournait. Elle se fraya un passage dans les ténèbres de son esprit jusqu’à la salle de bain où son dîner fut expulsé. S’il n’avait pas été trop gros, elle était sûre que son cœur entier serait remonté le long de son œsophage pour finir également dans la cuvette des toilettes. Oh comme elle était atroce cette douleur lancinante qui lui déchirait la poitrine ! À chaque remontée, elle sentait son cœur se serrer, comme comprimé par un étau. Son cœur qu'elle sentait prêt à lâcher à tout moment.
Elle toussa violemment – chaque remontée lui broyant la gorge –, incapable d’en régurgiter davantage. Les larmes coulaient à flot sur ses joues sans qu’elle n'y prêtât attention. Et tandis que la peur s'emparait complètement d'elle, elle se blottit dans un angle de la pièce, se ratatinant le plus possible contre le mur. L’esprit brumeux, elle ne distinguait plus l’endroit où elle se trouvait : il restait coincé quelque part, à un carrefour entre sa vie et ses rêves, entre la réalité et le point de non-retour. Peu à peu, la folie évinça complètement toute raison de sa tête. Elle gémit, se balançant d’avant en arrière, le front appuyé contre le carrelage glacial du mur.
Ce n’est qu’au petit matin que Lucie la trouva dans la salle de bain. Éva, trop mal en point, n'avait pas même bougé de la nuit, restant la tête posée près de la cuvette des toilettes, complètement coupée du monde. Lucie s’accroupit devant elle et posa sa main sur la joue brûlante de sa nièce. Éva n’eut aucune réaction, les yeux toujours perdus dans le vide, le regard vitreux. Pour un peu, Lucie se serait mise à pleurer d’impuissance.
Elle passa un bras protecteur autour de la taille de sa nièce et l’aida à se mettre debout. En titubant, Lucie la reconduisit dans sa chambre, la recoucha et la borda délicatement. Elle appliqua une nouvelle fois sa main fraîche sur le visage en feu d'Éva. Du plus profond de son mal-être, la jeune fille ressentit une certaine aise au contact de cette fraîcheur.
Lucie ne savait quel était le mal qui rongeait sa nièce et c'était d’ailleurs cela qui l’inquiétait plus que tout au monde. Car comment guérir d’une maladie si l’on n'en connaît les causes ?
Lucie resta au chevet d’Éva un long moment, sans que son état ne s'arrange. Au bout de quelques heures, les premiers signes d’espoir se firent ressentir et Lucie put s’attaquer à ses propres tâches, le cœur plus léger.
Jessica Lumbroso
Aucune reproduction, même partielle, autres que celles prévues à l'article L 122-5 du code de la propriété intellectuelle, ne peut être faite de ce site sans l'autorisation expresse de l'auteur.
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Genre : Fantasy / Magie
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Nombre de chapitres : 1 prologue, 7 chapitres et 1 épilogue
Nombre de livres : 1er livre fini. J'ai entamé l'écriture du second livre.
Résumé :
Lors d'une soirée étrange, Eva rencontre Bastien alors qu'ils se font attaquer par une magicienne. Dès lors, ils n'auront de cesse d'essayer de fuir pour leur survie. Jusqu'au jour où ils devront faire face à leur destin lié, et affronter un univers étrange, à la fois surnaturel et dangereux...
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Prologue : (Plus bas dans cette même page)
Chapitre 1 : Partie 1 - Chapitre 1 : Partie 2
Chapitre 1 : Partie 3
Chapitre 2 : Partie 1 - Chapitre 2 : Partie 2
Chapitre 2 : Partie 3 - Chapitre 2 : Partie 4
Chapitre 1 : Partie 1 - Chapitre 1 : Partie 2
Chapitre 1 : Partie 3
Chapitre 2 : Partie 1 - Chapitre 2 : Partie 2
Chapitre 2 : Partie 3 - Chapitre 2 : Partie 4
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CORRIGÉ PAR DANIEL ET MOI-MÊME
Prologue
Éva se réveilla en sursaut, le visage trempé par la sueur. Son cœur battait à un rythme anormalement saccadé, tandis que sa poitrine se soulevait et s'affaissait avec une rapidité incroyable. Le souffle lui manquait ; sa bouche était grande ouverte pour permettre à un flot d’oxygène plus important de pénétrer ses poumons. Elle n’aurait su dire pourquoi cette idée stupide lui avait fait pratiquer un tel exercice respiratoire. Dans un état second, elle porta ses mains à son front brûlant et fiévreux. Leur contact glacé lui fit reprendre momentanément pied dans la réalité.
En regardant le réveil posé sur sa table de chevet, elle réussit à distinguer à travers ses larmes qu’il était près de trois heures du matin. D’ici quelques dizaines de minutes, elle fêterait ses dix-sept ans, et les choses n’avaient pas changé. Elle était toujours la même fille paumée, tiraillée par des fantômes : ceux de son passé.
Elle ferma les yeux et essaya de se concentrer sur la peur qui la rongeait toutes les nuits, suite aux cauchemars qu’elle faisait. Comme toujours, elle la laissa l’envahir, jusqu’à ce qu’elle soit presque palpable – elle avait trouvé cette technique pour affronter ses angoisses et pouvoir ainsi mieux les repousser. Son cauchemar, qui s'emparait de son esprit chaque soir depuis quelques semaines, lui retournait les tripes. Lorsqu’elle se réveillait, c'était chaque fois plus fatiguée que la veille, la tête dans la brume, le cœur en bataille. Depuis que cette fièvre l’habitait, son état s’aggravait de jour en jour et ses cauchemars se faisaient de plus en plus violents. Son cas inquiétait d’ailleurs beaucoup Lucie, sa tante, qui n’avait pourtant pas l’habitude de se laisser surprendre par les soucis.
Éva contempla le plafond, une étrange terreur au fond des yeux. Elle aurait bien crié, si seulement sa voix ne lui avait fait défaut. Cette peur… Toujours la même, toujours aussi prenante, pesante… mais malgré tout si séduisante ! Éva était souvent tentée de se laisser ensevelir par elle et de sombrer peu à peu dans la folie. Mais elle s’était jurée de ne pas succomber, de toujours lutter contre elle. Sa tête était lourde et son corps endolori, un boulet intérieur et extérieur. Son estomac se révulsait de manière indésirable, lui faisant réaliser avec effroi que quelque chose la guettait, une chose qui lui ferait du mal.
Son instinct ne lui avait jamais fait défaut, pourtant, elle aurait aimé oublier, ne jamais savoir. Car c’était bien pire, maintenant qu’elle sentait le danger rôder autour d’elle, guettant le moment propice pour l'abattre. Pourquoi diable fallait-il qu’elle ait ces pressentiments, comme des ressentis qui la prévenaient au moindre danger ? Ces avertissements qui l'empêchaient de vivre comme n'importe quelle fille de son âge, la préservant encore et toujours, comme à l'affût du moindre souci, tel un sixième sens. Mais était-elle réellement comme les autres ? Parfois, elle en
doutait. Lucie appelait ses pressentiments l'intuition féminine, mais Éva pressentait que ce n'était pas que cela.
Incapable de demeurer plus longtemps face à ses peurs les plus primitives, Éva se mit sur ses pieds, chancelante. La tête lui tournait. Elle se fraya un passage dans les ténèbres de son esprit jusqu’à la salle de bain où son dîner fut expulsé. S’il n’avait pas été trop gros, elle était sûre que son cœur entier serait remonté le long de son œsophage pour finir également dans la cuvette des toilettes. Oh comme elle était atroce cette douleur lancinante qui lui déchirait la poitrine ! À chaque remontée, elle sentait son cœur se serrer, comme comprimé par un étau. Son cœur qu'elle sentait prêt à lâcher à tout moment.
Elle toussa violemment – chaque remontée lui broyant la gorge –, incapable d’en régurgiter davantage. Les larmes coulaient à flot sur ses joues sans qu’elle n'y prêtât attention. Et tandis que la peur s'emparait complètement d'elle, elle se blottit dans un angle de la pièce, se ratatinant le plus possible contre le mur. L’esprit brumeux, elle ne distinguait plus l’endroit où elle se trouvait : il restait coincé quelque part, à un carrefour entre sa vie et ses rêves, entre la réalité et le point de non-retour. Peu à peu, la folie évinça complètement toute raison de sa tête. Elle gémit, se balançant d’avant en arrière, le front appuyé contre le carrelage glacial du mur.
Ce n’est qu’au petit matin que Lucie la trouva dans la salle de bain. Éva, trop mal en point, n'avait pas même bougé de la nuit, restant la tête posée près de la cuvette des toilettes, complètement coupée du monde. Lucie s’accroupit devant elle et posa sa main sur la joue brûlante de sa nièce. Éva n’eut aucune réaction, les yeux toujours perdus dans le vide, le regard vitreux. Pour un peu, Lucie se serait mise à pleurer d’impuissance.
Elle passa un bras protecteur autour de la taille de sa nièce et l’aida à se mettre debout. En titubant, Lucie la reconduisit dans sa chambre, la recoucha et la borda délicatement. Elle appliqua une nouvelle fois sa main fraîche sur le visage en feu d'Éva. Du plus profond de son mal-être, la jeune fille ressentit une certaine aise au contact de cette fraîcheur.
Lucie ne savait quel était le mal qui rongeait sa nièce et c'était d’ailleurs cela qui l’inquiétait plus que tout au monde. Car comment guérir d’une maladie si l’on n'en connaît les causes ?
Lucie resta au chevet d’Éva un long moment, sans que son état ne s'arrange. Au bout de quelques heures, les premiers signes d’espoir se firent ressentir et Lucie put s’attaquer à ses propres tâches, le cœur plus léger.
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Dernière édition par Jessica le Ven 3 Juin - 10:08, édité 8 fois
Chapitre 1
CORRIGÉ PAR DANIEL ET MOI-MÊME
1
Était-ce un songe ? Le temps filait comme une horloge dont le tic tac incessant aurait ralenti, pour finalement s’arrêter, tenant la vie au bout de sa plus grande aiguille. Il aurait suffi d’une simple oscillation pour que l'existence reprenne son cours… Peut-être aurait-ce d’ailleurs été préférable. Mais tandis que les nuages couraient à vive allure au-dessus de sa tête, les heures étaient comme suspendues par une force mystique, mystérieuse. On attendait le réveil de l’Éminence, l’aboutissement de l’absolu, le souffle de vie qui redonnerait au globe ses couleurs.
Les yeux grands ouverts, Éva fixait avec détermination le plafond de bois. L’air était lourd et présageait un grand danger… Elle n’aurait su dire pourquoi, mais elle sentait que rien n’était normal.
La jeune fille se mit debout, pas vraiment stable sur ses jambes, avec la désagréable sensation que le ciel allait lui tomber sur le crâne. Il faisait aussi sombre que dans la brume de ses cauchemars, et malgré la peur qui lui empoignait l'estomac à leur évocation, elle se força à avancer au cœur de la nuit, poussée par une force invisible. Peut-être était-ce encore cette même énergie… Elle put constater l’absence totale de cette assurance qui l’habitait habituellement, et ce ne pouvait être dû à sa fièvre : cette dernière était retombée.
La porte de la chambre grinça, tandis que ses pas faisaient craquer le parquet sous son poids. Les ténèbres l’attendaient, plus profondes, plus compactes… Un trou noir dans lequel elle devait s’enfoncer. Les marches couinèrent alors qu’elle descendait l’escalier qui l’amena dans la cuisine.
Pourquoi tout était si calme ? Une ombre mystérieuse planait, rendant l’atmosphère électrique. Éva sentit les cheveux de sa nuque se dresser, tous ses sens en alerte.
Elle attendait… Elle ne savait pas vraiment quoi en somme, mais elle attendait… pour que rien finalement ne se produise. Instinctivement, elle contempla la pendule accrochée au-dessus de la porte. Elle s'était arrêtée. Les trois aiguilles ne bougeaient plus d'un millimètre, immobilisées contre le cadran, figées à jamais à l'heure fatidique où... son cauchemar lui revenait en mémoire. Éva sentit l'effroi lui glacer le sang, tandis qu'un frisson lui parcourait l'échine. Ce n'était pas possible ! Pas à cette heure précise ! Pourquoi lui rappeler ce triste souvenir ?
Ces fantômes qui hantaient ses rêves… elle les revoyait distinctement… ils étouffaient… ils avaient peur… ils voulaient hurler ! Mais c’était elle qui criait, et l’écho de sa folie lui revint en pleine face comme un boomerang, lui faisant réaliser la triste vérité : les fantômes resteraient morts à jamais.
Elle ne pouvait demeurer là : ce qui planait sur cette maison n’était pas rassurant et tous ces morts qui la hantaient étaient un appel à la folie. Elle ressentait le besoin de prendre l’air. En quelques pas, elle se retrouva sur le perron. La nuit opaque et fraîche lui remit les idées en place. Il n'y avait personne à l'horizon. Et malgré la sensation d’être une proie guettée, elle se sentait bien.
Guidée par elle ne savait quoi, elle marcha d’un bon pas jusqu’au grand carrefour. Ici, toutes les rues se confondaient pour ne former qu’une grande place que la constante agitation rendait dangereuse. Pourtant, c’était bien la première fois qu’elle découvrait ce carrefour désert.
Éva sentit avec surprise une légère brise jouer dans ses cheveux. Son cœur battit plus vite et une joie intense lui coupa le souffle. Un frisson descendit le long de sa colonne vertébrale et mourut sur ses hanches.
Elle se retourna vivement. À quelques mètres d'elle, quelqu'un la contemplait, droit comme un I. De surprise, Éva recula d'un pas. Mais l'ébahissement qui se lisait également sur le visage de l'inconnu la rassura. Pourtant, elle n'avait pas peur. Son instinct lui hurlait qu'il ne représentait aucun danger pour elle. Elle ressentait même autre chose, un sentiment rassurant qu'elle percevait, comme pour l'apaiser, émanant de l'autre.
En y regardant de plus près, elle réalisa qu'il était à peine plus âgé qu'elle et doté d'un physique plaisant à contempler. Grand, les cheveux châtains, le regard clair, pétillant, il dégageait une bienveillance naturelle.
Lentement, poussés par des forces mystérieuses, ils se rapprochèrent, s'observant sans pouvoir détourner le regard. Aussi étonnés l'un que l'autre par cette étrange familiarité, ce sentiment inexplicable qui envahissait leur être, sensation de déjà vu, déjà su, pourtant énigmatique et impénétrable, ils se dévisageaient encore et encore, stupéfaits. Avec l'impression d'avoir enfin trouvé ce qu'ils cherchaient depuis si longtemps...
Pourquoi Éva ressentait-elle cette étrange émotion au creux du ventre ? Comme un emballement des sens, un désir soudain qu'elle ne connaissait pas et voulait encore moins admettre. Son cœur battait la chamade et ne semblait pas vouloir pas retrouver un rythme régulier. Elle voulait lutter, lutter de toutes ses forces. Mais contre quoi ? Une attirance soudaine ? Un coup du sort forcé ? Ou le danger qu’elle sentait rôder et se rapprocher indéniablement ?
Oui, fuir était une bonne solution. Elle tourna les talons.
— Attendez !
Ses pas l'arrêtèrent bien malgré elle. Ce simple mot la retenait de tout son être, quand bien même son esprit lui hurlait de décamper à toute vitesse.
Pourquoi fallait-il que ses jambes, tout comme son cœur, lui jouent un tel tour ? Ce dernier venait de manquer un battement, prémices d'un affolement qui présageait la naissance de nouveaux sentiments. Éva serra les poings.
— Qu’est-ce que vous me voulez ? demanda-t-elle en lui faisant face.
L’attaquer pourrait sans doute l’aider à oublier, à garder le contrôle de soi face à l’inconnu.
— J’ai l’impression de vous connaître… lui dit le jeune homme en fronçant les sourcils.
— Quoi ? C'est une blague ? lâcha-t-elle, même si elle aurait sans aucun doute aimé que ce soit le cas.
Mais l'air soucieux, sérieux, de l'inconnu la força à reconsidérer la question. Notamment qu'elle en avait elle-même le sentiment. Si l’heure n’avait été grave, elle aurait volontiers ri.
— Non, pas du tout.
— On ne se connaît pas, alors laissez-moi tranquille.
Elle s’apprêtait à faire demi-tour, l'angoisse commençant véritablement à jouer au yo-yo avec ses tripes, quand une voix la coupa dans son élan. Elle s'éleva dans la nuit, écho angoissant, provenant d'un endroit dans son dos. Une voix caverneuse, rauque et asexuée, pourtant bien celle d’une femme. Et d’une femme en colère.
— Tu nous quittes déjà ?
Éva se retourna, les sourcils froncés. Elle scruta les ténèbres de l'autre côté de la rue, attendant que quelqu’un se manifeste.
Elle l’avait pourtant pressenti. Elle aurait pu oublier, faire abstraction et fermer les yeux sur ce qu’elle ressentait depuis si longtemps, fuir pour garder la vie sauve. Au lieu de quoi, elle avait choisi, trop fière pour la fuite, de rester et d’affronter son destin, si noir soit-il.
— Deux jeunes enfants ne devraient pas traîner dans la rue tous seuls, le soir, continua la voix.
Une femme apparut enfin sous un lampadaire : l'allure féline, elle était sûrement aussi redoutable qu’elle en avait l’air. Une trentaine d'années, fine et élancée, elle semblait forte, tant physiquement que moralement. Et elle s’approchait lentement d’eux, à l’affût du moindre de leurs gestes.
— Les rues sont dangereuses, Éva.
— Comment connaissez-vous mon nom ?
— Oh ! Mais tout le monde te connaît là d’où je viens… Mon pauvre Bastien... Je n'ai rien contre toi, il est toujours temps de partir, si tu le souhaites...
On aurait dit qu'elle le caressait du regard. Ses prunelles, si sombres lorsqu'elle contemplait Éva, étaient si légères quand elle
observait, presque amoureusement, Bastien !
— Qui êtes-vous ? coupa-t-il.
— Tss, tss. C'est moi qui fixe les règles ici.
— Mais puisque vous semblez nous connaître, nous sommes en droit de savoir à qui nous avons affaire.
— C'était bien tenté ! Mais non. Je vous l'ai dit, je fixe les règles.
— Un prénom, alors ? s'obstina Bastien.
— Puisque tu insistes... Je ne peux vraiment rien te refuser... Je m'appelle Sywen.
Elle marqua une courte pause avant d'enchaîner :
— Tu devrais partir sur-le-champ, mon chou. Je ne te veux pas de mal. Je ne veux qu'elle !
— Pourquoi ? hurla Éva, qui perdait patience.
Mais la femme ne lui prêta pas attention. Elle dévisageait Bastien, qu'elle sentait sceptique.
— Pose ta question, lui lança-t-elle.
— Qu'allez-vous faire d'elle ?
— Cela ne te regarde en rien, répondit Sywen en souriant, l'imagination débordant de cette torture physique qu'elle voulait lui infliger.
— Sauf si je décide de rester.
— Et pourquoi ferais-tu une chose aussi stupide ?
— Et pourquoi pas ?
Un moyen comme un autre d'éluder la question.
Éva restait immobile en assistant à cet échange entre le jeune homme et la prénommée Sywen. Sywen qui semblait les connaître tous deux, peut-être même davantage que ce qu'elle laissait paraître. Mais, tandis que la féline se concentrait exclusivement sur Bastien, elle ne prêtait plus attention à Éva. Ça laissa le temps à la jeune fille de réfléchir à la situation. Pourtant, pas un seul instant, profiter de l'occasion pour fuir ne lui vint à l'esprit.
— Tu réalises que si tu restes, tu subiras le même sort qu'elle ?
— C'est bien pour cette raison que je voudrais savoir ce que vous comptez faire d'elle.
Sywen reporta enfin son attention sur Éva. Mais la jeune fille n'avait plus peur. Elle attendait avec impatience que réponde la féline, souhaitant savoir le sort qu'on lui réservait.
— Je ne suis pas sûre que cela te réjouisse.
Sywen s'adressait à Éva, une lueur d'amusement dans les yeux que l'on aurait pu prendre pour de la folie. Elle voulait par là lui faire comprendre qu'il était temps de commencer à avoir peur. Mais ce fut Bastien qui enchaîna :
— Pourquoi ça ?
— Parce que c'est la mort qui t'attend.
Elle avait enfin lâché la bombe, s'adressant toujours à Éva. Son sourire s'était élargi sur ses lèvres, tandis que ses yeux couvaient presque son ennemie, et elle profitait amplement de l'impact de ses mots. Dire que cette crainte ne la réjouissait pas serait mentir.
— Pars maintenant, murmura-t-elle à l'adresse de Bastien, ne lâchant toujours pas Éva du regard.
© Jessica Lumbroso
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Dernière édition par Jessica le Ven 10 Juin - 12:03, édité 4 fois
Re: Sorcellerie
CORRIGÉ PAR DANIEL ET MOI-MÊME
(Suite Chapitre 1)
L'idée que Sywen était complètement folle traversa l'esprit de Bastien. Cet attachement malsain qu'elle avait à son égard lui était incompréhensible. Il ne la connaissait pas, et ne supportait pas l'idée d'être ainsi contemplé, sans en comprendre les causes. Et ce sort qu'elle réservait à Éva ? Pourquoi donc s'en prendre à elle ? Et pourquoi vouloir le préserver, lui ?
Sywen ne lui voulait peut-être pas de mal, mais elle ne portait décidément pas Éva dans son cœur, et il ne pouvait décemment pas partir sans demander son reste. S'il le faisait, Éva mourrait et il ne pourrait jamais plus se regarder dans un miroir sans éprouver honte et dégoût. De plus, il n'était pas homme à se défiler face au danger.
Il n'osa s'avouer également qu'il ressentait l'envie de se rapprocher d'Éva. L'heure n'était pourtant pas à cela, mais il ne pouvait s'empêcher de penser qu'ils étaient liés par un quelconque lien invisible, incompréhensible, qu'il souhaitait tout de même comprendre. Découvrir ce qui les unissait...
— Qu'ai-je fait ? demanda soudain Éva. Qu'ai-je fait pour susciter tant de haine en vous ? On ne se connaît même pas !
— Non, rectification : tu ne me connais pas, mais moi je sais tout de toi. Du moins, c'est ce que je croyais, mais je me demande finalement si tu vaux la peine que je me salisse les mains...
— Vous n'avez pas répondu à ma question !
Sywen devait admettre qu'elle n'était peut-être pas celle dont parlaient les prophéties, mais elle n'avait pas froid aux yeux. Lui parler de la sorte ! Elle ne tolérait ce ton que de son Maître.
— Petite insolente, rugit Sywen. Ne te crois pas supérieure à moi pour me parler sur ce ton !
Bastien se tenait à l'affût. Manifestement, Sywen était femme à s'énerver vite, et il avait peur qu'Éva n'aille trop loin en provocation.
— Répondez, s'il vous plaît... murmura Bastien avec calme.
— Il y a des choses qu'il vous faudra apprendre par vous-mêmes, dit alors Sywen, semblant moins énervée.
Un silence s'installa. Bastien et Éva échangèrent un regard, sentant que la discussion n'irait pas plus loin. Sywen ne souhaitait plus parler. Il lui fallait enfin agir, éradiquer de cette terre gêne, gangrène et âme déloyale. Les deux jeunes tombèrent d'accord sur le fait qu'il fallait enfin fuir.
Éva s'apprêtait à faire demi-tour et rentrer chez elle aussi vite que le lui permettaient ses jambes. Et Bastien se sentait prêt à la suivre n'importe où. Mais alors que la jeune fille esquissait l'ombre d'un mouvement, Sywen l'attrapa par le cou et la souleva de terre. Elle avait agi si rapidement qu'Éva resta d'abord pétrifiée de surprise.
L'air commençait à lui faire cruellement défaut. Les doigts de Sywen, écrasant sa trachée, la faisaient suffoquer. Difficilement, elle tenta de happer de l'air, mais rien ne passa le barrage de sa bouche. Elle battait faiblement des pieds tout en essayant de desserrer l'étreinte autour de son cou. Mais plus elle tirait sur les doigts de Sywen, mieux celle-ci la maintenait.
Bastien se précipita en hurlant :
— Qu'est-ce que vous faites ? Lâchez-la !
Il attrapa le bras de Sywen qui retenait Éva prisonnière. Mais il eut beau tirer, rien ne changea. Une telle force était inhumaine ! À bout de ressources, Bastien frappa de toutes ses forces l'avant-bras meurtrier. Un coup d'une telle puissance qu'il aurait cassé les os d'une personne normalement constituée. Mais c'est à peine si Sywen ressentit la douleur. Elle grimaça légèrement, mais ne lâcha pas sa prise. Et pour toute réponse, elle envoya Bastien voler vingt mètres plus loin d’un coup de poing dans l’abdomen. Il percuta des poubelles et retomba lourdement, à plat ventre sur le sol, le souffle coupé par l’impact.
— Désolée Bastien, mais ton tour viendra… lança Sywen en le regardant s’écraser au sol.
Un tel gâchis ! Elle qui n'avait pourtant pas voulu le blesser ! Elle ignorait pourquoi elle s'était prise d'autant d'affection pour lui, et c'est presque écœurée qu'elle ressentit un soupçon de culpabilité la traverser.
Alors que Sywen était toute à ses pensées, Éva en profita pour lui donner un coup de pied qu'elle espérait assez violent pour la faire lâcher prise. Surtout qu'elle utilisait ses dernières ressources. Et elle n'était pas sûre d'avoir assez de forces pour se débattre encore longtemps.
Elle n'eut pas besoin d'y réfléchir bien longtemps, car le coup porté atteignit Sywen en pleins genoux. Cette dernière chancela en la lâchant. Éva s'effondra sur le sol en inspirant une grande bouffée d'air. Un peu sonnée, elle ne réussit pas tout de suite à se relever. Finalement, avec une force dont elle ne se serait jamais crue capable, sûrement décuplée par l'adrénaline, elle se remit sur pied, chancelante. Et sans vraiment prendre le temps de réfléchir, d'analyser la situation, elle s'élança, aussi vite qu'elle le pouvait, en direction de Bastien.
Le jeune homme était toujours au sol. Tant bien que mal, il essayait de s'asseoir, la main plaquée contre ses côtes douloureuses. Éva se laissa tomber à ses côtés pour arrêter sa course. Elle avait tellement craint d'être rattrapée par Sywen que pour un peu, elle aurait dépassé Bastien.
— Ça va ?
Bastien se crispa de douleur. Mais ils n'avaient pas le temps de s'épancher pour le moment sur ses blessures. Ils devaient fuir, et vite. Sywen, confiante, approchait lentement. Et bientôt, elle serait là.
— Tu peux te lever ?
Éva essaya de l’aider à se mettre sur ses jambes, mais il tituba et retomba, la main toujours plaquée sur son ventre. Il grimaça en réprimant un gémissement.
— Ne t'occupe pas de moi. Je saurai me débrouiller tout seul… Attention !
Sywen les avait rejoints plus vite que ne l'avait craint Éva. Elle se releva alors, prête à se débattre.
— Tu joues la maligne ? demanda Sywen.
— Qu’est-ce que vous nous voulez ?
— Je te l’ai déjà dit.
— Mais pourquoi ? Qu’est-ce qu’on vous a fait ?
— Pour l’instant, pas grand-chose. Mais un jour viendra où tu nous détruiras tous... un à un.
— Moi ?
— Tu ne sais donc pas qui tu es ?
— C’est vous qui vous méprenez sur mon compte.
Sywen secoua la tête, un sourire méprisant sur les lèvres.
— Tu ignores tout de ta véritable nature.
Éva sentit un soupçon de moquerie percer dans sa voix.
— Laisse-moi donc t'aiguiller. Tu es une Fairie.
— Une… Fairie ?
— Oui. Une enchanteresse.
Éva faillit s'étrangler tant la situation lui paraissait cocasse. Une magicienne ? Il ne manquait plus que ça. Ce ne pouvait être qu'une blague. Comment quelqu'un de sensé pouvait-il espérer lui faire gober pareille histoire ?
Sywen rit à gorge déployée.
— Qu'y a-t-il de drôle ? s'indigna Éva en fronçant les sourcils.
Elle s'attendait presque à voir surgir quelqu'un criant : « Surprise ! On t'a bien eue, hein ? »
— C'est ta bêtise qui me fait rire. Comment peut-on rester si aveugle face à sa véritable nature ? Moi qui avais peur ! Mais peur de qui ? D'une gamine qui ne connaît rien de ses capacités !
Sywen marqua un temps d'arrêt où un rire amer perça sa gorge. Amertume liée à sa propre bêtise, celle d'avoir cru cette foutue prophétie ! D'aussi loin qu'elle s'en souvienne, cette gamine insupportable lui avait toujours fait peur, alors qu'elle se rendait compte à présent qu'elle n'était
rien d'autre qu'une... banale humaine. Une créature inférieure à elle, qui semait le trouble dans son existence depuis si longtemps.
Mais si les prophéties disaient juste ? Sywen ravala son sourire. Si elle était là, ce soir, c'était précisément pour cette raison. Si le Codex disait vrai, il lui fallait arracher l'épine de son pied, avant que celui-ci ne s'infecte. Le venin ne s'était pas encore répandu, personne n'avait donc été empoisonné par cette immondice. Et elle avait enfin trouvé l'occasion idéale pour accomplir sa mission. Il était donc hors de question qu'elle se dégonfle maintenant.
Il lui fallait tuer l'Éminence, si elle voulait connaître le monde merveilleux que son Maître lui promettait. Son précieux Mage, qui avait tout planifié. Dans les moindres détails. Mais pourquoi préparer de grandes guerres, faire couler tant de sang, quand il était possible d'éradiquer le fléau à sa source ? Pourquoi ne pas s'en prendre à elle avant son réveil, lorsqu'elle était le plus fragile ?
Oui, elle devait le faire. Malgré les ordres de son Maître, malgré son interdiction. Pourtant, elle était persuadée qu'il la remercierait, une fois la chose faite. Il ne croyait pas en elle, elle le savait. Mais elle lui montrerait de quoi elle était capable...
— Ta mort est le plus beau cadeau que je puisse lui offrir, laissa échapper Sywen, comme pour elle-même.
— À qui ? se risqua Éva.
— Mon Maître !
Un éclair traversa les yeux de Sywen. Un éclair d'amour et de respect.
— Assez parlé. Es-tu prête à mourir ?
S'armant d'un courage monstre, Éva cracha sa réponse :
— Venez me chercher.
Prenant impulsion d'un tour sur elle-même, Sywen décrocha un coup de pied au visage d'Éva, sans que la jeune fille ait eu le temps d'esquiver. Un coup si brutal qu'Éva fut entraînée par son élan dans une volte-face qui la laissa pantoise et dos à son assaillante. Une brûlure vive lui transperça la mâchoire.
Se rappelant de lointains souvenirs, Éva lança son bras droit en arrière, espérant frapper à son tour le visage immaculé de Sywen. Elle y avait mis toute la force qu'elle possédait, malheureusement, ce ne fut pas assez pour déstabiliser Sywen, qui intercepta son geste. Elle en profita pour lui tordre plus encore le bras, le remontant dans son dos. Éva ploya sous le coup de la douleur. Elle sentit bientôt les doigts de Sywen se reposer sur son visage, son souffle contre son oreille. Une main lui enserra de nouveau le cou. Elle percevait sa chaleur contre son dos, une chaleur qui la fit frissonner d'horreur.
Sywen se pencha tout contre son oreille, une réplique acerbe sur le bout de la langue. Mais c'était sans compter sur l'imagination d'Éva, qui balança sa jambe en l'air assez fort pour qu'elle atteigne le visage de Sywen. Éva avait toujours été souple, et elle se félicitait encore d'avoir suivi cet entraînement avec acharnement.
Profitant de la surprise et de la douleur de Sywen, Éva se dégagea. Mais l’autre lui fit une balayette, et elle chuta. À toute vitesse, Éva roula sur le dos. Elle préférait voir les coups arriver plutôt que d'être surprise par-derrière.
Sywen l'enjamba, la toisant de son regard hautain.
— Tu ne te défends pas trop mal, mais tu n’es pas aussi forte que moi.
C'était peut-être vrai, mais Éva ne se laisserait pas faire sans mot dire. Aussi, elle emprisonna Sywen entre ses jambes et d’un mouvement sec et rapide, la fit basculer sur le côté. Une fois à terre, elle lui flanqua son pied dans l’estomac. Ensuite, elle fit une roulade arrière et se releva, toujours en position de combat.
Éva laissa le temps à Sywen de se relever, ce qui lui assura un court répit, pendant lequel elle en profita pour souffler un peu. La douleur lui transperçait le visage çà et là, et son bras tordu auparavant ne répondait plus correctement à ses demandes. Mais il lui fallait tenir, et continuer à se battre, même s'il s'agissait d'un combat perdu d'avance. Personne ne lui avait appris à baisser les bras et le mot abandonner ne faisait pas partie de son vocabulaire. Tant qu'elle devrait se battre, elle se battrait.
Sywen s'était relevée et, l'une face à l'autre, elles se tournèrent autour, comme des vautours guettant leurs proies. Sans crier gare, Sywen décrocha un nouveau coup de pied à Éva, coup de pied qu'elle intercepta et bloqua d’une main. Sywen prit alors appui sur sa jambe emprisonnée et, de son autre jambe, elle frappa Éva au visage, une nouvelle fois. Cette dernière, sonnée, fit une vrille et atterrit à plat ventre sur l’asphalte. La violence de l'action lui coupa le souffle, plus encore lorsqu'elle encaissa le choc contre le sol. Son corps commençait à la faire atrocement souffrir. Et ses membres à ne plus répondre. Des larmes de douleur, de haine, envahirent soudain ses yeux. Larmes qu'elle ravala aussi sec, tandis qu'elle crachait sur le goudron un peu du sang qui avait envahi sa bouche. Il était hors de question qu'elle montre à Sywen ses
faiblesses !
Elle sentait que la fin approchait. Jamais elle n'aurait la force de continuer le combat et d'en sortir vainqueur.
Sywen s’accroupit au-dessus d’elle, la saisit par les cheveux pour l’obliger à relever la tête et murmura :
— Regarde-le mourir !
Puis elle s’éloigna, laissant Éva patraque, la gorge serrée et incapable de bouger.
Elle marcha d'un pas tranquille en direction de Bastien qui venait tout juste de réussir à se mettre debout. Il attrapa une planche en bois tombée d’une des poubelles qu’il avait percutées et la serra dans sa main droite, essayant de faire abstraction de la souffrance qui le parcourait. Il devait sûrement avoir une ou deux côtes fêlées, et cette pensée décupla sa haine.
Éva regarda Sywen se rapprocher de Bastien, impuissante et épuisée. De désespoir, elle se demanda pourquoi il avait choisi de rester, plutôt que de partir, de survivre. Soudain, ses yeux se voilèrent et devinrent uniformément gris métallique. Et tout sentiment, toute sensation, la quitta. Comme si elle n'était plus maîtresse de son corps, comme si quelqu'un d'autre la contrôlait. Elle se releva aisément, sans supplice. Une chaleur inconnue, invisible, la transperça, une force mystérieuse qui la requinqua. Elle errait désormais dans un abysse de sérénité, loin de la peur, du mal...
Sans savoir ce qu'elle faisait, comme spectatrice de ses propres actions, elle marcha à pas de loup pour tenter de surprendre la féline par-derrière.
Sywen approcha de Bastien qui lui asséna un violent coup avec la planche – il était doté d'une musculature assez développée pour pouvoir espérer lui faire mal. Elle se protégea de son bras gauche et lorsqu’il tenta de nouveau de frapper, elle attrapa la planche, lui donna un nouveau coup dans le ventre et la lui arracha des mains. La douleur intense qui le transperça lui arracha un cri. Il tituba et chuta. Sywen s'apprêtait à l'empoigner par le col et à le soulever du sol, lorsqu'Éva l'attrapa par-derrière et la propulsa dans les airs, loin de lui. Sans un regard pour Bastien, elle rejoignit Sywen lentement, comme ne voyant plus rien d'autre que la féline. Elle seule comptait.
Sywen se releva douloureusement, épousseta ses vêtements et, le regard noir, cracha :
— Tu m’as passablement énervée, jeune idiote.
© Jessica Lumbroso
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(Suite Chapitre 1)
L'idée que Sywen était complètement folle traversa l'esprit de Bastien. Cet attachement malsain qu'elle avait à son égard lui était incompréhensible. Il ne la connaissait pas, et ne supportait pas l'idée d'être ainsi contemplé, sans en comprendre les causes. Et ce sort qu'elle réservait à Éva ? Pourquoi donc s'en prendre à elle ? Et pourquoi vouloir le préserver, lui ?
Sywen ne lui voulait peut-être pas de mal, mais elle ne portait décidément pas Éva dans son cœur, et il ne pouvait décemment pas partir sans demander son reste. S'il le faisait, Éva mourrait et il ne pourrait jamais plus se regarder dans un miroir sans éprouver honte et dégoût. De plus, il n'était pas homme à se défiler face au danger.
Il n'osa s'avouer également qu'il ressentait l'envie de se rapprocher d'Éva. L'heure n'était pourtant pas à cela, mais il ne pouvait s'empêcher de penser qu'ils étaient liés par un quelconque lien invisible, incompréhensible, qu'il souhaitait tout de même comprendre. Découvrir ce qui les unissait...
— Qu'ai-je fait ? demanda soudain Éva. Qu'ai-je fait pour susciter tant de haine en vous ? On ne se connaît même pas !
— Non, rectification : tu ne me connais pas, mais moi je sais tout de toi. Du moins, c'est ce que je croyais, mais je me demande finalement si tu vaux la peine que je me salisse les mains...
— Vous n'avez pas répondu à ma question !
Sywen devait admettre qu'elle n'était peut-être pas celle dont parlaient les prophéties, mais elle n'avait pas froid aux yeux. Lui parler de la sorte ! Elle ne tolérait ce ton que de son Maître.
— Petite insolente, rugit Sywen. Ne te crois pas supérieure à moi pour me parler sur ce ton !
Bastien se tenait à l'affût. Manifestement, Sywen était femme à s'énerver vite, et il avait peur qu'Éva n'aille trop loin en provocation.
— Répondez, s'il vous plaît... murmura Bastien avec calme.
— Il y a des choses qu'il vous faudra apprendre par vous-mêmes, dit alors Sywen, semblant moins énervée.
Un silence s'installa. Bastien et Éva échangèrent un regard, sentant que la discussion n'irait pas plus loin. Sywen ne souhaitait plus parler. Il lui fallait enfin agir, éradiquer de cette terre gêne, gangrène et âme déloyale. Les deux jeunes tombèrent d'accord sur le fait qu'il fallait enfin fuir.
Éva s'apprêtait à faire demi-tour et rentrer chez elle aussi vite que le lui permettaient ses jambes. Et Bastien se sentait prêt à la suivre n'importe où. Mais alors que la jeune fille esquissait l'ombre d'un mouvement, Sywen l'attrapa par le cou et la souleva de terre. Elle avait agi si rapidement qu'Éva resta d'abord pétrifiée de surprise.
L'air commençait à lui faire cruellement défaut. Les doigts de Sywen, écrasant sa trachée, la faisaient suffoquer. Difficilement, elle tenta de happer de l'air, mais rien ne passa le barrage de sa bouche. Elle battait faiblement des pieds tout en essayant de desserrer l'étreinte autour de son cou. Mais plus elle tirait sur les doigts de Sywen, mieux celle-ci la maintenait.
Bastien se précipita en hurlant :
— Qu'est-ce que vous faites ? Lâchez-la !
Il attrapa le bras de Sywen qui retenait Éva prisonnière. Mais il eut beau tirer, rien ne changea. Une telle force était inhumaine ! À bout de ressources, Bastien frappa de toutes ses forces l'avant-bras meurtrier. Un coup d'une telle puissance qu'il aurait cassé les os d'une personne normalement constituée. Mais c'est à peine si Sywen ressentit la douleur. Elle grimaça légèrement, mais ne lâcha pas sa prise. Et pour toute réponse, elle envoya Bastien voler vingt mètres plus loin d’un coup de poing dans l’abdomen. Il percuta des poubelles et retomba lourdement, à plat ventre sur le sol, le souffle coupé par l’impact.
— Désolée Bastien, mais ton tour viendra… lança Sywen en le regardant s’écraser au sol.
Un tel gâchis ! Elle qui n'avait pourtant pas voulu le blesser ! Elle ignorait pourquoi elle s'était prise d'autant d'affection pour lui, et c'est presque écœurée qu'elle ressentit un soupçon de culpabilité la traverser.
Alors que Sywen était toute à ses pensées, Éva en profita pour lui donner un coup de pied qu'elle espérait assez violent pour la faire lâcher prise. Surtout qu'elle utilisait ses dernières ressources. Et elle n'était pas sûre d'avoir assez de forces pour se débattre encore longtemps.
Elle n'eut pas besoin d'y réfléchir bien longtemps, car le coup porté atteignit Sywen en pleins genoux. Cette dernière chancela en la lâchant. Éva s'effondra sur le sol en inspirant une grande bouffée d'air. Un peu sonnée, elle ne réussit pas tout de suite à se relever. Finalement, avec une force dont elle ne se serait jamais crue capable, sûrement décuplée par l'adrénaline, elle se remit sur pied, chancelante. Et sans vraiment prendre le temps de réfléchir, d'analyser la situation, elle s'élança, aussi vite qu'elle le pouvait, en direction de Bastien.
Le jeune homme était toujours au sol. Tant bien que mal, il essayait de s'asseoir, la main plaquée contre ses côtes douloureuses. Éva se laissa tomber à ses côtés pour arrêter sa course. Elle avait tellement craint d'être rattrapée par Sywen que pour un peu, elle aurait dépassé Bastien.
— Ça va ?
Bastien se crispa de douleur. Mais ils n'avaient pas le temps de s'épancher pour le moment sur ses blessures. Ils devaient fuir, et vite. Sywen, confiante, approchait lentement. Et bientôt, elle serait là.
— Tu peux te lever ?
Éva essaya de l’aider à se mettre sur ses jambes, mais il tituba et retomba, la main toujours plaquée sur son ventre. Il grimaça en réprimant un gémissement.
— Ne t'occupe pas de moi. Je saurai me débrouiller tout seul… Attention !
Sywen les avait rejoints plus vite que ne l'avait craint Éva. Elle se releva alors, prête à se débattre.
— Tu joues la maligne ? demanda Sywen.
— Qu’est-ce que vous nous voulez ?
— Je te l’ai déjà dit.
— Mais pourquoi ? Qu’est-ce qu’on vous a fait ?
— Pour l’instant, pas grand-chose. Mais un jour viendra où tu nous détruiras tous... un à un.
— Moi ?
— Tu ne sais donc pas qui tu es ?
— C’est vous qui vous méprenez sur mon compte.
Sywen secoua la tête, un sourire méprisant sur les lèvres.
— Tu ignores tout de ta véritable nature.
Éva sentit un soupçon de moquerie percer dans sa voix.
— Laisse-moi donc t'aiguiller. Tu es une Fairie.
— Une… Fairie ?
— Oui. Une enchanteresse.
Éva faillit s'étrangler tant la situation lui paraissait cocasse. Une magicienne ? Il ne manquait plus que ça. Ce ne pouvait être qu'une blague. Comment quelqu'un de sensé pouvait-il espérer lui faire gober pareille histoire ?
Sywen rit à gorge déployée.
— Qu'y a-t-il de drôle ? s'indigna Éva en fronçant les sourcils.
Elle s'attendait presque à voir surgir quelqu'un criant : « Surprise ! On t'a bien eue, hein ? »
— C'est ta bêtise qui me fait rire. Comment peut-on rester si aveugle face à sa véritable nature ? Moi qui avais peur ! Mais peur de qui ? D'une gamine qui ne connaît rien de ses capacités !
Sywen marqua un temps d'arrêt où un rire amer perça sa gorge. Amertume liée à sa propre bêtise, celle d'avoir cru cette foutue prophétie ! D'aussi loin qu'elle s'en souvienne, cette gamine insupportable lui avait toujours fait peur, alors qu'elle se rendait compte à présent qu'elle n'était
rien d'autre qu'une... banale humaine. Une créature inférieure à elle, qui semait le trouble dans son existence depuis si longtemps.
Mais si les prophéties disaient juste ? Sywen ravala son sourire. Si elle était là, ce soir, c'était précisément pour cette raison. Si le Codex disait vrai, il lui fallait arracher l'épine de son pied, avant que celui-ci ne s'infecte. Le venin ne s'était pas encore répandu, personne n'avait donc été empoisonné par cette immondice. Et elle avait enfin trouvé l'occasion idéale pour accomplir sa mission. Il était donc hors de question qu'elle se dégonfle maintenant.
Il lui fallait tuer l'Éminence, si elle voulait connaître le monde merveilleux que son Maître lui promettait. Son précieux Mage, qui avait tout planifié. Dans les moindres détails. Mais pourquoi préparer de grandes guerres, faire couler tant de sang, quand il était possible d'éradiquer le fléau à sa source ? Pourquoi ne pas s'en prendre à elle avant son réveil, lorsqu'elle était le plus fragile ?
Oui, elle devait le faire. Malgré les ordres de son Maître, malgré son interdiction. Pourtant, elle était persuadée qu'il la remercierait, une fois la chose faite. Il ne croyait pas en elle, elle le savait. Mais elle lui montrerait de quoi elle était capable...
— Ta mort est le plus beau cadeau que je puisse lui offrir, laissa échapper Sywen, comme pour elle-même.
— À qui ? se risqua Éva.
— Mon Maître !
Un éclair traversa les yeux de Sywen. Un éclair d'amour et de respect.
— Assez parlé. Es-tu prête à mourir ?
S'armant d'un courage monstre, Éva cracha sa réponse :
— Venez me chercher.
Prenant impulsion d'un tour sur elle-même, Sywen décrocha un coup de pied au visage d'Éva, sans que la jeune fille ait eu le temps d'esquiver. Un coup si brutal qu'Éva fut entraînée par son élan dans une volte-face qui la laissa pantoise et dos à son assaillante. Une brûlure vive lui transperça la mâchoire.
Se rappelant de lointains souvenirs, Éva lança son bras droit en arrière, espérant frapper à son tour le visage immaculé de Sywen. Elle y avait mis toute la force qu'elle possédait, malheureusement, ce ne fut pas assez pour déstabiliser Sywen, qui intercepta son geste. Elle en profita pour lui tordre plus encore le bras, le remontant dans son dos. Éva ploya sous le coup de la douleur. Elle sentit bientôt les doigts de Sywen se reposer sur son visage, son souffle contre son oreille. Une main lui enserra de nouveau le cou. Elle percevait sa chaleur contre son dos, une chaleur qui la fit frissonner d'horreur.
Sywen se pencha tout contre son oreille, une réplique acerbe sur le bout de la langue. Mais c'était sans compter sur l'imagination d'Éva, qui balança sa jambe en l'air assez fort pour qu'elle atteigne le visage de Sywen. Éva avait toujours été souple, et elle se félicitait encore d'avoir suivi cet entraînement avec acharnement.
Profitant de la surprise et de la douleur de Sywen, Éva se dégagea. Mais l’autre lui fit une balayette, et elle chuta. À toute vitesse, Éva roula sur le dos. Elle préférait voir les coups arriver plutôt que d'être surprise par-derrière.
Sywen l'enjamba, la toisant de son regard hautain.
— Tu ne te défends pas trop mal, mais tu n’es pas aussi forte que moi.
C'était peut-être vrai, mais Éva ne se laisserait pas faire sans mot dire. Aussi, elle emprisonna Sywen entre ses jambes et d’un mouvement sec et rapide, la fit basculer sur le côté. Une fois à terre, elle lui flanqua son pied dans l’estomac. Ensuite, elle fit une roulade arrière et se releva, toujours en position de combat.
Éva laissa le temps à Sywen de se relever, ce qui lui assura un court répit, pendant lequel elle en profita pour souffler un peu. La douleur lui transperçait le visage çà et là, et son bras tordu auparavant ne répondait plus correctement à ses demandes. Mais il lui fallait tenir, et continuer à se battre, même s'il s'agissait d'un combat perdu d'avance. Personne ne lui avait appris à baisser les bras et le mot abandonner ne faisait pas partie de son vocabulaire. Tant qu'elle devrait se battre, elle se battrait.
Sywen s'était relevée et, l'une face à l'autre, elles se tournèrent autour, comme des vautours guettant leurs proies. Sans crier gare, Sywen décrocha un nouveau coup de pied à Éva, coup de pied qu'elle intercepta et bloqua d’une main. Sywen prit alors appui sur sa jambe emprisonnée et, de son autre jambe, elle frappa Éva au visage, une nouvelle fois. Cette dernière, sonnée, fit une vrille et atterrit à plat ventre sur l’asphalte. La violence de l'action lui coupa le souffle, plus encore lorsqu'elle encaissa le choc contre le sol. Son corps commençait à la faire atrocement souffrir. Et ses membres à ne plus répondre. Des larmes de douleur, de haine, envahirent soudain ses yeux. Larmes qu'elle ravala aussi sec, tandis qu'elle crachait sur le goudron un peu du sang qui avait envahi sa bouche. Il était hors de question qu'elle montre à Sywen ses
faiblesses !
Elle sentait que la fin approchait. Jamais elle n'aurait la force de continuer le combat et d'en sortir vainqueur.
Sywen s’accroupit au-dessus d’elle, la saisit par les cheveux pour l’obliger à relever la tête et murmura :
— Regarde-le mourir !
Puis elle s’éloigna, laissant Éva patraque, la gorge serrée et incapable de bouger.
Elle marcha d'un pas tranquille en direction de Bastien qui venait tout juste de réussir à se mettre debout. Il attrapa une planche en bois tombée d’une des poubelles qu’il avait percutées et la serra dans sa main droite, essayant de faire abstraction de la souffrance qui le parcourait. Il devait sûrement avoir une ou deux côtes fêlées, et cette pensée décupla sa haine.
Éva regarda Sywen se rapprocher de Bastien, impuissante et épuisée. De désespoir, elle se demanda pourquoi il avait choisi de rester, plutôt que de partir, de survivre. Soudain, ses yeux se voilèrent et devinrent uniformément gris métallique. Et tout sentiment, toute sensation, la quitta. Comme si elle n'était plus maîtresse de son corps, comme si quelqu'un d'autre la contrôlait. Elle se releva aisément, sans supplice. Une chaleur inconnue, invisible, la transperça, une force mystérieuse qui la requinqua. Elle errait désormais dans un abysse de sérénité, loin de la peur, du mal...
Sans savoir ce qu'elle faisait, comme spectatrice de ses propres actions, elle marcha à pas de loup pour tenter de surprendre la féline par-derrière.
Sywen approcha de Bastien qui lui asséna un violent coup avec la planche – il était doté d'une musculature assez développée pour pouvoir espérer lui faire mal. Elle se protégea de son bras gauche et lorsqu’il tenta de nouveau de frapper, elle attrapa la planche, lui donna un nouveau coup dans le ventre et la lui arracha des mains. La douleur intense qui le transperça lui arracha un cri. Il tituba et chuta. Sywen s'apprêtait à l'empoigner par le col et à le soulever du sol, lorsqu'Éva l'attrapa par-derrière et la propulsa dans les airs, loin de lui. Sans un regard pour Bastien, elle rejoignit Sywen lentement, comme ne voyant plus rien d'autre que la féline. Elle seule comptait.
Sywen se releva douloureusement, épousseta ses vêtements et, le regard noir, cracha :
— Tu m’as passablement énervée, jeune idiote.
© Jessica Lumbroso
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Re: Sorcellerie
CORRIGÉ PAR DANIEL ET MOI-MÊME
(Suite et fin chapitre 1)
Puis, sans même crier gare, elle se relança à l’attaque. Mais aucun des coups qu’elle porta à Éva n’atteignit sa cible : la jeune fille esquivait toutes ses attaques avec une agilité étonnante. Au moment propice, cette dernière lui décrocha un seul et unique coup de poing, qui l’atteignit en plein visage. Le coup fut porté avec une telle force que Sywen s'écrasa au sol. Éva l’attrapa alors par le cou, comme elle l’avait fait précédemment avec elle, et la souleva de terre d'une seule main, à bout de bras, avec une telle aisance qu'on l'aurait crue plus légère qu’une plume.
Sywen se débattit, luttant pour desserrer l’étreinte autour de son cou. C’est alors que quelques lampadaires explosèrent dans la rue, faisant jouer en écho les détonations.
— Qu’est-ce que tu attends ? réussit à articuler Sywen. Ce n’était pas ce que tu voulais, tous nous détruire ?
Éva ne répondit rien, inconsciente de la réalité. Une étrange lueur brillait dans ses yeux métalliques. Sywen y vit la naissance de cette Justicière qu’elle avait voulu combattre à tout prix. Plus rien ne pourrait désormais l’arrêter. Bientôt, sa puissance atteindrait son paroxysme et son pouvoir serait immense. Tout n’était plus qu’une question de temps. Le processus était enclenché.
Sywen ne pouvait déjà plus respirer, la gorge serrée entre les doigts d’Éva. Elle ressentit une étrange peine lui serrer le cœur lorsqu’elle réalisa que jamais elle ne verrait aboutir le rêve qu’elle caressait secrètement. Si, miraculeusement, elle survivait à cette soirée, il faudrait la force d’un titan pour terrasser la jeune Fairie. Et elle doutait sincèrement qu’il existât quelqu’un capable d’un tel exploit.
Alors que sa vue commençait à baisser, sa tête à tourner, elle entendit, à travers les limbes de sa conscience, comme assourdie, rugir la voix puissante et grave d'un homme. Son Maître...
— Repose-la !
Bien malgré elle, c'est ce qu'Éva fit. Il y avait dans sa voix une aura de puissance, et elle ne put désobéir à cet ordre. La féline s’écrasa au sol dans un bruit mât. Péniblement, et après quelques pitoyables essais, Sywen parvint à se remettre sur pied. Son cerveau ne commandait plus ses membres. La voix lui ordonna alors de partir.
Sans un regard, honteuse et malheureuse, Sywen disparut dans la nuit, comme happée par les ténèbres. Éva n’eut pas besoin de le voir pour comprendre que l’homme en avait fait de même.
Quelques instants encore, Éva resta figée, le regard dans le vague, sans vraiment penser. Enfin, ses yeux roulèrent dans leurs orbites et reprirent leur couleur bleue d’origine. Elle s'effondra.
Le calme retomba sur la rue, les plongeant dans un silence angoissant. Éva resta là, inerte, durant de longues minutes. Finalement, elle rouvrit péniblement les yeux, tel quelqu'un s'éveillant d'un long rêve. Et ce fut un juron, lancé dans son dos, qui lui rappela la présence de Bastien. Ses souvenirs lui revinrent peu à peu. Le danger restait pesant, malgré le départ de Sywen. Alors, Éva se releva aussi vite que le lui permettait sa tête engourdie et rejoignit le garçon.
— Tu peux marcher ?
Il hocha la tête. Éva s’apprêtait à l’aider à se mettre debout, mais il l’arrêta d’un geste de la main.
— Très bien ! lança-t-elle agacée tandis qu’il se relevait comme il le pouvait.
Exaspérée, elle le vit lutter pour reprendre appui sur ses pieds. Finalement, il y parvint, non sans mal.
— Que se passe-t-il ? demanda-t-il soudain.
— On dirait que le monde reprend peu à peu vie.
Après une courte pause, elle ajouta, en désignant ses côtes :
— Ma tante pourra sans doute te soigner.
Sur ce, lentement, et avec le peu de forces qu'il leur restait, ils rebroussèrent chemin. Peu à peu, la fièvre assaillit de nouveau Éva. Le retour fut pour le moins pénible. Tous deux tremblaient, l'un de douleur, l'autre pour cause de fièvre.
— Est-ce que ça va ? demanda Bastien, non sans hésitation.
— Oui… C'est plutôt moi qui devrais poser la question. Ce n’est pas moi qui ai une côte fêlée.
— Peut-être, mais ce n’est pas moi qui sue à grosses gouttes !
— Ce n'est rien. Ça va aller…Nous sommes bientôt arrivés.
C’est à bout de souffle qu'Éva poussa la porte de la cuisine. Là, elle tourna de l’œil et tomba à la renverse, inconsciente.
Bastien eut le réflexe, qui lui sembla stupide, d’essayer de la retenir. Il chancela et faillit chuter aussi.
— Au secours ! supplia-t-il.
— Comment va-t-elle ? demanda Bastien en prenant ses aises sur le canapé.
— Je ne sais pas. Elle est fiévreuse, répondit Lucie. Mais son état a l’air de s’améliorer. Et toi ? Tu te sens mieux ?
— Ça va. J’ai passé une mauvaise nuit, mais je vais mieux maintenant. Je ne sais pas ce que vous m'avez donné, mais ça m'a fait un bien fou.
— Tant mieux. Ton état était préoccupant... Je sais que rentrer chez toi aurait été malvenu, étant donné les blessures que vous aviez, mais maintenant que tu m'assures aller bien, tu devrais peut-être retourner chez toi. Que dirait ta mère si elle réalisait ton absence ?
— Sincèrement, ça m'est égal. Si vous me le permettez, j'aimerais attendre son réveil.
— Il est vrai que vous devez avoir pas mal de choses à vous dire.
Voyant qu'il n'en dirait pas plus, Lucie reprit son interrogatoire.
— Tu n'as pas vu l'homme ?
— Non. Il restait caché, loin de toute lumière. C'est à peine si nous avons distingué sa silhouette.
— Et tu dis que tous les lampadaires ont inexplicablement explosé ?
Bastien acquiesça en silence, remarquant le cheminement que faisaient toutes ces informations dans le cerveau de Lucie. Il ignorait seulement les
conclusions qu'elle en tirait.
Finalement, Lucie se releva et lança :
— Je vais aller voir si elle n’a pas besoin de moi.
Bastien sentit son cœur se soulever et des frissons le parcourir. Il comprit avant même de la voir qu’elle était déjà ici. C’était le même phénomène qu’il avait ressenti la veille, avant sa rencontre avec Éva. Il tourna la tête à temps pour la voir descendre les escaliers.
— Pas la peine. Je suis là.
Bastien la dévisagea, fermé.
— Éva ! s’exclama Lucie. Que fais-tu debout ?
— J’en ai assez de devoir supporter de rester enfermée !
— Tu vas m’écouter et remonter dans ta chambre ! Tu es malade. Il faut que tu te ménages, que tu restes au lit.
— Mais je vais bien ! Je t’assure ! La fièvre est passée. Je me sens en pleine forme…
Lucie lui tâta le front et lui colla un thermomètre dans la bouche. Elle disait vrai. Sa température était de nouveau normale.
C'est alors qu'Éva posa son regard sur Bastien, installé dans le canapé. On aurait cru qu'elle le voyait pour la première fois. Tout d'abord soupçonneuse, puis intriguée, elle n'arrivait pas à détacher ses yeux du jeune homme. Ils se dévisagèrent quelques instants silencieusement, sans être troublés par autre chose que leur respiration et le tic-tac de l'horloge.
Enfin, Lucie rompit le silence.
— Oh ! Euh... Éva, je te présente Bastien, le fils de nos voisins.
© Jessica Lumbroso
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(Suite et fin chapitre 1)
Puis, sans même crier gare, elle se relança à l’attaque. Mais aucun des coups qu’elle porta à Éva n’atteignit sa cible : la jeune fille esquivait toutes ses attaques avec une agilité étonnante. Au moment propice, cette dernière lui décrocha un seul et unique coup de poing, qui l’atteignit en plein visage. Le coup fut porté avec une telle force que Sywen s'écrasa au sol. Éva l’attrapa alors par le cou, comme elle l’avait fait précédemment avec elle, et la souleva de terre d'une seule main, à bout de bras, avec une telle aisance qu'on l'aurait crue plus légère qu’une plume.
Sywen se débattit, luttant pour desserrer l’étreinte autour de son cou. C’est alors que quelques lampadaires explosèrent dans la rue, faisant jouer en écho les détonations.
— Qu’est-ce que tu attends ? réussit à articuler Sywen. Ce n’était pas ce que tu voulais, tous nous détruire ?
Éva ne répondit rien, inconsciente de la réalité. Une étrange lueur brillait dans ses yeux métalliques. Sywen y vit la naissance de cette Justicière qu’elle avait voulu combattre à tout prix. Plus rien ne pourrait désormais l’arrêter. Bientôt, sa puissance atteindrait son paroxysme et son pouvoir serait immense. Tout n’était plus qu’une question de temps. Le processus était enclenché.
Sywen ne pouvait déjà plus respirer, la gorge serrée entre les doigts d’Éva. Elle ressentit une étrange peine lui serrer le cœur lorsqu’elle réalisa que jamais elle ne verrait aboutir le rêve qu’elle caressait secrètement. Si, miraculeusement, elle survivait à cette soirée, il faudrait la force d’un titan pour terrasser la jeune Fairie. Et elle doutait sincèrement qu’il existât quelqu’un capable d’un tel exploit.
Alors que sa vue commençait à baisser, sa tête à tourner, elle entendit, à travers les limbes de sa conscience, comme assourdie, rugir la voix puissante et grave d'un homme. Son Maître...
— Repose-la !
Bien malgré elle, c'est ce qu'Éva fit. Il y avait dans sa voix une aura de puissance, et elle ne put désobéir à cet ordre. La féline s’écrasa au sol dans un bruit mât. Péniblement, et après quelques pitoyables essais, Sywen parvint à se remettre sur pied. Son cerveau ne commandait plus ses membres. La voix lui ordonna alors de partir.
Sans un regard, honteuse et malheureuse, Sywen disparut dans la nuit, comme happée par les ténèbres. Éva n’eut pas besoin de le voir pour comprendre que l’homme en avait fait de même.
Quelques instants encore, Éva resta figée, le regard dans le vague, sans vraiment penser. Enfin, ses yeux roulèrent dans leurs orbites et reprirent leur couleur bleue d’origine. Elle s'effondra.
Le calme retomba sur la rue, les plongeant dans un silence angoissant. Éva resta là, inerte, durant de longues minutes. Finalement, elle rouvrit péniblement les yeux, tel quelqu'un s'éveillant d'un long rêve. Et ce fut un juron, lancé dans son dos, qui lui rappela la présence de Bastien. Ses souvenirs lui revinrent peu à peu. Le danger restait pesant, malgré le départ de Sywen. Alors, Éva se releva aussi vite que le lui permettait sa tête engourdie et rejoignit le garçon.
— Tu peux marcher ?
Il hocha la tête. Éva s’apprêtait à l’aider à se mettre debout, mais il l’arrêta d’un geste de la main.
— Très bien ! lança-t-elle agacée tandis qu’il se relevait comme il le pouvait.
Exaspérée, elle le vit lutter pour reprendre appui sur ses pieds. Finalement, il y parvint, non sans mal.
— Que se passe-t-il ? demanda-t-il soudain.
— On dirait que le monde reprend peu à peu vie.
Après une courte pause, elle ajouta, en désignant ses côtes :
— Ma tante pourra sans doute te soigner.
Sur ce, lentement, et avec le peu de forces qu'il leur restait, ils rebroussèrent chemin. Peu à peu, la fièvre assaillit de nouveau Éva. Le retour fut pour le moins pénible. Tous deux tremblaient, l'un de douleur, l'autre pour cause de fièvre.
— Est-ce que ça va ? demanda Bastien, non sans hésitation.
— Oui… C'est plutôt moi qui devrais poser la question. Ce n’est pas moi qui ai une côte fêlée.
— Peut-être, mais ce n’est pas moi qui sue à grosses gouttes !
— Ce n'est rien. Ça va aller…Nous sommes bientôt arrivés.
C’est à bout de souffle qu'Éva poussa la porte de la cuisine. Là, elle tourna de l’œil et tomba à la renverse, inconsciente.
Bastien eut le réflexe, qui lui sembla stupide, d’essayer de la retenir. Il chancela et faillit chuter aussi.
— Au secours ! supplia-t-il.
**
— Comment va-t-elle ? demanda Bastien en prenant ses aises sur le canapé.
— Je ne sais pas. Elle est fiévreuse, répondit Lucie. Mais son état a l’air de s’améliorer. Et toi ? Tu te sens mieux ?
— Ça va. J’ai passé une mauvaise nuit, mais je vais mieux maintenant. Je ne sais pas ce que vous m'avez donné, mais ça m'a fait un bien fou.
— Tant mieux. Ton état était préoccupant... Je sais que rentrer chez toi aurait été malvenu, étant donné les blessures que vous aviez, mais maintenant que tu m'assures aller bien, tu devrais peut-être retourner chez toi. Que dirait ta mère si elle réalisait ton absence ?
— Sincèrement, ça m'est égal. Si vous me le permettez, j'aimerais attendre son réveil.
— Il est vrai que vous devez avoir pas mal de choses à vous dire.
Voyant qu'il n'en dirait pas plus, Lucie reprit son interrogatoire.
— Tu n'as pas vu l'homme ?
— Non. Il restait caché, loin de toute lumière. C'est à peine si nous avons distingué sa silhouette.
— Et tu dis que tous les lampadaires ont inexplicablement explosé ?
Bastien acquiesça en silence, remarquant le cheminement que faisaient toutes ces informations dans le cerveau de Lucie. Il ignorait seulement les
conclusions qu'elle en tirait.
Finalement, Lucie se releva et lança :
— Je vais aller voir si elle n’a pas besoin de moi.
Bastien sentit son cœur se soulever et des frissons le parcourir. Il comprit avant même de la voir qu’elle était déjà ici. C’était le même phénomène qu’il avait ressenti la veille, avant sa rencontre avec Éva. Il tourna la tête à temps pour la voir descendre les escaliers.
— Pas la peine. Je suis là.
Bastien la dévisagea, fermé.
— Éva ! s’exclama Lucie. Que fais-tu debout ?
— J’en ai assez de devoir supporter de rester enfermée !
— Tu vas m’écouter et remonter dans ta chambre ! Tu es malade. Il faut que tu te ménages, que tu restes au lit.
— Mais je vais bien ! Je t’assure ! La fièvre est passée. Je me sens en pleine forme…
Lucie lui tâta le front et lui colla un thermomètre dans la bouche. Elle disait vrai. Sa température était de nouveau normale.
C'est alors qu'Éva posa son regard sur Bastien, installé dans le canapé. On aurait cru qu'elle le voyait pour la première fois. Tout d'abord soupçonneuse, puis intriguée, elle n'arrivait pas à détacher ses yeux du jeune homme. Ils se dévisagèrent quelques instants silencieusement, sans être troublés par autre chose que leur respiration et le tic-tac de l'horloge.
Enfin, Lucie rompit le silence.
— Oh ! Euh... Éva, je te présente Bastien, le fils de nos voisins.
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