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Un hôtel particulier

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Message par Amiedetous Ven 5 Fév - 21:00

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Hôtel particulier


Un vieil hôtel particulier de la rue de V. à Paris, dans le 7ième, m'était très familier. Il a été un des lieux importants de mon enfance. Parce qu'il était situé à tout juste deux pas d'une des entrées de l'Hôtel Matignon et de l'ambassade d'Italie, des policiers en uniforme, en faction devant ces points stratégiques de la capitale, donnaient à la rue un cachet supplémentaire.


Mes grands-parents en étaient les concierges. Il suffisait d'en franchir l'une des deux énormes et lourdes porte cochère, celle que l'on ouvrait chaque matin et fermait chaque soir, pour quitter le vingtième siècle. En mettant le pied "sous la voute" je changeais magiquement de monde et d'époque.
Je passais régulièrement des vacances chez eux, dans la "loge" qui n'avait ni toilettes, ni cabinet de toilettes. Il fallait aller dans la cour où l'unique lieu d'aisance aux murs écaillées était sombre et sentait une abominable odeur de grésil, ou bien avoir "un seau" qu'il fallait aller vider dans ce même lieu puis nettoyer. Les pelures d'oranges dont on en tapissait le fond étaient destinées à atténuer les odeurs.
La toilette se faisait "sur la pierre à évier". Seule la pièce du devant était chauffée par un poêle à bois.
Les propriétaires, dont je tairai le nom, ainsi que les locataires (certains au nom plus célèbre encore) avaient chez eux tout le confort.

Les "gens biens" étaient condescendants ou bien ne me regardaient pas. Je devais connaître ma place et savoir y rester ce qui veut dire que je ne devais parler que pour répondre poliment et brièvement aux questions que ces presque demi-dieux me feraient l'honneur de me poser. Je ne devais adresser la parole aux enfants du comte de B... en les appelant "monsieur Charles-Henri", "mademoiselle Anne"... qu'en cas de nécessité absolue. Eux, de leur côté, devaient sans doute suivre les mêmes règles strictes à mon égard. Quand il leur arrivait de me dire un mot (uniquement pour raison utilitaire), je devais répondre brièvement en disant: "Oui monsieur Charles Henri" "Non mademoiselle Anne, bien mademoiselle Anne, je ferai la commission à madame C…"

Les propriétaires et certains locataires possédaient un chateau à leur nom "à la campagne" . Ils y séjournaient l'été. Quelques uns de ces noms enchantés dansent encore parfois dans ma tête. J'ai oublié les autres. J'ai eu la curiosité de faire des recherches sur internet, quelques cinquante années plus tard. Je voulais enfin voir à quoi ressemblaient ces lieux mystérieux… Le château M… est une forteresse de très grande taille du XV siècle, acquise au début du XIXième par la famille de S. Le château du marquis de J… a été construit entre le XII et le XVII. Il est encore plus imposant et lui, appartient à la même famille depuis des siècles. Il a gardé un air de château fort très prononcé.


Il me semblait traverser le temps et vivre les deux semaines des vacances de Pâques, ou le temps d'un été dans l'univers de la Comtesse de Ségur. Ma grand-mère me chargeait de balayer la vaste cour pavée du devant. A l'automne, quand les vieux arbres perdaient leurs feuilles, il fallait recommencer chaque jour. Alors que je maniais le balai de branchettes trop grand pour moi, je m'imaginais être le pendant féminin du "Pauvre Blaise". Mon grand-père se saisissait parfois d'un autre balai du même genre, et, chaussé de vrais sabots qu'il préférait à ses chaussures de cuir, venait me rejoindre pour expédier la corvée avec des gestes amples. Son allure de vieux paysan, son accent prononcé de la campagne d'où il était originaire, et son humilité presque servile devant ses personnages qui le mettaient aux anges quand ils lui disaient trois mots et l'appelaient « Jean » achevaient le tableau.

Ce dont ces gens de la noblesse et certains de leurs locataires roturiers mais très riches et pour plusieurs fort célèbres ne se doutaient pas, est que par les commérages des petites bonnes ma grand-mère connaissait tous leurs secrets. Ou bien le savaient-ils mais leur appartenance à un monde à part et supérieur les protégeait-ils de la honte ? Et comme ma grand-mère bavardait devant moi avec les autres concierges de la rue j'étais également très informée. S'ils avaient su que je savais ce que je savais, peut-être auraient-ils été d'une politesse moins humiliante avec moi. Peut-être même auraient-ils été terriblement honteux de savoir que leurs petits secrets peu glorieux, voire franchement honteux, remontaient la rue de V, la traversaient, la redescendait, croisaient les secrets des autres habitants des autres hôtels particuliers de la rue, se mêlaient à eux, passant efficacement de la bouche d'une concierge à une autre, arrivaient enfin rue de B. et ne s'arrêtaient qu'après avoir atteint le ministère de l'agriculture.

Mais il y avait aussi du bien à raconter sur ces gens d'un autre monde et d'une autre époque. Une dame très âgée logeait gratuitement dans un petit appartement attenant à la loge. J'ai appris qu'elle était la fille d'anciens concierges, qui avaient autrefois servi la famille de B. quelques soixante ans auparavant, donc au début du XX siècle, ou un peu avant. Ces "gens de la haute" se sentaient responsables du bien-être de leurs vieux et fidèles serviteurs et même parfois de leur descendance. Et quand mes grands-parents n'ont plus été en état de travailler, madame la comtesse de B. s'est enquis de savoir si leur retraite était suffisante pour vivre décemment afin d'estimer le montant d'une pension qu'elle jugeait devoir leur verser.


Cet hôtel particulier a malheureusement été détruit et remplacé par un immeuble moderne dans les années soixantes. C'était la volonté des propriétaires-héritiers. Des locataires ont bien essayé de le faire classer « monument historique » pour éviter ce crime. Ils ont perdu la bataille. L'argent a été plus fort que la sainte lutte pour la sauvegarde du patrimoine.

Les murs qui transpiraient l'Histoire, la bonne odeur des escaliers que je récurais avec "Ma Mémée" et qui était pour moi celle de Paris, se sont envolés et ont été remplacés par de la pierre de taille bien blanche et sans âme. Et dans leurs nouveaux appartements aux plafonds normalement bas qui les ont obligés à se séparer de leurs gigantesques lustres et de leurs trop grands tableaux, dans leurs pièces normalement grandes, avec leurs salle-de-bains carrelées, le Comte et la Comtesse de B., madame de G, monsieur et madame de J... sont devenus des gens presque ordinaires, un peu ridicules avec leur manière de parler bien à eux. Ils étaient des anachronismes vivants avec leurs titres nobiliaires qui n'inspirait plus autant de respect. Les petites bonnes se sont transformées en employées de maison comme les autres. Le charme a disparu, pour toujours.

Une cousine, qui, il y a une ou deux décennies, faisait passer des sortes de bilan de compétence à des gens en recherche d'emploi, a un jour recu un client étonnnant: Monsieur Charles Henri!

Ainsi, lui aussi arrivé vers la cinquantaine avait des soucis professionnels!
Lui n'a pas reconnu dans cette femme de 60 ans la petite fille qui cirait à l'occasion les escaliers avec sa grand-mère, comme je le faisais moi aussi, ou celle qui montait le courrier et sonnait à la porte des domestiques pour le donner. Mais elle, elle a immédiatement reconnu le nom dépouillé de son titre et s'est empressée de nous raconter la chose. Et bien en moi, l'agréable petite douleur de la nostalgie s'est accompagnée d'un léger sentiment de satisfaction : Monsieur Charles Henri est descendu de son olympe !
Savoir cela a été comme une revanche sur les blessures dues à l'humiliante condescendance avec laquelle lui et sa famille m'avaient traitée quand je n'étais que la petite fille de la concierge.

Amiedetous

Date d'inscription : 28/06/2012

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Message par surfeur Sam 27 Fév - 7:58

Emouvant finalement !  Une étude de mœurs dans une époque pas si lointaine mais totalement révolue
La revanche est-elle de mise ? Au-delà des apparences (et si, le bien-être financier est relativisé), la vie est tout aussi impitoyable pour le quidam un peu transparent et celui qui connaît un moment la lumière de spots qui s'éteindront....

surfeur

Date d'inscription : 29/05/2013

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Message par Amiedetous Sam 27 Fév - 9:47

je vous remercie d'avoir lu mon texte. Il me semblait que le site était mort. je suis heureuse de voir qu'il se remet à vivre. Bonne journée á vous.

Amiedetous

Date d'inscription : 28/06/2012

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Message par surfeur Mar 1 Mar - 14:56

C'était avec plaisir !  J'apprécie les textes (bien écrits) où l'on sent un certain vécu, un sens de l'observation qui rend crédibles les récits. Actuellement - et certainement à cause de la société un peu tristounette qui leur est proposée - beaucoup de jeunes s'embarquent dans la S.F et le fantastique....la ténacité faisant office de talent (Lovecraft et Asimov sont si loin...).

surfeur

Date d'inscription : 29/05/2013

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Message par extialis Sam 19 Mar - 14:03

la roue tourne et ce texte sent le vécu, bravo Smile
(ps : si je suis moins là, c'est simplement qu'à présent je fais de la propreté 40 heures par semaine, lol. les patrons manquent de bras)
extialis
extialis
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