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L'arbre, le vent & les Hommes (I)

4 participants

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L'arbre, le vent & les Hommes (I) Empty L'arbre, le vent & les Hommes (I)

Message par Elmoon Jeu 9 Juin - 19:02

Pour les modo: je n'arrive pas à bien mettre en page le texte... Si vous pouviez m'aider, merci!

Bonjour tout le monde!

Je poste à mon tour mon travail et me prépare aux critiques et corrections!

Merci à tous ceux qui voudront lire. Et les commentaires vont ==>ICI<==

***

Genre : roman
Nombre de pages : 77
Nombre de chapitres : 9
Nombre de livres : 4

Résumé: Dans l'Angleterre du XIXème (1816 au commencement) Hazel n'est qu'une enfant et pourtant il semblerait qu'elle ait déjà perdu toute son innocence. Comment peut-elle aimer le monde sans le comprendre? Comment peut-elle y survivre sous le jugement de ces autres qu'elle s'évertue à fuir? Apprendre à faire confiance, apprendre à s'ouvrir, apprendre à aimer et apprendre à être blessée... Le parcours anodin de la vie de chacun mais qui pourtant, lui semble être le plus grand des chemins de croix.

***




Chap 1


Le lit du Windrush[1] avait augmenté de plus de quinze mètres suite à l’abondance des pluies de ces derniers jours. Penchée au-dessus de la rivière, Mrs Witfield laissait placidement voguer son esprit entre les remous d’une crue d’automne. « Ma chère Georgia, ma chère amie », chantait Mr Witfield dans la tête de sa veuve. « Ma chère, chère amie, promettez, promettez-moi… ». Le son roque de cette voix désormais chimérique suivait la cadence donnée par les eaux. Mrs Witfield pouvait presque même apercevoir le visage de son défunt, parmi les vaguelettes agitées que le courant vomissait.

Plusieurs gouttes de sueur tombèrent de son grand front pâle, embarquées fermement désormais dans la danse des flots boueux. Las, la femme se retourna soudainement sur le dos et abandonna alors la contemplation de cette nature en tourment. Alors, bien heureuse de sentir la douce humidité du sol contre ses reins douloureux, elle ne put étouffer un soupir éreinté lorsqu’une légère brise s’engouffra sous sa
robe, aérant ses cuisses collantes. Elle avait chaud, bien trop chaud. Et son pauvre corps ne l’aidait pas à retrouver la sérénité, les douleurs qui en émanaient la sommant de revenir sur terre une bonne fois pour toute. Mais son esprit encore traînant n’avait toujours pas cédé.

Elle était sortie pour prendre l’air des années auparavant sans doute. Non quelques heures à peine… Elle ne savait plus. Ses pas incertains l’avaient menée dans les bois d’Hazel Wood. Elle devait partir loin, très loin de cette chambre funéraire où son mari prononça ses dernières paroles. Le parfum de cette pièce, de la maison entière, chatouillait inlassablement ses narines. Et, elle avait eu beau plonger des dizaines de fois son nez grec dans cette nature boisée par l’automne, rien n’y avait fait. Même lorsqu’elle perdît les eaux, l’odeur était restée la même : celle de la mort.

« Ma chère Georgia, chère amie, promettez, promettez-moi… » lui souffla une nouvelle fois l’ombre de son mari à l’oreille. Pourquoi donc s’évertuer à le chasser ? Elle savait que son fantôme serait encore présent pour quelques temps.

Bercée par la musique de la rivière, la femme observait la course des nuages de ce ciel d’octobre.
« Une belle journée pour mourir Mr Witfield, une bien belle journée », pensa t-elle.

Elle s’allongea sur le côté et caressa le sol de ses grandes mains : les feuilles dorées du noisetier
sous lesquelles elle avait pris place chantèrent sous leur passage. La joue posée sur les douces couleurs de l’automne, la bouche goûtant la terre qu’elle aimait tant, elle ferma les yeux. Elle voulut replier les jambes et les attraper de ses bras mais elle ne put uniquement saisir le ventre qui pointait devant elle, immense. Les contractions se faisaient de plus en plus fortes. L’enfant arriverait d’une minute à l’autre.

Loin de s’en alarmer, Mrs Witfield se concentra sur le bruit des noisettes qui tombaient sur les feuilles déjà à terre. « Promettez-moi ma chère amie, promettez-moi » répétait la voix.

Et oui, elle lui avait promis. Bien évidemment, comme elle l’avait fait à chaque grossesse, calmant ainsi les obsédantes appréhensions du père de famille. Il avait suffit à Mr Witfield de pointer son doigt sur le ventre proéminent de son épouse pour qu’elle comprenne. Seulement au milieu de cette apparente routine, chacun savait que tout serait différent. Cette fois, l’homme eut à peine le temps de chuchoter quelques mots et de réaliser que son cœur n’irait pas plus loin, s’arrêtant net dans sa course. Mrs Witfield promis donc à son âme encore présente, récupérant sa main désormais inerte qui pendait dans le vide : si l’enfant était comme lui, naissant avec ce mal de vivre si particulier qui caractérisait Edmund Witfield, elle mettra tout en œuvre pour ne jamais en faire le repas de la société. Que ces autres sataniques se jettent sur leurs restes ; il y en avait bien assez pour rassasier leur intense appétit. Elle devra offrir à l’enfant une mère que lui n’avait jamais eue : la liberté. Ce serait là son seul parent, et cela était promis. Pour l’homme qui l’avait recherchée toute sa vie, ce n’était qu’ainsi que ceux nés comme lui pouvait avoir une chance d’être heureux.

La tête du bébé commençait à percer. C’en était fini de rêver, il fallait accomplir son travail. Que ce soit son premier ou son dernier rôle dans la vie du futur petit d’Homme, Mrs Witfield ne pouvait reléguer cette tâche à personne d’autre. Elle se releva et s’adossa contre le tronc du noisetier, jeta un vif coup d’œil à ses jambes nues désormais entrouvertes : une masse de poils clairs sortaient englués dans les siens. Elle enfonça alors ses doigts profondément dans la terre, espérant se donner plus de soutien. La dure coque des noisettes contre sa paume, contrastait tant avec la mollesse du sol. « Viens ma fée, viens… » murmura t-elle avec amour à l’enfant dont elle avait dessiné tous les traits ces neuf derniers mois. Les épaules désormais passées, la femme se pencha plus en avant afin d’attraper ce petit animal qui sortait d’elle. Des feuilles rouges et orange étaient collées à ses mains lorsqu’elle attira l’enfant dans les
replis de sa jupe. Et, pour la première fois alors depuis des jours, elle sentit autre chose que l’odeur de la mort. Le visage jaunâtre de Mr Witfield s’effaça doucement de sa mémoire, mais pourtant son ombre ne se lassait pas de répéter sa promesse menaçante.


« En voici une belle enfant » dit-elle à sa fille à travers ses larmes. Puis, suivant une lugubre intuition qu’elle avait déjà au matin, elle lui chuchota : « Dis-moi que je ne te perds pas déjà alors que je t’aie à peine trouvé ».

L’enfant ouvrit les yeux à travers ses cris. Deux petites noisettes purent alors être aperçues au milieu
de sa figure rouge comme les feuilles qui tombaient sur le bois. Mrs Witfield se mit à rire tristement en se penchant sur son bébé. Le nez dans ses cheveux rosés d’automne. « Mon Hazel, ma petite Hazel, ma tendresse, tu es une petite noisette[2] perdue dans les feuilles. Et je crois que je ne pourrais pas déjà te désaimer… Même si je l’offrirai à la liberté Edmund, même si je l’offrirai. ». Elle respira plus profondément l’odeur du cou du nouveau-né et y laissa tomber une dernière larme. Elle y avait trouvé bien trop de Mr Witfield, et sut tout de suite que cette petite n’était déjà plus à elle.




[1] Branche de la Tamise qui passe dans la région des Cotswolds, Gloucestershire, UK

[2]
Hazel en anglais = Noisetier
Elmoon
Elmoon

Date d'inscription : 07/06/2011
Age : 35

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L'arbre, le vent & les Hommes (I) Empty Re: L'arbre, le vent & les Hommes (I)

Message par Elmoon Mar 14 Juin - 10:47

¤

« Margaret, pour l’amour de Dieu, veux-tu cesser avec ces enfants ? Ne vois-tu pas que ce ne sont pas là tes poupées ? », pesta Mrs Witfield, agacée contre sa fille aînée. Elle se leva et s’approcha du berceau qui était au sol. Deux bébés étaient allongés à l’intérieur, une petite fille et un gros garçon joufflu et tout blond. Hazel y hurlait rouge de colère ; sa sœur et ses risettes l’avaient poussée à bout. « Elle doit dormir Maggie ! Trouve-toi une autre occupation » lui ordonna fermement sa mère. Puis, prenant le bébé dans ses bras, elle repartit alors s’asseoir. La jeune Margaret fit une moue désappointée. Restait seul dans le petit lit désormais, Graham, le fils des Barstow, les voisins qui étaient venus en visite à Lockwood Cottage. Ces derniers discutaient tous deux au coin du feu avec Mrs Witfield, une tasse de thé en main. La petite fille soupira : il y avait si peu de choses à faire par cette froide après-midi d’hiver et la conversation des adultes ne semblait pas très intéressante. Elle laissa son regard se poser à nouveau sur le berceau sans trop d’espoirs : Graham qui avait presque un an, semblait beaucoup moins imposant sans Hazel à ses côtés.

A le voir, il était certain que Margaret n’était pas la seule à avoir perdu son centre d’intérêt. Pendant plusieurs minutes, il avait lui aussi examiné Hazel qui se tordait de grimaces, toujours vacillante entre rires et larmes. Ayant perdu son sujet d’observation favori, il chercha à son tour une nouvelle figure d’amusement. Il croisa inévitablement le regard de Margaret qui partageait sa quête. Les jolies boucles de la petite fille semblaient être plutôt dignes d’attention, mais celle-ci s’enfuit de sa vue avant même qu’il n’eut le temps d’esquisser un sourire. Non. Ce gros Graham n’avait pas de quoi susciter la passion de Maggie Witfield. Non. Il n’avait pas la peau blanche et délicate de sa sœur, ni son petit nez retroussé, ni ses joues à croquer. Ses lèvres n’étaient pas aussi bien dessinées, et ses yeux…ah non… on ne lisait pas les histoires que l’on pouvait lire dans les yeux d’Hazel lorsqu’elle fixait placidement le vide, parlant sans nul doute aux anges dans un langage inaudible.

Margaret s’approcha finalement de son frère aîné John qui lisait près de la fenêtre embuée. Le pauvre diable était toujours le nez dans les livres, et de ce fait toujours seul. Il n’avait jamais aimé converser avec les autres, et depuis la mort de leur père, c’était pire. Pourtant peu importait pour Margaret qui tenta pour la énième fois de le tirer de son isolement :
- Sais-tu, Johnnie que notre chère petite sœur vient du pays des fées ! lui dit-elle penchée au-dessus de son épaule.
- Tu te trompes Mag, bougonna son frère sans lever les yeux de son livre. Hazel est loin de venir d’un tel pays !
- Mais tu ne peux nier qu’elle vient d’un autre monde, John ! Le peux-tu ? Allons, n’as-tu donc pas lu les histoires dans ses yeux… Je suis sûr que Maman l’a trouvée dans la forêt ce jour-là ! Te souviens-tu quand elle est rentrée en la tenant contre elle, pleine de boue ? Elle l’a vue dans la forêt sortir de sous le grand noisetier là où la rivière fourche. Elle l’a trouvé si belle qu’elle a voulu la prendre. Maman s’est battue avec les autres fées et elles ont accepté de la lui donner. S’il y avait du sang partout sur son corps, c’est parce qu’on a dû lui couper ses ailes…
- Je te dis que tu te trompes Mag. N’as-tu pas vu comme elle était recouverte de saleté. Maman l’a trouvé dans un gros tas de fumier. C’est pourquoi ses yeux sont marrons…Ils transpirent et racontent l’histoire du crottin, voilà! Ne cherche pas plus loin ! répondit John toujours penché sur son livre.

Margaret resta perplexe un instant; son frère était son aîné et de ce fait, demeurait pour elle une figure de savoir qu’elle avait du mal à mettre en doute.
- Et le sang, comment expliques-tu tout ce sang ? lui demanda t-elle hasardeuse, espérant qu’il ne saurait l’expliquer.
- Et bien lorsqu’elle est tombée à terre, elle s’est blessée en arrivant voilà tout. Maintenant tais-toi un peu Mag, lui dit-il sèchement pour qu’elle s’en aille.

La petite fille s’éloigna de la fenêtre. Tout en réfléchissant, elle enroulait la ceinture de sa robe autour de ses doigts avec anxiété. Hazel ? Blessée ? Elle ne lui avait jamais vu aucune cicatrice… Elle s’approcha de la cheminée ; la chaleur du feu l’attirait autant que le froid de la fenêtre attirait John. Mais, le docteur Barstow l’intercepta avant qu’elle n’y parvienne :
- Allons Maggie, lui dit-il en la soulevant de terre. Viens donc sur mes genoux ! Ainsi nous aurons tous un merveilleux petit enfant à choyer autour de cette table, n’est-ce pas Mesdames ? Mais celui que j’ai là, est le plus adorable de tous !
Il l’entoura de ses bras. La fillette était flattée cependant elle n’en croyait pas un mot. Elle savait bien qui était l’enfant le plus adorable, le plus gracieux, et le plus beau de tous. Elle jeta un coup d’œil à sa sœur qui s’était endormie contre le sein de leur mère. Ses petits cheveux rouges brillaient dans le reflet du feu. « Ma petite fée ! Mon bébé ! » pensa Margaret en souriant. Elle se laissa bercer docilement par le docteur Barstow qui l’embrassait. Etait-il fou de ne pas voir la merveille qui dormait là-bas ? L’homme attrapa un biscuit sur la table et le porta aux lèvres de la fillette. Margaret refreina un sourire malicieux en en croquant un morceau. Si elle seule voyait combien il fallait aimer Hazel, elle lui donnera tant d’amour qu’elle l’en étouffera. L’enfant serait tout à elle alors. Pouvait-on vraiment naître dans du crottin de cheval et dormir comme un ange ?

- Georgia, dit fermement mais doucement le docteur Barstow après avoir reposé le reste du biscuit sur la nappe en dentelles. Vous ne pouvez être ainsi déraisonnable.

« De quoi s’agissait-il ? » se demanda Margaret, tout à coup déçue de ne pas être venue plus tôt autour de la table. Les adultes parlaient-ils de l’enlèvement d’Hazel du royaume des fées ? Etait-ce vraiment déraisonnable de la part de sa mère de l’avoir prise?
Face au silence de leur voisine, Mrs Barstow qui parlait pourtant si peu, lança:
- Pensez-y Georgia. Juste pour l’hiver au moins.
- Oh oui ma chère ! insista l’homme. Le temps est si mauvais et c’est de mal en pis. Je ne peux vous savoir seule isolée dans ces bois, et nous ne sommes pas encore au cœur de la tempête ! Que feriez-vous sans avoir la possibilité de trouver du secours si vous étiez en peine ? Je vous en prie ma chérie, je vous en conjure, venez avec nous à Woodchester Park !
- Je suis très bien à Lockwood je vous assure Adam, répondit Mrs Witfield.
- Non, non, non vous n’y êtes pas bien. Pardonnez-moi de vous le dire ma douce, mais le spectre d’Edmund plane encore par ici ; et sur vous… vous êtes sûrement aussi pâle que son fantôme.
Aux mots du docteur Barstow, Margaret regarda plus attentivement sa mère. Elle était effectivement très blanche ; toutefois sa fille avait beau chercher dans sa mémoire, elle ne pouvait trouver une autre image de sa mère telle qu’aujourd’hui. Avait-elle eu une autre couleur de peau ? L’enfant ne voyait pas pourquoi les Barstow s’en inquiétaient. Mais après tout, ils en savaient sûrement plus qu’elle. Et puis, Mr Barstow était médecin ne l’oublions pas. Peut-être que sa mère était vraiment malade…

- Je m’occuperai de vous et les enfants seront pris en charge par la bonne le temps que vous vous remettiez d’aplomb. N’est-ce pas Mrs Barstow ? reprit le docteur en se tournant vers sa femme.
Il ne lui laissa pas le temps de répondre – ce qu’elle ne comptait de toute façon pas entreprendre – et continua :
- Ce ne sera l’affaire que de quelques semaines ; nous en serons tous très heureux. Laissez-vous faire je vous en prie.

Mrs Witfield soupira. Elle posa ses yeux sur le noir de sa robe de deuil. Si elle suivait conformément les usages, elle ne sortirait certainement pas de Lockwood Cottage. Elle ne verrait même personne : son mari était mort depuis quelques mois à peine ! Son ombre était-elle vraiment là ? Ces dernières heures où elle l’avait veillé inscrites sur ses traits ? Oh, il ne valait mieux pas ressasser cette longue journée sous peine d’avoir une vague de nausée. L’odeur revenait sans cesse quand elle repensait à cette chambre mortuaire. Et rien que de passer devant…ah !
Oui, si elle pouvait quitter cette maison…

Son attention se porta furtivement sur Hazel qui tenait fermement son doigt entre ses petites mains. Elle gardait ses fins sourcils roux froncés semblant naviguer en plein cauchemar au lieu du paisible sommeil qu’aurait dû être celui d’un bébé, « Quelle étrange entrée dans le monde, pensa sa mère. Et quelle suite donner à sa vie ? ». A peine regardait-elle l’enfant, que le visage d’Edmund remplaçait le sien… C’était chaque jour un peu plus net : l’esprit du mort avait disparu quelques secondes mais s’était réincarné très vite en cette nouvelle vie. Pourtant, Hazel ressemblait à s’y méprendre à Georgia, et aurait été son portrait craché dans une vie en noir et blanc. Mais les cheveux roux de son père la ramenaient de manière foudroyante vers l’image d’Edmund. Et c’était sans parler de leurs regards si semblables qui avaient le don de mettre mal à l’aise ceux qu’ils fixaient. Car l’enfant était en effet loin d’avoir hérité des yeux maternels, pourtant renommés dans toute la région… C’était sa sœur aînée qui en avait été gratifiée, et justement, cette dernière observait gravement sa mère, Mrs Witfield : « Mon dieu, comme Margaret a l’air sérieux », se dit la femme. « Oui, depuis la mort de son père, ses traits d’enfant se sont transformés. Elle aussi est plus pâle qu’à l’usuel… Mais elle garde encore cet air de poupée de porcelaine. Elle a pris tant de responsabilités depuis ces semaines noires, gardant Hazel sous son aile, la veillant nuit et jour comme une vraie petite maman poule. A Woodchester Park elle pourrait sans doute reprendre sa vie d’enfant. Oui, les deux sœurs y seront heureuses toutes les deux ».
« Et leur frère John ? Oh John ! ». Mrs Witfield lui jeta un coup d’œil. Il semblait être totalement coupé du monde, le nez penché au-dessus du livre énorme que le docteur Barstow venait de lui prêter. « Il serait si heureux dans la bibliothèque de Woodchester Park. Et peut-être trouvera t-il en l’homme, le nouveau mentor qu’il avait perdu».

Oui l’hiver serait beaucoup moins morose avec un peu de compagnie.
Et loin de cette maison où les souvenirs s’entrechoquaient, Mrs Witfield se sentirait sans doute mieux.

Elle accepta.

¤

L’hiver 1816 semblait interminable dans les Cotswolds . On n’avait d’ailleurs pas vu aussi grand froid depuis des années. Mrs Witfield avait beau se rappeler son enfance au village, elle n’avait jamais assisté à pareille saison. A Woodchester Park, Mrs Barstow riait de la voir frissonner au coin du feu malgré ses cinq couches de vêtements. Mais la femme du docteur était bien plus habituée aux basses températures. Oui, vingt années de vie en Ecosse, vingt hivers, voilà de quoi forger un corps et une certaine endurance ! Comme le climat du sud devait lui paraître doux ; aussi froid qu’il pouvait l’être cette année là.

Le docteur Barstow et le fils de Mrs Witfield, John – qui l’accompagnait dorénavant lors de ses visites médicales – étaient retenus depuis des semaines dans la ville de Cirencester. Les routes impraticables dues aux montagnes de neige rendaient leur retour impossible. Mrs Witfield ne s’inquiétait pas pour autant. Elle savait son fils en sécurité auprès de son nouveau guide. Car comme il était délicat de la part du docteur Barstow de prendre John sous son aile, et de lui apprendre son métier qui plus est ! Le jeune homme en rêvait tant depuis la mort de son père ; ou plutôt depuis qu’il n’avait pas pu sauver son père de cette destinée…

Les femmes étaient donc seules à Woodchester Park depuis plus d’un mois désormais. L’aile ouest du château fut réquisitionnée, le reste laissé à l’abandon. Femmes et enfants dormaient ensemble dans la chambre centrale surplombée de son immense cheminée. Et bien heureux étaient-ils, malgré les contraintes de l’hiver.

Mrs Witfield s’était mise en tête de commencer l’éducation de Margaret, sa fille aînée. Elle n’avait pas encore sept ans mais il fallait la tenir occupée. S’il fallait lui faire passer le temps, autant employer ces longues heures avec intelligence. Rester emmurée dans la même pièce ne devait être aisé pour une enfant. Pourtant, Margaret ne se plaignait jamais, semblant toujours satisfaite. Et Mrs Witfield savait bien à qui elle le devait : Hazel, née de la forêt quatre mois plus tôt… Son alphabet à peine su, et la petite fille courait le réciter à sa sœur. Sa première chanson apprise, Margaret l’arrachait de son lit et la berçait amoureusement en la lui chantant.

Ah Hazel ! Elle était si entourée cette petite créature ! Le jour venu, Mrs Witfield ne comptant que pour du beurre, se fera éjecter de la vie de cette enfant sans ménagement.
Cette promesse de la laisser libre, sans cage, sans contrainte, pesait bien souvent lourd sur son cœur de mère. Qui plus est et non loin d’être le plus idiot, elle était la seule à lui donner cet espace qui, selon son défunt père, était supposé la rendre heureuse. Tout le monde bourdonnait autour de son lit et le bébé n’avait que l’embarras du choix entre ses admirateurs.
En effet, en plus de Margaret et de Mrs Barstow, Graham le fils de cette dernière, semblait passer également le plus clair de ses journées à tourner autour du bébé, pourtant lui-même aussi jeune. Le spectacle d’amour qu’ils rendaient tous les deux faisait rire toute la maisonnée. Dès que l’on sortait le petit garçon de son berceau pour le poser plus loin sur le grand tapis du salon, il n’y restait jamais, marchant à quatre pattes à vive allure pour se pencher au dessus du couffin d’Hazel qui somnolait près de l’âtre. Et la vue de Graham qui l’observait suffisait généralement à cette dernière pour accrocher un sourire à ses lèvres, au grand damne de Margaret qui passait soudainement au second plan. Les deux bébés s’observaient mutuellement des heures durant. Ensemble dans le berceau, ils semblaient n’avoir besoin de personne pour appréhender la vie. Ils babillaient, riaient ou encore se regardaient fixement dans le blanc des yeux, collés ensemble au chaud dans leur lit. Les rares fois où ils se laissaient câliner par leurs mères et Margaret sans broncher, toutes gardaient l’étrange impression qu’ils leur avaient fait là une belle faveur, remplissant leur devoir d’enfants.

Cependant la sœur aînée avait décidé cette fois de ne pas suivre l’exemple maternel. Même si Hazel l’ignorait ou couinait dès qu’on l’effleurait, elle ne l’abandonnera pas à la liberté. Elle la partagera volontiers avec Graham mais il était hors de question de ne pas avoir une place bien ancrée dans son cœur. Sa petite fée aura au moins deux grands amours. Et Margaret en était absolument certaine : son affection se gagnera avec persévérance dès que sa confiance sera jugée acquise. Puis viendront alors les sentiments les plus fougueux que l’on pouvait connaître. Car en effet, Hazel n’obéissait déjà qu’à une seule loi : celle du tout ou rien.

¤

En mars, John avait tout préparé. Il avait attendu le printemps pour enterrer son enfance et laisser pousser sans plus d’amertume, les premières feuilles d’une nouvelle ère. Seulement pour ce faire, il avait besoin de ses sœurs. Margaret altruiste, s’était facilement laissé convaincre par cette première journée fraîche, mais néanmoins belle, d’emmener avec eux leur elfe des bois de bébé. Ils n’avaient rien dit à leur mère : elle ne comprendrait pas. Qui le pourrait à part leur père et sa sensibilité à fleur de peau qui détectait la moindre information ? Et justement, c’était de lui dont il s’agissait.

Ils passèrent d’abord à Lockwood qui commençait doucement à revivre, préparant le retour de la famille dans quelques jours. Tom, le palefrenier les attendait. Lui qui avait élevé Mr. Witfield était le seul à avoir été mis dans la confidence. John le remercia à la manière d’un gentleman qu’il n’était pas encore. Le vieil homme le contourna avec amertume : il ne devait plus chercher en l’enfant ce qu’avait été le père.

Patty, l’énorme jument était dans la cour. Tom installa sur le dos de l’animal Margaret qui tenait avec détermination Hazel dans ses bras. Puis, il se mit en selle à son tour avec une bien grande souplesse pour son âge. Laissant ensuite une place entre les filles et lui, il tendit sa main libre au jeune John, et le fit grimper à son tour sur l’animal. L’équipe était fin prête. Leur monture, totalement dénuée des contraintes que l’Homme infligeait au cheval, avança sans mord ni harnais, obéissant au simple sifflement de son vieux maître qui tenait contre son giron les trois enfants de Mr Edmund.

Ils arrivèrent à pas lent, comme le veut la procession d’un enterrement, tout en haut de la colline qui bordait le front sud de Lockwood. Perdu en plein milieu d’un immense champ verdoyant, le groupe put enfin voir apparaître le grand chêne faisant face à toute la vallée de Nailsworth. Plus les cavaliers approchaient, plus John pouvait discerner les larmes du vieil homme derrière lui, s’efforçant pourtant d’être silencieux. Ils s’arrêtèrent finalement à quelques mètres du vestige. De l’ancienne cabane d’enfant qui trônait entre les branches, il n’en restait plus grand chose, s’effaçant telle l’image de son défunt propriétaire désormais sous la terre des Cotswolds. Cet endroit, qui était le refuge d’Edmund depuis toujours, Tom l’avait partagé il y avait bien longtemps, puis John lors des dernières années. Hélas, ces temps-là étaient révolus. Personne ne montera plus aux arbres chez les Witfield.

Tout le monde descendit du dos de la grosse Patty qui s’essoufflait par tant de travail. La côte qui montait jusqu’au Champ du Chêne avait été trop raide pour sa carcasse, surtout avec le poids qu’elle supportait sur ses épaules. Ils avancèrent tous jusqu’au tronc rugueux en silence.

La jeune Maggie ne sentant plus ses pauvres bras, consentit à poser sa sœur dans l’herbe ombragée tandis que dans un silence religieux, Tom et John clouaient la plaque de bois au tronc du vieux chêne. Chacun put lire alors : « A un bien aimé père, puisse t-il désormais être en paix éternelle sur sa terre. J.M.H.W ». Perdus dans leurs propres pensées sur l’homme qui les avait quittés, même Margaret avait oublié qu’Hazel existait. Il ne fallait pas se méprendre, en ce quatorze mars, leur père aurait eu trente-huit ans. En éternel enfant, il les aurait tous emmenés manger des gâteaux et autre tissus de choses sucrées dont lui seul avait le secret. Au coin des bois, il leur aurait raconté des histoires de fantômes et les légendes du pays. L’homme aurait ri à gorge déployée, tapé des mains et tourné, tourné sur lui-même jusqu’à en avoir le tournis. Et du lever au coucher du soleil ils seraient tous les quatre restés sous la bienheureuse protection des arbres des Cotswolds.

Hazel encore innocente, se laissait bercer calmement par la légère brise qui soufflait dans les frisottis de ses premiers cheveux. Elle perça soudainement le silence d’un cri de joie aigu. Tous se tournèrent alors vers elle et suivirent son regard. Un papillon volait juste au-dessus d’elle et se posa tel une feuille d’automne sur le petit nez du bébé qui n’en pouvait plus de gigoter de bonheur.
[center]
Elmoon
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L'arbre, le vent & les Hommes (I) Empty Re: L'arbre, le vent & les Hommes (I)

Message par alissa Dim 19 Juin - 16:11

Wahou! On dirait du Anne Brontë! Excellent! Comme j'adore Anne Brontë, je ne suis sans doute pas très objective, mais quand même! Dommage qu'il y ait si peu de dialogue, et par ailleurs, on a tendance à confondre les personnages. Mais tes descriptions sont magnifiques! Vraiment, on se croirait dans la recluse de Wildfell Hall, ou quelque chose du genre. Tu pourrais m'en dire un peu plus sur ton roman?
alissa
alissa

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L'arbre, le vent & les Hommes (I) Empty Re: L'arbre, le vent & les Hommes (I)

Message par Elmoon Dim 19 Juin - 18:23

Salut Alissa!

Merci pour ton commentaire, ça me fait très plaisir! Là ce n'est que le 1er chapitre qui sert d'introduction, histoire de poser les personnages, leurs relations, et le contexte aussi. Les dialogues arrivent après, quand Hazel grandit.

Voilà! Qu'est-ce que tu veux que je te dise exactement? Le résumé (j'ai essayé d'en pondre un plus haut, avant le commencement du texte) ou quelque chose en particulier?

Sinon je voulais juste te dire aussi que sur ce forum, on poste les textes ici dans la "bibliothèque", et puis on commente ailleurs, dans le "correction". Ainsi, nos textes ne sont pas coupés. Et donc je te renvoies ici pour mes commentaires: https://lesecrivainsamateurs.jeun.fr/t146-commentaires-l-arbre-le-vent-les-hommes#1364

Et si tu vas d'ailleurs dans la partie correction, tu verras que il y a un post pour TES commentaires sur la lettre à Isis!
Voilà, je voulais juste te le dire pq je pense que tu n'as pas vu!!! Wink


Elmoon
Elmoon

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L'arbre, le vent & les Hommes (I) Empty Re: L'arbre, le vent & les Hommes (I)

Message par alissa Lun 20 Juin - 9:56

Tu pourrais détailler le résumé de ton roman? Very Happy
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L'arbre, le vent & les Hommes (I) Empty Re: L'arbre, le vent & les Hommes (I)

Message par Elmoon Mer 22 Juin - 21:20

C'est dur pour moi de résumer en gardant l'intrigue!

Alors c'est l'histoire d'Hazel dont on voit le déroulement de l'enfance dans cette première partie. Elle a un caractère assez spécial (à la limite de l'autisme asperger) et passe tout son temps cachée dans la forêt, refusant de s'ouvrir à la plupart des gens si ce n'est Graham et Maggie. Les deux deviennent très vite ses piliers, l'aidant à comprendre le monde des adultes, et la poussant à s'y ouvrir tout en la protégeant sous leurs grandes ailes. Mais hélas, l'enfance ne dure pas pour toujours et les choses doivent changer. Hazel refuse tant bien que mal de l'accepter et pourtant, malgré tous ses efforts pour gagner cette bataille, ne peut pas empêcher le temps de tourner.

Forcée de se lancer pour garder la cadence avec Graham & Maggie, elle finira par croiser la route d'un homme mystérieux qui fera tout pour se faire une place - entre méfiance et coups bas - dans son petit univers ultra restreint...

Surprised Je l'ai bien vendu? ^^
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Message par Elmoon Mar 5 Juil - 19:47

Bon et voici le début du prochain chapitre pour les courageux. Je ne sais pas si je posterai encore tout sur le forum (c'est que je ne porte pas une confiance absolue aux yeux cachés...), alors si quelqu'un aimerait lire la suite (et m'apporter son avis et/ou correction), il suffit de me faire un grand signe!!! L'arbre, le vent & les Hommes (I) 1552312281

****

Chap 2

¤

Cinq années plus tard, ce fut au tour de Graham de passer l’hiver dans une autre maison que la sienne. Il arriva donc à Lockwood Cottage en courant tout au long du chemin qui l’y menait. Sa mère, Mrs Barstow l’y déposa. Elle n’eut même pas le droit à un baiser d’adieu, trop occupé qu’il était à jouer avec la petite Hazel. Mrs Witfield étreignit la femme et lui jura que l’enfant serait heureux pour ces quelques mois. Elle lui souhaita un bon voyage, lui rappela de bien lui écrire et pour finir lui transmit tout son courage. Mrs Barstow partit donc pour l’Ecosse. Elle rejoignait sa mère qui vraisemblablement se mourait.

Certes, le petit Graham aurait pu rester chez lui à Woodchester Park, entouré des bons soins d’une gouvernante. Mais, ses parents et leur voisine Mrs Witfield, avaient jugé plus adéquat et plus pratique de l’accueillir à Lockwood.

Durant cette période, la maison des Witfield fut donc le lieu de passage du grand docteur Barstow, venant y dormir presque toutes les nuits, et repartant sur les routes le lendemain avec John. Chaque nouveau coucher de soleil était pour l’homme le commencement d’un soir de fête. Il priait toujours Margaret de se lancer au piano, elle qui était si appliquée à gravir les échelons de son éducation. Il semblait plutôt heureux, clapotant même parfois des mains au-dessus de sa grosse bedaine qui s’était épaissie avec les années. Hazel l’observait du coin de l’œil sans pour autant comprendre ce qu’il faisait là. Une chose était cependant certaine : il ne lui inspirait aucune confiance… Elle ne savait pas comment l’expliquer mais elle gardait le pressentiment qu’il valait mieux rester sur ses gardes en sa présence.

- Pourquoi vient-il tant de fois par chez nous Maggie, demanda t-elle un jour à sa sœur.
- Eh bien pour accompagner John à la maison et pour voir son fils voyons, répondit son aînée.
- Mais, il le voit tous les jours puisque John l’accompagne durant des heures partout, tout le temps… lança t-elle renfrognée.
Margaret éclata de rire. Penchée sur son travail de couture, elle manqua de piquer par inadvertance Hazel qui était à ses pieds.
- Enfin ma chérie, murmura la jeune fille. Graham est son fils !
- Comment ?

Elle en était soufflée. Sans père elle-même, l’enfant n’avait jamais imaginé que Graham puisse être le fils de ce Barstow. Elle croyait qu’il était uniquement le docteur, et que par son métier il dormait ici et là, dans les maisons accueillantes qu’il trouvait sur sa route lors de sa traversée des malades. Elle l’avait souvent vu à Woodchester Park mais comme à Lockwood, elle n’avait jamais pensé que ce puisse être sa réelle maison. Et Graham était son fils ! C’était bien la meilleure. Jamais il ne le regarde ! Jamais même il ne lui parle.
Et il fallait faire la fête pour la venue de ce bec à foin ! Mais à regarder son nez en tire-bouchon, Hazel n’avait aucune envie de rendre son séjour agréable à Lockwood. Qu’il les laisse donc en paix et qu’il aille au diable avec sa musique.

¤

Cinq heures sonnèrent à la pendule du vestibule de Lockwood. Margaret entendit les enfants descendre les escaliers comme deux éléphants. Elle sourit en s’asseyant sur la chaise à bascule au coin du feu. Comme tous les jours, et à la même heure, elle finissait ses leçons avec Mrs Witfield. Hazel et Graham avaient donc le droit de venir au petit salon et comme à leur habitude depuis ces quelques semaines, ils accourraient pour écouter l’histoire que leur contait Margaret. Hazel ouvrit la porte comme une harpie et se précipita en courant au pied de sa sœur. Le dos à la cheminée, elle s’installa par terre, la figure mutine. Margaret lui pinça les joues affectueusement et réussit même à remettre en place la mèche de cheveux qui traînait sur son joli front blanc sans se faire rabrouer. Graham arriva sitôt après beaucoup plus calmement. Il ferma la porte derrière lui et s’assit avec grâce près de sa petite amie. Margaret remarqua qu’il voulût lui prendre la main mais elle les agitait en tous sens Comment malgré la quiétude des gens qui l’entouraient, Hazel pouvait-elle toujours être excitée comme une puce lorsqu’elle était heureuse?

- Quelle est l’histoire aujourd’hui Mag ?! demanda t-elle avec frénésie en tapant des pieds.
- Qu’est-ce que vous voulez entendre ? Une belle histoire d’amour ?
- Tu nous as bien regardé Mag ? répliqua Hazel avec une moue dubitative. Non, une histoire de pirates !
- Encore ! J’en ai tant raconté que j’ai épuisé tout mon stock ! répondit Margaret en riant.

L’ombre du docteur Barstow s’imposa soudainement derrière la jeune fille. Celle-ci n’eut pas à se retourner pour savoir que c’était bel et bien lui ; il suffisait de regarder le visage d’Hazel, contrarié et soudainement sur la défensive. Elle s’était refermée telle une huître, et sa perle d’enthousiasme était désormais inaccessible pour quiconque. Ses changements d’attitudes étaient si rapides qu’ils en devenaient parfois inquiétants. Le docteur n’y prêta pas attention et leur dit d’un air enjoué, se sentant pour une fois d’humeur paternelle :
- J’en connais moi des histoires ! Voulez-vous que je vous les raconte ?

Hazel ne répondit rien, semblant désormais être emprisonnée dans un bloc de marbre. Graham qui lui jeta un regard interrogateur, prit donc la parole pour elle, sachant pertinemment qu’elle n’ouvrirait la bouche que sous certaines conditions dorénavant :
- Des histoires de pirates ? demanda t-il d’une voix hésitante.
- Des histoires de guerre, c’est un peu pirate non ? Voulez-vous que je vous raconte quand j’étais sur le champ de bataille en France ?
- En quoi la bataille de Waterloo parle de pirates ? coupa Hazel froidement, elle qui retrouvait toujours facilement sa langue quand elle estimait que les gens étaient en tord.

Le docteur Barstow eut un petit temps de recul. Quelle drôle de petite fille ! Et dire qu’elle avait cinq ans à peine ! Comment trouvait-elle des phrases pareilles ?
- Si tu aimes tant les récits de guerre, alors en voilà un beau ! ajouta t-il, essayant de garder un sourire chaleureux.
- La piraterie n’est pas de la guerre, et de plus je ne trouve pas votre récit « beau », ajouta t-elle toujours aussi hargneusement.
- Hazel ma chérie, chuchota Margaret avec douceur. C’est un récit historique ! Je suis sûre que tu l’aimeras beaucoup toi qui aimes tant les histoires de combats d’habitude, hum ?
- Oui je les aime mais uniquement quand ils parlent des plus grands héros; autrement ça ne m’intéresse pas !
- Mais tous les hommes qui partent au combat sont des héros ma chérie, et le docteur Barstow comme tous ceux risquant ou donnant leurs vies pour la patrie en sont !

L’homme étouffa un rire jaune. Il se croyait justement sur un champ de bataille en ce moment même car, si Hazel avait eu une arme dans les mains, elle aurait volontiers tiré. Quelle petite insolente ! Elle ne répondit rien à sa sœur, cependant, son cerveau semblait bouillonner. Elle fixa le vide avec des yeux sévères, ne bougeant plus d’un cil, oubliant même de respirer. Le docteur décida de ne plus s’occuper d’elle et préféra gratifier Margaret d’une tape affectueuse sur l’épaule. Elle tenait un discours si sensé pour son âge ! Quelle merveilleuse enfant elle était, elle !
- Merci Maggie, c’était très bien dit. Je suppose que cette petite demoiselle ne comprend pas vraiment ce qu’est une guerre car après tout, ce qu’elle peut entendre provient de la bouche de femmes peu averties sur le sujet. Et peut-être que si son père était parti au combat, elle ne mépriserait pas tant les histoires des autres, n’est-ce pas ?
- Sachez bien que mon père serait certainement parti au combat s’il avait pu ! s’écria Hazel.
- Evidemment ma petite, et il serait revenu avec maintes médailles n’est-ce pas ? Un vrai héros dont tu aurais écouté l’histoire sans tes habituels geignements ! Pauvre sotte ! Si tu avais seulement connu ton cher petit papa, tu saurais que…
- Cela suffit Adam ! coupa placidement la voix de Mrs Witfield au fond de la pièce, les yeux sur son ouvrage. Ne parlez pas des morts qui plus est innocents !
- Innocents ! répéta t-il comme s’il avait un souffle au cœur.
- Venez donc vous asseoir à mes côtés et laissez les enfants à leurs occupations voulez-vous ? conclut la femme toujours aussi calme.

Le docteur lui obéit, docile. Cette haine qui persistait contre son mari depuis dix-sept ans devenait grotesque. Ce pauvre homme était mort tout de même ! Pourtant, Georgia comprenait si bien que l’image du pauvre Edmund ne puisse pas s’effacer de l’esprit du médecin. Il suffisait d’être confronté à Hazel pour que les souvenirs remontent cruellement vers le cycle des contrariétés. Oui, elle lui ressemblait tant. Et cette dernière – en digne fille de son père – n’aimait pas plus le docteur que lui. Elle avait repris le flambeau de la guerre ouverte entre les deux hommes si tôt après sa naissance. C’était à croire que les morts chuchotaient à son oreille la nuit pour lui raconter un certain nombre de choses qu’une enfant ne devrait pas savoir. Où était-donc passée son innocence ? Elle semblait déjà tant connaître le monde, et bien des fois, donnait l’impression de ne pas l’aimer et de ne jamais vouloir y entrer. Etait-ce donc le spectre d’Edmund qui lui avait conseillé de créer son petit univers à part, repoussant les intrus au jeu du tous les coups sont permis ? Il était si bon lui aussi dans ce domaine…
Mrs Witfield espérait tout de même que le caractère de sa fille se calmerait avec le temps. Etre si sauvage lorsque l’on était un homme était une chose, mais pour une lady en devenir… Georgia cependant, se remémora la promesse faite à son époux. Elle ne dirait ni ne ferait rien. De toute façon, elle restait confiante, sachant bien comment tournait le sang d’un Witfield pur et dur comme celui d’Hazel et d’Edmund. Si l’on savait un peu s’y prendre, leur agressivité pouvait se transformer en affection aussi vite que leur amour ardent tournait soudainement à l’indifférence. L’enfant ne cherchait qu’à se protéger. Il fallait juste avoir quelques doses de patience dans sa poche pour avoir le droit de l’approcher. Hélas pour le docteur, le jugement d’Hazel était bien trop souvent sans appel. Et telle une proie des sables mouvants, chaque geste vers elle l’enfonçait un peu plus vers le royaume des Enfers. Il était bien loin de la voir casser une branche, lui offrant ainsi son aide afin de remonter vers son estime. Elle ne désirait certainement pas être aimée de cet homme.
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Message par Margaux1999 Mer 6 Juil - 7:02

J'ai bien aimé mais parcontre parfois la tournure de tes phrases n'ai pas correcte

8/10 Razz
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Message par alissa Mar 12 Juil - 18:09

Désolée de ne pas t'avoir répondu plus tôt, je n'avais pas vu ton message!
Tout à fait personnellement,je n'aime pas trop la première partie de ton résumé, qui manque un peu de piquant, mais ce n'est qu'une histoire de goût. J'ai accroché quand tu as évoqué le monsieur. Après tout dépend de la façon dont tu as mené ton histoire. Je vais lire la suite.
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Message par extialis Mar 12 Juil - 20:03

les coms là s'il vous plait les gens. ne polluez pas le fil de ce texte, merci d'avance

https://lesecrivainsamateurs.jeun.fr/t146-commentaires-l-arbre-le-vent-les-hommes#1364
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