Jeanne (petite nouvelle du futur)

Jeanne

[justify]Partout dans les rues, les gens tombaient sans savoir se relever tandis que d’autres, pris d’une folie soudaine, frappaient le passant, défonçaient une vitrine en hurlant de rage ou de douleur.

– Le mal s’étend en majorité chez les personnes âgées et la population active, expliqua Joe Eradt, médecin enquêteur.
Il faisait face à ses trois collaborateurs. Une équipe composée d’un informaticien, d’un laborantin et d’un inspecteur de police.
– Les hôpitaux se sont remplis de malades aux reins bloqués ou atteints de nécrolyses épidermiques toxiques. On ne compte plus les réactions anaphylactiques. Ceux dont le système nerveux central est endommagé sont récupérés par les ambulances et l’armée.
– C’est un attentat à l’arme chimique ? s’enquit l’agent.
Joe hocha la tête.
– Une intoxication au mercure d’après les premiers résultats sanguins.
– Vous voulez dire que près de cinq millions de personnes vivant dans des régions différentes sont intoxiquées par ce poison ? Comment est-ce possible ? L’eau ?
– Un adjuvant de vaccin antigrippal. Ils ont tous reçu le même lot d’après les premiers résultats. C’est un malade mental qui a fait ça, pas possible autrement.
– On trouvera rapidement le coupable, affirma Pierre.
– Je l’espère. Le rapatriement des seringues douteuses se poursuit. Nous lançons une grande campagne d’analyses et interrompons les vaccinations.
– Les gens vont refuser de se faire piquer après ça, marmonna Jean, jeune laborantin qui suivait Joe dans ses enquêtes depuis trois ans.
– Déjà, quand la population apprendra que les deux virus ont été mélangés dans la même solution…
– Quel est le danger ? demanda Pierre.
– si un influenza A aviaire et un influenza A humain infectent simultanément un hôte, ils se réassortiront pour donner naissance à un virus humain possédant une Hémagglutinine d'origine aviaire, expliqua Joe. Le phénomène est appelé cassure ou shift antigénique. Et comme il ne sera pas reconnu par le système immunitaire de l'homme, il provoquera une pandémie. Les virus aviaires sont mal adaptés à notre espèce dans la plupart des cas, mais les laboratoires ne prennent pas assez de précautions. L’argent, toujours le profit… Une malencontreuse erreur et … 1918 nous pend au nez les gars.
– Ouais, bon, nous n’en sommes pas encore là. Il vient d’où ce vaccin véreux ?
– L’usine ASTAXIS à Boissore, répondit Xavier qui avait remonté la filière la veille.
Joe se leva.
– Un avion nous attend.

Les quatre hommes ne pourraient compter sur les forces de police réquisitionnées pour remettre de l’ordre dans les villes. L’État dut même faire appel aux hôpitaux des nations limitrophes. Durant plusieurs jours, le pays ressembla à une fourmilière sur laquelle un enfant aurait sauté à pieds joints.

Joe et ses collègues trouvèrent la production de l’usine à l’arrêt et les employés réunis au restaurant de l’entreprise. Xavier et Jean investirent l’usine. L’informaticien et le laborantin épluchèrent les archives des pupitres de commande.
– Ils utilisent encore le Thiomersal ici ? s’étonna Jean. C’est interdit depuis 2015 pourtant.
– ASTAXIS va tomber, lâcha Xavier d’une voix lugubre. On cherche un surdosage ?
– Ouais. Au-dessus de dix microgramme d’adjuvant par seringue, ça craint.
– J’ai constaté.
Ils fouillèrent les mémoires informatiques durant une bonne partie de la journée.

– Le lot vg2790 a été lancé à la production en janvier 2023.
– Ouh là ! Déjà deux ans ! Ça date ! Dosé à combien ?
–1100 microgramme.
–Waouh ! L’était atteint de parkinson l’opérateur ! Qui a validé ?
– L’employé numéro 112… attend, je cherche le nom.
Xavier virevolta sur sa chaise à roulettes. Il changea de bureau et d’ordinateur, se connecta sur le réseau administratif, entra le matricule…
– Jeanne Cosin.
– OK, je te laisse copier les données, je file au réfectoire.

Joe regarda la jeune femme pâlir en entendant l’erreur monumentale qui lui était reprochée. Le 23 février 2023… elle se souvenait parfaitement de cette journée. Elle fondit en larmes.
Joe soupira. Cette belle blonde ne correspondait pas l’image du criminel qu’il s’était forgée tout au long de son enquête.
– Pourquoi ce surdosage ? demanda Pierre. Vous avez agi sur ordre ?
– C’est une lamentable erreur, murmura Jeanne en s’essuyant les yeux. Le 23 janvier 2023, j’allais me marier. Je n’avais pas la tête au travail. Oh ! Mon Dieu ! J’ai tué tant de gens !
– Personne ne vérifie les données que vous entrez dans l’ordinateur ?
– Ma responsable était souffrante ce jour-là. On m’a fait confiance, je travaille ici depuis quatre ans maintenant.

Pierre dépêcha une équipe d’enquêteurs pour le seconder. Défaut d’organisation, non-respect du cahier des charges, sécurité laissant à désirer… mais comment cette usine avait-elle pu échapper aux contrôles de l’AFSSAPS ? La crainte d’une pénurie de vaccins pour la pandémie attendue à l’automne leur avait-elle fait baisser la garde ? Les quatre amis en tirèrent ces conclusions lors d’une soirée de discussion à bâtons rompus. Les professionnels de santé s’affolaient depuis juin dans toutes les régions. Pas assez de lots. Cette grippe qui tuait déjà par milliers dans l’hémisphère sud depuis le mois de mai, arriverait bientôt au nord, toute aussi virulente. L’affaire avait pris un tour politique dès août 2024. L’enquête durerait des années.

En ce début du mois de juin 2025, le directeur et six responsables d’ateliers attendirent leur procès en prison. Jeanne, à la fois accusée de négligence ayant entraîné la mort et témoin clé du laxisme patent de ses supérieurs, se retrouvait sous protection policière dans une petite résidence en bord de mer.

Ce matin-là, Jeanne décida d’aller nager. Elle ne risquait rien d’après son garde du corps. Son visage n’avait jamais été montré au journal national et elle ne partageait la plage privée qu’avec une maison de retraite.
En posant sa serviette sur le sable, elle capta vaguement le cercle que six vieilles gens formaient dans l’eau à 300 mètres de là. Elle s’enfonça dans l’eau.
Jeanne s’allongea sur sa planche et pagaya vers le large avec ses mains. Le corps détendu, l’esprit se vida de ses tourments. L’air marin ; pile ce qu’il lui fallait. Il l’aiderait à réfléchir, à trouver une solution pour sortir du pétrin parce qu’après tout… l’erreur est humaine, non ? Elle n’avait pas tué deux millions de personnes exprès, on ne pouvait la comparer à Hitler tout de même ! Pas de quoi se suicider ! Tout allait rentrer dans l’ordre et elle retrouverait sa vie d’avant…
la planche se retourna. Elle se laissa couler en songeant qu’elle avait débarrassé la planète d’un bon nombre de vieux vivant aux crochets de la société. Bien fait. Bon, il était temps de remonter pour respirer, récupérer le surf qui dérivait. Quelque chose enserra sa cheville, une algue ? Elle secoua la jambe en vain. Elle se plia alors en deux pour s’aider des mains et resta interdite. Un humain s’accrochait à elle ! Les retraités de tout à l’heure ! L’un d’eux avait endossé une bouteille d’oxygène. Elle se débattit et l’homme lâcha, une femme d’environ soixante-dix ans le remplaça. L’embout passa de bouche en bouche. Coup de pied dans la face ridée aux globes oculaires injectés de sang, un autre attrapa sa jambe libre. Elle pouvait posséder la force de la jeunesse, la rage de vivre. Cependant, cette verve n’empêcha pas les mains décharnées de tenir bon sur les chevilles graciles de Jeanne qui se noya.[/justify]

Mais dis donc. C'est pas gentil de s'en prendre aux petits vieux comme ça!
Comme dit Marie, ta nouvelle fait froid dans le dos. Heureusement, je ne me fais pas vacciner contre la grippe. Même pas peur moi!
Malheureusement, je pense qu'elle demande vraiment à être retravaillée et développée. Tout s'enchaine très rapidement et trop facilement, je trouve.

Moi, je n'aurais donné aucune justification pour donner encore plus d'impact à cette fin terrible

ah oui, tiens, je vais voir si je peux modifier ça. je voulais exprimer ce que ressentent ceux qui savent nager (ce n'est pas mon cas, mais j'en rêve). ils se laissent couler tranquillement en regardant autour d'eux, comme s'ils n'avaient pas peur de se noyer (j'ai déjà vu ça dans des films) et puis quand ils sentent qu'ils ont besoin de remonter, ils nagent. ça doit être une sensation géniale, je me suis toujours demandé à quoi ils pensaient dans ces moments là.

Malheureusement, je pense qu'elle demande vraiment à être retravaillée et développée. Tout s'enchaine très rapidement et trop facilement, je trouve.

ah bon? hmm... je vais voir comment je peux faire alors. peut-être qu'elle en vaut le coup, finalement.

J'adore j'ai bien aimé les quelques petites expressions et la tournure de tes phrases!!! 8=)

merci margaux

J'ai adoré le coté un peu cruel et je m'en foutiste de Jeanne et la dénonciation faite dans ton texte. Mais le coup des vieux qui se venge c'est absolument génial. Pour le coup quand elle se noie j'ai pensé "bien fait".

Pour le coup quand elle se noie j'ai pensé "bien fait".

moi aussi oh, c'est pas bien. elle aurait du finir en taule, non? (en même temps, c'est sans doute pire comme sentence, vu comment on traite nos prisonniers en france)

Non j'aime bien le coté ne pensons pas que les vieux sont tous décatis. Et puis autant elle aurait était relacher pour avoir témoigné ou on en aurait fait une victime de la société (blablabla) ou elle aurait plaidé la folie ou je ne sais qu'elle autre c**nerie qui foute la justice en l'air. Je le dis et je le répété "Bien fait"

t'as raison, place aux vieux de temps en temps suis d'accord avec toi,

Il y'a un truc que j'ai pas trop compris, tu parles d'empoissonnement au Mercure et après de problèmes de vaccins.

Autrement, ça va, ça change mais j'ai eu du mal à me plonger dedans. La chute est bien, mais, arrivé au dernier paragraphe, je me suis dit " Ah ! La garce elle l'a fait expré, elle a joué la comédie !!" Ça aurait pu être bien aussi comme fin.

le mercure fait partie de la plupart des vaccins. il suffit qu'il soit mal dosé...mais je constate que cette nouvelle mérite un peu plus de considération. je vais la retravailler, donc.

Ah, tu m'apprends quelque chose là ! Moi j'étais resté au vaccin fait à partir de bactérie qu'on laisse s’affaiblir et moisir sur le côté d'une fenêtre pendant qu'on part en vacance, à la façon de notre bon Monsieur Pasteur.

le mercure sert de conservateur dans les vaccins. s'il n'était fait que de bactérie, il faudrait le fabriquer et l'utiliser tout de suite il existe des conservateurs plus naturels, mais plus "fragiles" ou plus cher à fabriquer. dans certains pays (comme le quebec je crois) l'utilisation du mercure est interdit. il l'est aussi pour les vaccins des bébés il me semble. mais en france, on dit le pourcentage trop faible pour être dangereux.

A ok !

on dit le pourcentage trop faible pour être dangereux.

D'où la rédaction de ta nouvelle ;p

tout à fait

Juste une petite question. Il est précisé que Jeanne a été placée sous protection et que son identité ou son image n'ont été communiquées à personne ni à la presse. Comment dans ce cas les " vieux" l'ont-ils identifiée ?

bonne question je suis partie du principe que les vieux sont curieux. auraient-ils mené leur propre enquête? les secrets ne sont jamais bien gardés
merci d'être passé par là