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un petit conte "philosophique" pour le 21è siècle !

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Message par Jafou Lun 6 Fév - 18:14

PLANÈTE SANTÉ...
Vendredi. 
Il ne se sentait pas en forme ; brusquement. Il avait passé un après-midi avec son frère qui venait de le quitter et soudain rien n'allait plus.
C’est vrai ; il toussait beaucoup et avait des picotements au fond de la gorge mais bon, tous les rhumes commencent comme cela !
Tout de même il ne se sentait pas bien et avait un instant pensé appeler son médecin ; bien à lui, un copain en plus.Il essaya. Mais on était vendredi, tard le soir et donc comme dans tous les petits villages ruraux de France on venait d’entrer dans le désert médical du week-end ! Il y avait bien officiellement un médecin de garde, mais qui, où ? Un qu’il ne connaissait pas, qui ne le connaissait pas et qui se situait, si cela se trouve à plus de trente kilomètres de là. Progrès, monde moderne, nous voici... Un répondeur lui conseilla de s'adresser au cabinet médical ou un autre robot lui indiquerait les cordonnées du médecin de garde ! Gagné !
De deux choses l'une : ou bien c'était l'un des deux autres médecins du cabinet et il ne voulait pas avoir à faire à eux ; ou bien il s'agissait d'un inconnu. Il fit donc une nouvelle tentative avec le portable de son toubib mais se fit conseiller de laisser un message. Après le "bip", bien sûr ! Ce qu'il fit.
Alors ? Prendre un analgésique, se coucher et «laisser du temps au temps» !
Samedi
Pas brillant ; des sensations de malaise... Attendre... dimanche, pas mieux, plus mal même : un rhume ? Des gros doutes.
Lundi, aux petites heures, il l’a appelé le toubib copain. Bien sûr, il était au cabinet en pleine consultation «Je passerai en début d’après-midi...». Il avait du se dire qu'il n'y avait aucune urgence sachant qu’il avait eu une forte gastro la semaine passée et qu'il avait peut-être une petite récidive.
Quinze heures, arrivée du sauveur tout souriant, auscultation, froncement de sourcils : «Je ne peux pas soigner ça ici, je pense à une grosse pleurésie...» «Mais ça fait pas tousser, ça fait pas mal à la gorge une pleurésie.» «Discutes pas, je t’hospitalise» Et le voila qui sort son répertoire d’adresse et appèle le service ambulancier le plus proche. Papiers, lettre, explications, brancard obligatoire et en route pour les cinquante kilomètres qui les séparent de l’hôpital «voisin» au sud !Sur une civière qui va se faire un plaisir de transmettre à sa colonne vertébrale tous les cahots de la route.

Les urgences. Il a quand même eu le temps de se préparer un petit «baise-en-ville et d’avertir son frère de cet avatar imprévu ; il faut bien que quelqu’un s’occupe de son chien, non ?
Les urgences donc ; un lundi ; dix brancards enchevêtrés et occupés ;  un ramassis important de gens douloureux, sur des chaises, des civières, n'importe quoi. Des infirmières en blanc s'agitent dans tous les sens un tas d'appareils en main et passent d'une personne à l'autre. Quand ce ne sont pas elles, ce sont des médecins surbookés, épuisés et speed qui les remplacent, résignés plein d’expérience et de lassitude.
.Trois heures s’écoulent au cours desquelles on lui fait en vrac et méli-mélo une radio pulmonaire (grands déplacements de brancards à vitesse TGV) un électro cardiogramme, une prise de sang aux tubes innombrables, et une analyse d’urine. Il n’avait aucune envie, l’a dit à une mignonne infirmière jolie et toute jeunette. Sans se démonter elle a sorti un tuyau de sa poche et lui a  dit :» je vais vous sonder». Alors il lui a donné vingt gouttes. Elle a rit : «Magique, hein, le coup de la sonde, même quand on n'en a pas sur soi !
Son frère est là ; il a embarqué le chien chez lui... On attend, encore et encore...
Enfin, après une accalmie et après avoir été longuement ausculté et peloté dans tous les sens il est onze heures du soir : le médecin : «vous avez un sale truc, je vous envoie en pneumo.
Un chambre solo, blanche, plutôt moderne avec salle d’eau en alcôve, aides soignantes et infirmières présentes pour assurer son confort. On l'a déshabillé puis une chemise d'hôpital (en plein les séries américaines, blanches à petits motifs bleus) lui a remplacé toutes ses hardes...
Mardi
Nouvelles auscultations, pose d’un cathéter au poignet droit, perfusion d’une grosse poche de liquide incolore. Un toubib, rasé de près, portant beau, discret et impeccable dans sa blouse immaculée sans un faux plis, le pneumologue chef du service. Autour de lui les infirmières sont déférentes. «Vous avez une sale histoire d’infection Broncho-pulmonaire, Une pleurésie aussi, peut-être, mais on va vous soigner ça. Puis il discute à part avec son frère... Des choses qu’il ne doit pas entendre ?
Quelques instants plus tard, une infirmière lui a enfoncé deux tuyaux dans le nez avec jugulaire sous le menton et en avant l'oxygène qui rend joyeux !
Ensuite elle a refait une prise de sang ; celui de la veille ne devait pas être bon.
On lui a posé un second cathéter à l’autre poignet et les anti-biotiques coulent à flot ; bien qu’au goutte à goutte !
A midi on lui présenta un plateau censé être son déjeuner, entièrement composé de nourriture industrielle préparée sous blister. Il refusa le tout mais mangea un yaourt.
(Il en fut ainsi tout au long de son séjour (un mois) où semi inconscient la plus part du temps, il ne se nourrit que de soupe, yaourts et petits déjeuners (café au lait et trois rondelles de pain beurré). Jamais il ne toucha à la nourriture artificielle et parfaitement aseptisée que l'on lui proposait. La maladie aidant il perdit trente kilos.!)
Dans l'après-midi il eut la visite de son frère et d'une de ses filles qui venaient écouter avec inquiétude le son caverneux qu'émettaient ses poumons.
Par moment une infirmière entrait trainant sur roulettes un appareil sophistiqué qui une fois quelques palpeurs branchés lui disait tout de ses mystères intérieurs : tension, glycémie, taux d'oxygénation du sang, rythme cardiaque, urémie et j'en passe. A la potence, quand une poche était vide elle en plaçait une autre ; très souriante et professionnelle.
Le soir on lui entonna force médicaments et on le laissa enfin tranquille mais toutes les deux heures sa porte s'entrouvrait laissant passer une tête et comme il ne dormait pas, il disait doucement : "ça baigne" !
Mercredi
On est déjà dans les routines : petit déjeuner, ok, toilette au lit, médicaments. L'oxygène et les antibiotiques débitent à flot et petit à petit il se sent sombrer dans un état second qui repousse bien loin les vicissitudes de la vraie vie. Il n'est pas  tout à fait inconscient, non. Il entrevoit les visages de ses visiteurs, il les mélange un peu. Il ressent la présence des infirmières, des aides soignantes ; comme des elfes qui tourneraient autour de son lit ; la notion du temps lui échappe totalement.
Dans la nuit, son moi a fait une première tentative de départ ; quitter enfin ce monde cruel, injuste et dont il pensait avoir épuisé la quintessence. 
On l'a redescendu au service des urgences en soins intensifs et en TGV. Au petit matin il était revenu dans sa chambre parfaitement ignorant de cette nuit agitée
Jeudi
Un jour qui ressemble étonnamment au précédent. Il s'enfonce davantage dans le no man's land de l'inconscience. Il a même cru voir son frère et tous ses enfants penchés ensemble au-dessus de son lit avec un air misérable et atterré. Depuis, on lui a dit que c'était impossible car tous, au contraire, se relayaient afin qu'il y ait toujours quelqu'un.
Dans la nuit, rebelote en beaucoup plus préoccupant. La dame à la faux a longtemps hésité et finalement a dit non en hochant la tête.
Vendredi
Il aurait encore fait une petite récidive dans la nuit ; mais sans conviction, conscient (inconscient) qu'il avait perdu la partie. Alors quelque chose en lui a susurré qu'il était temps de cesser de laisser flotter les rubans et d'apporter une petite participation aux efforts que tous faisaient en vue de sa guérison. De cet instant ce fut fini et lentement, lentement il remonta à la surface.
La routine prit enfin sa revanche. On lui portait son petit déjeuner vers sept heures puis on le toilettait. On essaya de l'installer dans un fauteuil mais vu son état de faiblesse c'était pari perdu d'avance. Blouse blanche venait régulièrement le voir pour lui dire que tout allait bien puis faisait un rapport détaillé à son frère !
Trois semaines plus tard, il émerge définitivement à la lumière. Vingt jours qu’il avait sombré dans l’inconscience miséricordieuse. Son frère toujours présent lui raconte qu’il a failli leur fausser définitivement compagnies trois nuits de suite et que le toubib lui a dit : «avec mon équipe on s’est battus toute une nuit pour l’empêcher de partir et on a gagné mais on ne sait pas trop comment on a fait» !
Et c'est là que pour la première fois il a pensé que tout cela était stupide, qu'il aurait été bien préférable de le laisser partir. Mais en France c'est ainsi, il a eu le malheur de le dire. La France se prétend cartésienne mais a horreur qu'on soit logique.
Il avait atteint un âge si respectable que l'annonce de son décès n'étonnerait, n'offusquerait personne. Il était trois quarts inconscient dans son cocon. Il ne souffrait ni physiquement ni moralement. Mais quelle belle façon de s'en aller et sans même s'en rendre compte. La prochaine fois quelles souffrances, quelle agonie lui seraient réservées ? Il râle : «pourquoi ne pas m’avoir laissé partir ?
Une infirmière a cafté alors le pneumologue a marqué sur la fiche au bout du lit «fort syndrome dépressif» et on lui refile des anti-dépresseurs qu’il fait semblant d’avaler mais jette aux toilettes !
Un mois ayant passé ; le voila déclaré guéri (et amputé de trente kilos). Une dernière fibroscopie pulmonaire ; (c’est douloureux ce truc) et exit le malade. Un interne a bien évoqué timidement la pleurésie dont personne ne parle mais le pneumologue a déclaré avec morgue que cela allait s’arranger tout seul !
Brancard, ambulance, établissement de soins de suite...
A son frère : «combien de temps ?» «Bof, deux trois mois, mais t’inquiète, ton chien va bien...»
___________

Les soins de suite. L’établissement est à six kilomètres de chez lui et la chambre toujours la même en encore plus récent ; (il doit y avoir un modèle ministériel qu’on duplique partout !).. Pour son frère et ses enfants c’est drôlement mieux que l’hôpital à cinquante bornes et il connait la moitié du personnel. Ce n’est pas forcément un avantage parce que infirmières et aides-soignantes sont beaucoup plus familières avec lui qu’avec d’autres ; puisqu’on se connait... Il y en a une, elle habite à cinquante mètres de chez lui, qui aurait bien tenu dans un rôle «sans-gêne» de cantinière impériale ! Et puis la cuisine est correcte faite sur place par une vraie cuisinière (qui habite aussi dans sa rue !)
Dès le second jour «Sand-gêne» attaque : «Il faut vous lever, pas rester au lit à vous affaiblir.  Voulez-vous que je vous douche, que je vous rase ?» Nan, je vais me débrouiller.
Le troisième jour : «vous devez descendre à la salle à manger». «je tiens pas debout» Elle pousse un fauteuil roulant dans la chambre : «on va vous aider» !
Quinze jours plus tard, sur ordre, le fauteuil roulant a disparu remplacé par un déambulateur : «vous devez recommencer à marcher»... Puis deux canes anglaises ; une seule ; plus rien et tache de pas tomber mec ! Le kiné de la maison lui fait subir un entrainement intensif. Et en plus, ça marche...
L'une de ses filles lui déclara un jour, beaucoup plus tard qu'il était comme un coq en pâte,  ce qui appelle deux réflexions : est-il certain que les-dits coqs soient satisfaits de leur statut. Sa pâte était trop vieille, trop molle, mal faite ou le coq était-il trop vieux ? La réflexion semblait hors propos.
Trois mois se sont écoulés. Le toubib référent de l’établissement (il le connait bien ) lui a dit qu’il pourrait rentrer chez lui la semaine prochaine... Que soient remerciés tous les dieux de l’Olympe !
Et là, il se remet à tousser comme un perdu et plein de petits panaris apparaissent autour de ses ongles. Le toubib alerté, grommelle : « merde une récidive ; il faut aller faire de suite une radio pulmonaire à l’hôpital : brancard, ambulance. La première fois on était allé vers l’hôpital du sud, cette fois on va vers celui du nord ; la distance est la même...
__________

Les urgences ; surréaliste : un vrai capharnaüm et en plus c’est vétuste, on réhabilite plus loin. Trente brancards inconfortables font la queue dans la salle des pas-perdus et on fait des analyses et des tests à tout le monde au petit bonheur la chance parce qu’il faudrait dix infirmières et deux médecins de plus...
Il est venu faire une radio, on lui fait une prise de sang et on l’expédie passer un scanner parce que la radio n’est pas libre mais le Scan si !
Au retour un vieux médecin lui dit qu’il a les poumons en mauvais état (il savait) et une belle pleurésie (il savait ; elle a trois mois d'âge m'sieur ! !) et qu’il va lui faire une ponction... Après, après... Eh bien il n’y a pas un seul lit de libre dans tout l’hôpital alors on peut le dispatcher vers un autre... Refus indigné. Alors il passe la nuit sur un brancard dans une mini pièce vitrée à mi hauteur le long d'un couloir où passent et repassent tous les travailleurs médicaux de la terre occupés à sauver des vies. Une nuit d’enfer au propre et au figuré mais «une putain de nuit» !
Dans la plèvre où cela devait s’arranger tout seul, on lui a ponctionné trois litres de liquide ; et il en reste a dit le toubib mais faut aller doucement... «Je vous ai trouvé un lit ; le seul ; en gériatrie court séjour mais le pneumo vous prend en charge !» Bon tant que ce n'est pas à la maternité...
Et le voila parti sur son brancard par tous les couloirs de l'hôpital vers une chambre désuète mais solo.
Le paquet : cathéters, deux au poignet droit, un au gauche, un à une cuisse ; heureusement que la potence a quatre branches !
Ils sont quatre aussi réunis au pied de son lit : le chef du service de gériatrie, le pneumologue, le radiologue et un chirurgien. Le scanner a révélé, outre l’état lamentable des bronches, une masse non identifiée mais bien présente qui s’étale du foie au cœur : liquide, solide, gazeuse, cancéreuse ? On sait pas; demain le chirurgien va ouvrir sous scanner pour ponctionner et on lui barbouille la poitrine de bétadine... La pleurésie, ils s'en foutent (ce doit être une habitude médicale) !
Au petit matin, départ vers le scanner... Le radiologue l’informe que les choses changent : on ne l’ouvre plus car «la masse» a régressé de trente pour cent. Bon il en reste soixante-dix mais cela prouve qu’elle est sensible aux anti-biotique. Alors sagement on va attendre. Trois jours plus tard un nouveau Scan révèle que «la masse» a totalement disparue mais les quatre toubibs sont terriblement frustrés : ils ne sauront jamais ce que c’était...
Encore dix jours ; tout baigne : brancard, ambulance et retour aux «soins de suite» à la grande satisfaction de madame «qui vous savez» : on va vous remettre sur pieds vite fait ; faites moi confiance !
Deux nouveaux mois se sont écoulés. Six mois qu’il a quitté sa maison. Mais cela se termine avec l’exeat du médecin et son frère le ramène chez lui...
_________

Ses enfants en ont profité pour faire des aménagements : condamner cheminées et cage d’escalier pour faire des économies de chauffage. Aménagement pour lui d’une chambre en rez-de-chaussée avec incorporation de son bureau et tout son bazar informatique. A un mètre la salle de bain avec plein d’accessoires pour qu’il puisse en user et se doucher en toute sécurité et... Son chien revient auprès de lui !
Bonheur...
Cet épisode désastreux semble terminé mais le copain toubib ne lui cache pas qu’il a perdu vingt pour cent de ses capacités pulmonaires et reste fragilisé dans ce domaine pour le restant de ses jours. C’est votre tabagisme qu’ils disent tous... Trente ans qu’il n’a plus fumé...Kiné. Il lui faut lentement reprendre du poids, s'habituer à respirer avec une capacité pulmonaire amoindrie de vingt pour cent, bref, remonter vers la lumière...
IL est seul dans sa grande maison, sans projets, sans avenir et se fait cuire un plat de nouilles ; manger ou être mangé ; to be or not to be...
Mais pourquoi ils ne l'ont pas laisser partir, tous ces cons ? Pas dire surtout, sinon diagnostic GROSSSE dépression !

_________

Quatre années ont passé entrecoupées de bronchites nombreuses demandant des traitements énergiques mais cela va...
Enfin pas partout : son estomac le fait souffrir, provoque des malaises qui le conduisent au bord de la perte de connaissance mais toutes les analyses sont satisfaisantes et copain toubib se contente de moduler les ordonnances : un peu plus de cela et moins de ceci... En plus son cœur n’est pas en bon état et le cardiologue qui a la réputation d’être un poète pessimiste ne donne pas cher de sa peau quand ils se rencontrent... Bref et en gros : il est vieux et passablement usé !
 Les hématies, les plaquettes sont bien un peu en deçà de la norme, et la vitesse de sédimentation trop élevée mais ce sont là des broutilles ; juste un peu d’anémie. Est-ce que tu manges suffisamment de viande rouge ? Tu manques un peu de fer et d’hémoglobine ; trois fois rien mais a surveiller. Et on programme une prise de sang pour dans un mois...
Six mois que son estomac refuse de le laisser tranquille. Alors, il en remet auprès du toubib qui l’envoie à soixante kilomètres passer une échographie abdominale qui bien entendu ne révèle rien de particulier. Mais, insiste le radiologue, sous les os, les côtes, on peut pas voir il faudrait faire un Scan ; encore !
Wait and see dit son toubib et la vie continue, douloureuse et va comme je te pousse. En plus il fait des dyspnées aigües au moindre effort... Et son chien bien-aimé en profite pour se payer un cancer de l’estomac qui l’emporte en trois semaines... Le chagrin, le stress, cela n’arrange jamais les problèmes digestifs !
On fini par se décider à prendre un rendez-vous auprès d’un clinicien gastro-antérologue. Ce sera dans trois semaines... La camarde, retiens toi je te prie !
Et il s'essouffle et cherche l’air bouche grande ouverte. Tout juste s’il arrive à marcher dix mètres.
Toubib commence à s’inquiéter ; du coup on fait de suite la prise de sang prévue pour avant le rendez-vous programmé. Catastrophe, Toubib a reçu les résultats le jour même, il téléphone, j’arrive. Bien sûr c’est un samedi ; il fait du rab.
«On frise le danger, tu dois saigner beaucoup, ton taux d’hémoglobine est tombé à six grammes en vingt-quatre heures ; il te faut une transfusion»... Et bizarrement il téléphone et demande une ambulance-taxi pour... Le lundi ! Destination les urgences hôpital du nord. Tout le monde, même l’ambulancier trouve que côté «urgence» on ne s’est pas beaucoup pressé, mais, mais...
Quel contraste en quatre ans : tout neuf, tout blanc, vaste et aéré ; un accueil rapide , personnalisé ; une petite salle où un médecin fait un premier examen hatif mais complet, avec un seul patient à la fois. Puis, bien sûr la gare de tri où sont entreposés les arrivants sur des brancards confortables à matelas à mémoire de forme en attendant d’être dispatchés vers section de soins urgents ou services de l’hôpital.
Lui, a droit à une chambre modèle habituel toute neuve où un jeune toubib plein de gentillesse et d’empathie vient s’occuper de lui : prises de sang, ECG, et contrôle de tous les paramètres vitaux. Un infirmier tout aussi jeune et aimable prend la suite et pose une première transfusion avec un grand luxe de précautions... Et on bavarde, de tout, de rien, entre humains...
Tout le personnel semble d’une extrême jeunesse ; une jeunesse souriante qui ne voit pas en vous un simple cas, une pathologie. Cela vous change...
Le lendemain, il a eu quatre transfusions augmentées d’une perfusion de fer et d’un pansement anti-saignements et s’est fait plein de copains. Mais il est désormais bon pour le long coure et expédié dans un service de médecine qui s’empresse de lui faire une nouvelle transfusion , le taux d’hémoglobine remontant trop lentement.
La chambre est double, dans les anciens bâtiments, mais repeinte. Un contact électrique et un volet ne fonctionnent pas mais ses filles se succèdent auprès de lui...
Une jolie médecin au nom imprononçable, blonde a reflets dorés, jeune et sapée moderne vient le voir en compagnie d’une interne longiligne haute et mince type anorexie, mais jolie et concentrée sur les propos de sa chef. Et on lui explique le protocole extravagant envisagé...
Le surlendemain, il rentre chez lui sans plus d’investigations... Cinquante kilomètres... Huit jours après il revient pour son rendez-vous avec le «concurrent non hospitalier» et repart... Cent kilomètres... Par la suite il devra revenir en consultation avec le chef du service de gastro pour suite à envisager... Cent kilomètres... Et où et pourquoi cette anémie brutale et dangereuse ? Mais qui s’en soucie ?
Antagonisme et concurrence libérale et hospitalière qui conduisent à cette situation hubuesque  et parfaitement irrationnelle alors qu’il est déjà au lit, hospitalisé...
Il a, par alliance, un petit-fils chirurgien gastro dans la métropole lointaine. Sa fille lui téléphone et le met au courant. Il s’indigne, prend son téléphone et appèle le chef du service «Gastro» ! Que se sont-ils dit, avec quelle vigueur ? Mystère mais tout  change et revoilà la blonde toubib : «En fin de compte nous vous gardons et allons traiter ces saignements et vos douleurs d’estomac. Dans trois jours le gastrologue  (Le mandarin qui ne voulait pas de lui) vous fera un examen complet sous anesthésie générale ! Enfin du bon sens... Un peu forcé, non ?
Et les perfs se succèdent ; l’hémoglobine est remontée à dix grammes ; pas assez mais mieux !
Trois jours : douche bétadine, chemise chirurgie et en route par les couloirs pour un bloc opératoire. Anesthésie : bonne nuit les petits.
Réveil deux heures plus tard. Il parait que tout baigne et on le re-véhicule jusqu’à sa chambre où très vite «Blondie» vient le voir : «Il (Il ne l’a vu à aucun moment) vous a trouvé quatre angiomes dans le colon et un plus gros dans l’estomac probablement responsable de vos hémorragies.Il a tout brûlé au laser ; tout devrait aller bien désormais et vous pouvez nous quitter demain... Ou le jour suivant... Demain bien sûr ; ma fille aînée m'emmènera.
Et bonjour chez vous !
Retour at home et l’aînée reste trois jours avec lui... Ça va ; plus de symptômes, plus de malaises ; une visite de copain-toubib avec des observations très pessimistes du cardiologue consulté récemment.
Prochain départ en cardio ?
C’était la chronique «Planète santé» d’un sénior désabusé...
Un monde un peu fou ; à part et bien trop souvent à peine humain...
Jafou
Jafou

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Message par Demi-Tour Mar 14 Fév - 20:59

Jafou...
X temps que je ne t'ai pas lu, mais à la lecture de ce texte (je ne l'ai parcouru que partiellement par manque de temps ce soir, mais promis, je vais finir de le lire), je dois dire que je comprends pourquoi je lisais les tiens à chaque passage sur le forum, parce que celui-ci semble excellent (du moins la partie que j'ai lue  tongue ) avec un ton incisif, limite ironique (à mes yeux) mais surtout bien maitrisé.

Chapeau bas, monsieur...  Cool

Demi-Tour

Date d'inscription : 13/09/2011
Age : 50

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Message par extialis Mar 14 Fév - 21:30

idem, (crénom)
extialis
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Message par Le sombre minuit Mar 6 Juin - 9:53

C'est vraiment un très beau texte, vivant et angoissant. Les termes utilisés et le nombre de phrases courtes donnent l'impression d'être à la place de ce vieil homme désabusé par la vie. J'ai apprécié chaque moment dans son esprit avec l'inquiétude de voir sa vie se terminer alors que tout ceci semble aseptisé et si peu humain. J'ai espéré voir un peu d'amour mais il n'y en a presque pas eu : les sourires sont factices, les tristesses sont extrêmes, où est passé le frère, qu'on ne voit plus ? Voilà tout l'inquiétude que nous vivrons peut-être, et qui fait si peur.
Merci pour ce texte qui est vraiment très beau.

Quelques points que je note :
pas avoir à faire à eux -> "avoir affaire à eux"
Il avait du se dire -> "il avait dû"
Et le voila qui sort son répertoire d’adresse et appèle-> "Et le voilà qui sort son répertoire d'adresses et appelle"
Des infirmières en blanc s'agitent dans tous les sens un tas d'appareils en main et passent d'une personne à l'autre -> "un tas d'appareils en main" entre virgules serait bien, non ?
Elle a rit -> "Elle a ri"
On essaya de l'installer dans un fauteuil mais vu son état de faiblesse c'était pari perdu d'avance -> "mais vue son état de faiblesse"
trois fois rien mais a surveiller -> "à surveiller"
On fini -> "finit"
Le sombre minuit
Le sombre minuit
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Age : 33
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http://la-voie-des-ames.overblog.com/

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