1) En Face
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1) En Face
Dans le Forum défunt " Passion d'écrire" j'avais publié quelques nouvelles que j'aimais bien (normal c'est le syndrome de la paternité). Après hésitation, j'ai décidé de les re-transférer ici-même ; en rafale. Wouala,wouala,wouala !
En face !
C’est une fin de printemps sur les Champs Elysées. Je trouve qu’il fait chaud. Il faut dire que je suis revêtu ! Engoncé dans mon costume gris fer tristement stricte, j’ai l’air d’un clerc de notaire du siècle dernier (le début) qui par inadvertance aurait réellement avalé son parapluie et par habitude, ne l’aurait pas régurgité !
Je croise un vol de demoiselles multicolores en minijupes mais talons hauts, cheveux et visages magnifiés par du saindoux parfumé aux huiles essentielles de fruits tropicaux, rebaptisé, labelisé « Boréal » (parce qu’elles le méritent bien).
Elles sortent d’un atelier, d’un magasin un peu bling-bling qui leur réclame beauté, sveltesse et sourire affamé. En dépit de ma mâle beauté, elles ne me voient même pas, sans doute parce que j’ai laissé trainer au pied de mon lit le jean et le tee-shirt bariolé qui m’aurait signalé à leur attention. Toutes ces idylles que l’on manque pour un bout de chiffon ! Il m’a semblé que deux d’entre elles exhalaient « Dors » de chez Bior ; des petites mains peut-être...
Je me suis acheté un cornet de glace au chocolat, que je lape voluptueusement comme une chatte persane son « Jules » quotidien et bien sûr j’ai bavé ! Oh, juste un peu ; une grosse goutte de crème marron sur la blancheur de ma chemise en soie sauvage. Exclamation familière en cinq lettres ? L’ai-je dit ? Evidemment, trois fois de suite !
Ah, une fontaine ; enfin, une vasque pour baignade de piafs. Un coin de mouchoir humecté, je frotte délicatement et... J’étale, j’étale. Vaste plaque humide et plus pâle. En interjetant le même mot, comme une virgule orale, je renouvelle trois fois l’opération, et basta ; laissons sécher. Aussi bien, rien ne me presse mon rendez-vous n’est que dans une heure. Une autre glace peut-être ; au ciron ou à la vanille ; une bien blanche quoi !
Au bout d’une demi-heure, je dois me rendre à l’évidence, cela se voit ; bien ! Idée. Me voilà dans un magasin de sape chic demandant à voir des cravates mode. Elles sont larges, longues et horribles et je le murmure, hélas trop fort, devant un vendeur qui en exhibe une d’un mauvais goût pour Guiness des records. Bien vite j’en achète une au hasard, paie et me sauve. Je suis peu habitué à ce genre de tortil mais m’en débrouille et constate avec satisfaction que la tâche n’est plus visible. Est-ce mieux, pour autant ? Paris ouverts.
M’y voilà. Bel immeuble proche du Rond-point, cossu, sérieux ; le montant de l’entrée plein de plaques en marbre, en cuivre, en faux onyx, signale les entreprises hautement respectables qui ont les moyens de domicilier leurs bureaux en ce lieu oh combien sélect et cher.
l’Ascenseur, une sorte de capsule spatiale toute en marbre (faux) et miroirs ronds façon péplum romain, me propulse au cinquième étage. Au freinage, je sens que mes amortisseurs personnels m’ont engendré un tassement général de quatre bons centimètres, traumatisant pour mes vertèbres lombaires (ce sont toujours les lombaires qui prennent les mauvais coups !) mais que je récupère en m’ébrouant comme un Griffon Korthals qui a forcé l’arrêt.
Une grande et double porte en verre opaque et chambranle d’acier bruni brossé se dresse derrière laquelle j’espère être attendu (sinon j’enlève de suite le costume gris). Automate bien dressé, mon bras se lève pour heurter l’huis. Inutile, les deux battants s’écartent silencieusement et je pénètre, piétinant une moquette pour roulades câlines, dans une cage en verre où quelques jeunes femmes, toutes jumelles sans doute, en tailleurs bleu de France, courts juste ce qu’il faut, semblent extrêmement affairées. Un haut parleur invisible prononce mon nom d’une voix androgyne en me souhaitant la bienvenue...
Dire que je viens juste pour un entretien d’embauche ! Serai-je devenu déjà VIP sans le savoir ?
Elle est très blonde (ouais), belle, impersonnelle, souriante et parfaitement indifférente à ma personne. Je ne suis pas un homme mais un rendez-vous qu’elle traite avec pertinence et productivité. Elle a devant elle un dossier portant mon nom dont elle se doit de connaitre le contenu à la virgule près (très importantes, parfois, les virgules) et me prie d’un geste royal de parcourir les quatre mètres qui me séparent d’un fauteuil en chrome et verre synthétique près d’une table sans magazines mais avec vase et orchidée. La classe !
Trois changements de position de fesses, deux bâillements et vingts minutes plus tard, « Maryline » me convoque du même geste inversé et me précède devant une porte majestueuse que l’on devine capitonnée. L’entrouvrant, elle déclame mon nom comme Sarah Bernhardt ne l’eut su faire !
Me voici face à l’homme qui a répondu à l’un des milliers de CV que j’ai distribué aux quatre vents. Il est rond, sérieux mais rond ; rond et chauve. Il doit utiliser du vernis mat car son crâne ne brille pas. Ses yeux sont dissimulés (et son nez rogné) par des lunettes sans montures à verres teintés changeants. Chaussures noires, cravate rouge éteint (fut-il de gauche ?) et costume... Tiens, il a le même que moi ! le bon point est pour qui ? !
Il feuillette mon dossier. Il a des mains de prélat : grasses et onctueuses. Il questionne, je répond ; je questionne, il répond.
Il semble que je puisse faire l’affaire à un poste de secrétaire adjoint du sous secrétaire de son staff. Conditions, horaires, rémunération, perspectives d’avenir, tout y passe et nous voilà contents l’un de l’autre. Il me salue comme Napoléon son armée et me confie de nouveau à « Maryline » surgie de nulle part.
Elle est la secrétaire générale, sert de philtre au monsieur et s’inquiète de savoir si je peux commencer mon stage d’essai dès lundi (avec une cravate plus sobre, sourit-elle). J’ai dit banco. Alors elle me décrit mes attributions qui pour l’instant, s’excuse-t-elle, ne feront que peu appel aux connaissances acquises que laissent supposer mes deux licences de lettres et droit. Elle me montre une superbe machine à café genre «Pacifique 231 » de la ligne Paris-Brest d’avant guerre dont je serais le mécanicien attitré. Le café est à volonté sur demande pour tous les membres de la Direction ; l’étage, quoi.
Le matin j’aurai à prendre livraison des croissants qu’un boulanger nous fournit et à les dispatcher dans les bureaux. Le service des boissons, plus généralement m’incombera en totalité ainsi que le ravitaillement de chacun en menues fournitures de bureau.
Ah, très important, la madame de Monsieur lui demande souvent de faire un tas d’emplettes pour elle, mais comme il n’a absolument jamais le temps de la satisfaire (encore une mal b... eh eh eh pas de fiction imaginative, please) Je serai souvent amené à le remplacer (qu’est-ce à dire ?) voir à livrer à domicile. Avec voiture et chauffeur de la Société, of course !
La-dessus nous nous sommes quittés les meilleurs amis du monde et me revoilà sur les Champs, sans cravate ; une glace, peut-être !
Maintenant que je me sais enfin entré dans la vie active, j’ai passé un délicieux week-end avec ma copine Birgitt à qui j’ai payé le restaurant.
Le lundi matin, j’étais très affairé quand mon portable a sonné. C’était « Maryline » anxieuse, s’étonnant de ne m’avoir point vu à l’ouverture des bureaux. Je lui ai répondu de ne pas s’inquiéter, bien que j’y sois sensible, que je m’étais juste trompé de trottoir.
Trompé de trottoir ?
Oui, j’ai fait une petite confusion. Vous voyez, juste en face de vos bureaux, le grand café.
Oui, mais...
Il appartient à mon oncle qui m’a proposé de l’aider. Alors, la famille, vous comprenez. D’autant que le travail est le même : je sers des café, des croissants, diverses boissons toute la journée et même, en plus, des cacahuètes, des olives, des œufs durs, des sandwichs jambon-beurre-mayonnaise. Je fournis à tous, des cuillers, du sucre, des cendriers, des serviettes papier et au creux de la journée je fais quelques courses pour ma tante ! Kif-kif, vous dis-je. La paie est la même, mais en plus, je reçois nombre de pourboires qui n’existent pas chez vous et qui doublent mon salaire !
A l’occasion faites le savoir autour de vous et envoyez moi quelques clients. Pour vous, ce sera cadeau !
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En face !
C’est une fin de printemps sur les Champs Elysées. Je trouve qu’il fait chaud. Il faut dire que je suis revêtu ! Engoncé dans mon costume gris fer tristement stricte, j’ai l’air d’un clerc de notaire du siècle dernier (le début) qui par inadvertance aurait réellement avalé son parapluie et par habitude, ne l’aurait pas régurgité !
Je croise un vol de demoiselles multicolores en minijupes mais talons hauts, cheveux et visages magnifiés par du saindoux parfumé aux huiles essentielles de fruits tropicaux, rebaptisé, labelisé « Boréal » (parce qu’elles le méritent bien).
Elles sortent d’un atelier, d’un magasin un peu bling-bling qui leur réclame beauté, sveltesse et sourire affamé. En dépit de ma mâle beauté, elles ne me voient même pas, sans doute parce que j’ai laissé trainer au pied de mon lit le jean et le tee-shirt bariolé qui m’aurait signalé à leur attention. Toutes ces idylles que l’on manque pour un bout de chiffon ! Il m’a semblé que deux d’entre elles exhalaient « Dors » de chez Bior ; des petites mains peut-être...
Je me suis acheté un cornet de glace au chocolat, que je lape voluptueusement comme une chatte persane son « Jules » quotidien et bien sûr j’ai bavé ! Oh, juste un peu ; une grosse goutte de crème marron sur la blancheur de ma chemise en soie sauvage. Exclamation familière en cinq lettres ? L’ai-je dit ? Evidemment, trois fois de suite !
Ah, une fontaine ; enfin, une vasque pour baignade de piafs. Un coin de mouchoir humecté, je frotte délicatement et... J’étale, j’étale. Vaste plaque humide et plus pâle. En interjetant le même mot, comme une virgule orale, je renouvelle trois fois l’opération, et basta ; laissons sécher. Aussi bien, rien ne me presse mon rendez-vous n’est que dans une heure. Une autre glace peut-être ; au ciron ou à la vanille ; une bien blanche quoi !
Au bout d’une demi-heure, je dois me rendre à l’évidence, cela se voit ; bien ! Idée. Me voilà dans un magasin de sape chic demandant à voir des cravates mode. Elles sont larges, longues et horribles et je le murmure, hélas trop fort, devant un vendeur qui en exhibe une d’un mauvais goût pour Guiness des records. Bien vite j’en achète une au hasard, paie et me sauve. Je suis peu habitué à ce genre de tortil mais m’en débrouille et constate avec satisfaction que la tâche n’est plus visible. Est-ce mieux, pour autant ? Paris ouverts.
M’y voilà. Bel immeuble proche du Rond-point, cossu, sérieux ; le montant de l’entrée plein de plaques en marbre, en cuivre, en faux onyx, signale les entreprises hautement respectables qui ont les moyens de domicilier leurs bureaux en ce lieu oh combien sélect et cher.
l’Ascenseur, une sorte de capsule spatiale toute en marbre (faux) et miroirs ronds façon péplum romain, me propulse au cinquième étage. Au freinage, je sens que mes amortisseurs personnels m’ont engendré un tassement général de quatre bons centimètres, traumatisant pour mes vertèbres lombaires (ce sont toujours les lombaires qui prennent les mauvais coups !) mais que je récupère en m’ébrouant comme un Griffon Korthals qui a forcé l’arrêt.
Une grande et double porte en verre opaque et chambranle d’acier bruni brossé se dresse derrière laquelle j’espère être attendu (sinon j’enlève de suite le costume gris). Automate bien dressé, mon bras se lève pour heurter l’huis. Inutile, les deux battants s’écartent silencieusement et je pénètre, piétinant une moquette pour roulades câlines, dans une cage en verre où quelques jeunes femmes, toutes jumelles sans doute, en tailleurs bleu de France, courts juste ce qu’il faut, semblent extrêmement affairées. Un haut parleur invisible prononce mon nom d’une voix androgyne en me souhaitant la bienvenue...
Dire que je viens juste pour un entretien d’embauche ! Serai-je devenu déjà VIP sans le savoir ?
Elle est très blonde (ouais), belle, impersonnelle, souriante et parfaitement indifférente à ma personne. Je ne suis pas un homme mais un rendez-vous qu’elle traite avec pertinence et productivité. Elle a devant elle un dossier portant mon nom dont elle se doit de connaitre le contenu à la virgule près (très importantes, parfois, les virgules) et me prie d’un geste royal de parcourir les quatre mètres qui me séparent d’un fauteuil en chrome et verre synthétique près d’une table sans magazines mais avec vase et orchidée. La classe !
Trois changements de position de fesses, deux bâillements et vingts minutes plus tard, « Maryline » me convoque du même geste inversé et me précède devant une porte majestueuse que l’on devine capitonnée. L’entrouvrant, elle déclame mon nom comme Sarah Bernhardt ne l’eut su faire !
Me voici face à l’homme qui a répondu à l’un des milliers de CV que j’ai distribué aux quatre vents. Il est rond, sérieux mais rond ; rond et chauve. Il doit utiliser du vernis mat car son crâne ne brille pas. Ses yeux sont dissimulés (et son nez rogné) par des lunettes sans montures à verres teintés changeants. Chaussures noires, cravate rouge éteint (fut-il de gauche ?) et costume... Tiens, il a le même que moi ! le bon point est pour qui ? !
Il feuillette mon dossier. Il a des mains de prélat : grasses et onctueuses. Il questionne, je répond ; je questionne, il répond.
Il semble que je puisse faire l’affaire à un poste de secrétaire adjoint du sous secrétaire de son staff. Conditions, horaires, rémunération, perspectives d’avenir, tout y passe et nous voilà contents l’un de l’autre. Il me salue comme Napoléon son armée et me confie de nouveau à « Maryline » surgie de nulle part.
Elle est la secrétaire générale, sert de philtre au monsieur et s’inquiète de savoir si je peux commencer mon stage d’essai dès lundi (avec une cravate plus sobre, sourit-elle). J’ai dit banco. Alors elle me décrit mes attributions qui pour l’instant, s’excuse-t-elle, ne feront que peu appel aux connaissances acquises que laissent supposer mes deux licences de lettres et droit. Elle me montre une superbe machine à café genre «Pacifique 231 » de la ligne Paris-Brest d’avant guerre dont je serais le mécanicien attitré. Le café est à volonté sur demande pour tous les membres de la Direction ; l’étage, quoi.
Le matin j’aurai à prendre livraison des croissants qu’un boulanger nous fournit et à les dispatcher dans les bureaux. Le service des boissons, plus généralement m’incombera en totalité ainsi que le ravitaillement de chacun en menues fournitures de bureau.
Ah, très important, la madame de Monsieur lui demande souvent de faire un tas d’emplettes pour elle, mais comme il n’a absolument jamais le temps de la satisfaire (encore une mal b... eh eh eh pas de fiction imaginative, please) Je serai souvent amené à le remplacer (qu’est-ce à dire ?) voir à livrer à domicile. Avec voiture et chauffeur de la Société, of course !
La-dessus nous nous sommes quittés les meilleurs amis du monde et me revoilà sur les Champs, sans cravate ; une glace, peut-être !
Maintenant que je me sais enfin entré dans la vie active, j’ai passé un délicieux week-end avec ma copine Birgitt à qui j’ai payé le restaurant.
Le lundi matin, j’étais très affairé quand mon portable a sonné. C’était « Maryline » anxieuse, s’étonnant de ne m’avoir point vu à l’ouverture des bureaux. Je lui ai répondu de ne pas s’inquiéter, bien que j’y sois sensible, que je m’étais juste trompé de trottoir.
Trompé de trottoir ?
Oui, j’ai fait une petite confusion. Vous voyez, juste en face de vos bureaux, le grand café.
Oui, mais...
Il appartient à mon oncle qui m’a proposé de l’aider. Alors, la famille, vous comprenez. D’autant que le travail est le même : je sers des café, des croissants, diverses boissons toute la journée et même, en plus, des cacahuètes, des olives, des œufs durs, des sandwichs jambon-beurre-mayonnaise. Je fournis à tous, des cuillers, du sucre, des cendriers, des serviettes papier et au creux de la journée je fais quelques courses pour ma tante ! Kif-kif, vous dis-je. La paie est la même, mais en plus, je reçois nombre de pourboires qui n’existent pas chez vous et qui doublent mon salaire !
A l’occasion faites le savoir autour de vous et envoyez moi quelques clients. Pour vous, ce sera cadeau !
Re: 1) En Face
ah oui, l'avait trouvé super sympa ce début, me souviens. allez hop! à la suite j'y cours j'y vole
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